Avec la stratégie de standardisation s'achève cette discussion sur les techniques actuelles de pilotage dans le cadre du
management des connaissances. Naturellement, le lecteur aura noté son caractère inachevé, car il faut bien le reconnaitre, les outils que l'on a vu apparaitre sont encore approximatifs, largement marqués par les approches récentes du pilotage. Et les innovations propres A la question des
connaissances ont été peu nombreuses, A l'exception de la discussion sur les coûts cachés. Pour le dire de faA§on simplifiée, les approches que nous avons vues oscillent entre deux pôles sans franche direction :
» la recherche d'indicateurs de pilotage spécifiques aux enjeux de connaissance,
» ou le retour vers des formes classiques de calcul de renilité. Mais on notera aussi le contraste qui apparait avec la qualité
des résultats qui ont été obtenus sur le terrain de l'organisation du travail, du management et/ou de la stratégie car, dans ces trois domaines, nous avons réellement pu avancer vers une représentation autonome du jeu de la
connaissance et de son management, et tel n'est pas aiment le cas ici.
La mesure de la connaissance sera un problème rémanent
Un tel écart ne peut manquer d'interroger. Il témoigne certes d'un décalage naturel entre les pratiques de management et le contrôle de ces pratiques, forcément plus tardif, mais l'écart est trop grand, ici, pour ne pas témoigner d'un problème particulier. Il est clair, notamment que les difficultés de mesure de la connaissance sont ici qualitativement supérieures A ce que les entreprises ont pu connaitre, y compris dans un passé récent. Et l'on ne peut guère espérer que ce phénomène s'atténue, car ces difficultés sont apparues d'autant plus importantes que l'on dépassait le niveau des échanges formels ' cas de la stratégie d'efficacité de
la communication ' pour se situer au cœur du contenu de la connaissance - cas de la stratégie de standardisation. Il y a donc - et c'est le premier résultat ' une difficulté sérieuse du point de vue du contrôle de gestion A appréhender les activités de connaissance, voire mASme une difficulté croissante avec le temps si l'on imagine que
le management sera de plus en plus concerné par les questions de contenu de connaissance.
On ne peut cependant se satisfaire d'un constat aussi négatif car on pourrait l'opposer A l'idée mASme du
management des connaissances ; et la question se pose des voies par lesquelles on pourrait dépasser ces difficultés, adapter la fonction de contrôle A la réalité de la connaissance. Or si l'on prend un peu de recul sur ce retour d'expérience, on peut voir se dégager deux tendances qui laissent présager la direction dans laquelle il faut chercher
I La première voie est la recherche d'un ancrage fort A la réalité
économique (c'est-A -dire en reliant le plus possible l'évaluation en matière de connaissances A ses contreparties -sur le marché-).
II n'y faut pas voir d'ailleurs de paradoxe : comme on l'a dit, les outils les plus modernes sont assez fortement tournés vers -l'interne-, car ils privilégient l'observation de variables non directement confrontées au marché. Ils présentent donc une forme de risque, certes contrôlé, mais qui ne peut que s'aggraver dans un univers aussi complexe que celui de la connaissance : d'où la tentation de leur opposer une forme de retour A la matérialité traditionnelle de la relation marchande, c'est-A -dire de la mesure par les produits et les coûts observables. C'est ce que nous avons vu au travers de l'exemple de la stratégie de service ou de la référence au
benchmarking - cas de la maintenance - car ce type de -mesure- fonctionne comme un -ersatz- de résultat économique. Mais sur un autre , le pilotage de la stratégie de standardisation est apparu centré sur les produits finaux autant que sur les outils de standardisation.
Cet ancrage dans la réalité du
marché n'est d'ailleurs pas une totale surprise. Nous avions en effet commencé cet ouage par une idée assez proche en soulignant que la tendance - inexorable - A la
dématérialisation du travail s'accomnait d'une recherche de (re)matérialisation de la transaction. Que nous retrouvions ici cette tension est en quelque sorte naturel : c'est le signe que cette tension est actuellement le propre de l'univers de la connaissance en entreprise.
Le rôle du management dans l'évaluation
Il reste que cette attitude est en soi contradictoire, ou tout au moins -court-termiste-, comme on dit. Car A ne se focaliser que sur les résultats - commerciaux le plus souvent - on peut nourrir une tendance au -moins disant- en matière de travail sur la connaissance, celui-ci étant par construction moins visible aux gestionnaires. D'où le second constat selon lequel
2. ce problème ne pourra AStre résolu en dehors de l'action directe du
manager : c'est A dire, ici, de l'évaluation par le manager de terrain.
Il faut entendre par lA que l'évaluation du travail de la connaissance, de sa qualité et de son intérASt pour l'entreprise dea AStre effectuée directement par le manager concerné, sans le secours d'outils de mesure objectifs. C'est ce que nous avons vu, ici, A propos de la thématique des coûts cachés, où c'est au manager qu'est revenue la mission d'estimer l'efficacité des temps de formation. Toutefois, il faut se rappeler que nous avons souvent rencontré cette idée dans cet ouage, notamment A propos notamment de la fonction d'influence du manager. Lorsque l'enjeu d'une connaissance pour l'entreprise est difficile A estimer -objectivement-, le besoin croit naturellement d'un travail spécifique d'orientation, d'arbitrage - d'arbitrage entre choix possibles - qui repose nécessairement sur le manager de terrain. Et ces arbitrages supposent une forme d'évaluation. Aussi doit-on admettre, mASme si la pratique n'en est qu'embryonnaire, que le pilotage en matière de connaissances s'accomnera de plus en plus de logiques managé-riales spécifiques d'évaluation. Et nous ferons de cette idée un nouveau résultat de ce retour d'expérience.
Disant cela, nous avons conscience de fortement heurter les convictions de nos lecteurs, s'ils sont eux-mASmes managers, et peut-AStre encore plus s'ils sont -managés-. En effet, l'histoire de l'évaluation dans l'entreprise moderne est fortement marquée par la logique du contrat, ce qui se traduit par le double impératif :
» de l'objectivité de la mesure, la subjectivité étant souvent considérée comme arbitraire,
v' et de l'individualisation de la relation.
Or, il faut bien le reconnaitre, la logique d'évaluation que nous voyons apparaitre n'est pas cohérente avec ces principes - dans le cadre de l'entreprise actuelle en tout cas. Elle n'est pas, de plus, sans poser de problèmes. Tout d'abord parce que l'intérASt d'une connaissance est difficilement évaluable in vivo, mASme par un manager de terrain, les idées les plus productives étant souvent celles qui sont le plus fréquemment combattues. Mais aussi parce qu'il est rare que la connaissance puisse AStre -tracée- comme une création individuelle, (pour AStre plus précis : dans laquelle la contribution de chacun pourrait AStre connue). Il y a donc sur ce lA aussi de aies difficultés et l'on comprend que beaucoup de
managers se sentent désarmés face A de telles missions - les réactions que nous avons -testées- A ce sujet sont dépourvues d'ambiguïté.
Cependant, dans l'état actuel de la pratique, on ne voit pas d'autres solutions A moyen terme que de confier A celui qui est au plus prés de l'activité de connaissance le soin d'en évaluer l'apport. Sauf A rompre avec la logique du contrat salarial mais on sortirait ici du cadre de cet ouage. Et nous pensons que cette idée est amenée, inexorablement, A faire son chemin.