Un certain nombre de points peuvent AStre approfondis dans le cadre général du néo-institutionnalisme, car ils ne sont pas sans faire l'objet de controverses32.
Les causes de l'institutionnalisation
Une grande divergence existe. Comme le démontrent les contributions qui nt AStre présentées, elles peuvent AStre localisées au niveau des organisations, des individus ou d'ensembles plus vastes.
Les champs organtsationnels13
La vraie question en fait n'est pas pourquoi il y a tant de catégories d'organisations, mais en fait pourquoi celles-ci sont aussi homogènes. La raison en est que des champs organisationnels émergent et se structurent sous l'impact d'un ensemble d'organisations, et ensuite homogénéisent les organisations qui y sont incluses. Ces champs constituent une zone reconnue de la vie institutionnelle. Ils comprennent tous les acteurs pertinents et non seulement ceux en concurrence, comme le fait l'écologie des populations d'organisations, ou ceux qui interagissent, comme le fait l'analyse en réseaux. Y appartiennent aussi les fournisseurs essentiels, les consommateurs de produit et de ressource clé, les organismes de régulation et les autres organisations qui fournissent produits et services similaires.
Le champ inclut les idées de connectivité et d'équivalence structurelle. Il se définit, se structure, en quatre étapes : l'augmentation des interactions entre les organisations comprises dans le champ, l'émergence de structures interorganisationnellcs de domination et de mouvements de coalition nettement définis, une augmentation de la charge d'information avec laquelle les organisations doivent traiter et le
développement d'une conscience mutuelle d'AStre inclus dans une
entreprise commune parmi les participants dans un ensemble d'organisations.
Une fois le champ structuré, des forces puissantes s'exercent sur les organisations qui y sont incluses pour les rendre plus similaires. Les organisations présentes peuvent changer leurs buts et/ou introduire de nouvelles pratiques et de nouvelles organisations peuvent entrer dans le champ. Cependant, A long terme, les acteurs organisationnels construisent autour d'eux un environnement qui limite leur capacité A changer plus, plus tard, dans le futur. Les premiers A adopter des innovations organisationnelles sont conduits souvent d'abord par l'amélioration de l'efficacité, mais ensuite ces innovations sont - infusées avec une valeur qui dépasse les aspects techniques de la tache A accomplir - et deviennent source de légitimité, ainsi que nous l'ans analysé ci-dessus. Les organisations, dans un champ structuré répondent A un environnement composé d'organisations répondant elles-mASmes A leur environnement qui lui-mASme consiste d'organisations répondant A un environnement de réponses organisationnelles. L'effet agrégé des efforts de changement individuel devient une diminution de la diversité dans le champ. L'isomorphisme en résulte, processus contraignant qui force une unité dans une population A ressembler A toutes les autres unités qui font face au mASme ensemble de conditions environnementales.
On peut en distinguer trois types : l'isomorphisme coercitif, semblable A celui décrit dans l'écologie des populations d'organisations, consiste en pressions formelles et informelles des autres organisations situées dans l'environnement conduisant A un rituel de conformité.
Il peut AStre aussi de nature mimétique. Quand les technologies sont obscures, les buts sont ambigus et l'environnement crée une incertitude symbolique, les organisations nt se modeler sur les autres organisations qui s'y trouvent en réponse A cette incertitude, comme le montrent les exemples de l'époque Meiji de la modernisation japonaise ou la diffusion des cercles de qualité en France. L'adoption de certaines pratiques est aussi une faA§on de faire passer un message A l'environnement. Par exemple, l'administration se - modernise -, en employant certains des procédés et des méthodes de gestion - modernes - en usage dans le secteur privé. Rien ne change réellement, du fait du carcan du statut de la
fonction publique et de la grille des salaires, mais elle fait preuve de bonne lonté et doit donc AStre - récompensée -. Les organisations tendent ainsi A se modeler sur d'autres organisations dans leur champ, qu'elles considèrent comme plus légitimes ou ayant du succès. L'ubiquité de certaines pratiques ou structures en résulte ainsi, plus que de l'efficacité concrète de ces pratiques.
Une troisième source du changement
organisationnel isomorphique se trouve dans les pressions normatives qu'exerce la professionnalisation. Celle-ci est la lutte collective des membres d'une occupation quelconque pour définir les méthodes et conditions de l'exercice de leur travail, en contrôler la - production de producteurs -, c'est-A -dire la formation et l'accès A l'exercice de la profession, et élir ainsi une base cognitive et une légitimité pour leur autonomie occupationnelle. Deux aspects en sont particulièrement pertinents : le rôle des institutions d'enseignement supérieur dans l'élaboration des deuxième et troisième de ces aspects et celui des réseaux professionnels qui sont transversaux aux organisations et qui diffusent très rapidement les règles relatives au premier.
Ces mécanismes créent des viviers d'individus quasiment interchangeables qui occupent des positions similaires dans de multiples organisations et partagent une similitude d'orientations et de dispositions qui peut prendre le pas sur les variations en traditions et contrôle qui, autrement, formeraient l'essentiel du comportement organisationnel.
Un mécanisme important de renforcement de l'isomorphisme normatif est le filtrage du personnel dans les champs organisationnels : recrutant dans une gamme réduite d'institutions de formation, promouvant les mASmes - backgrounds - avec les mASmes méthodes et recherchant les mASmes qualifications, les organisations dans un champ rendent les carrières professionnelles si étroitement délimitées que ceux qui parviennent au sommet sont virtuellement indifférenciables, comme tendent A le démontrer des études nord-américaines sur les board members des entreprises membre du classement des Fortune 500 ou des surintendants d'écoles. De plus, les individus dans un champ passent par un processus de socialisation qui anticipe des attentes communes A l'égard de leur comportement individuel, le style vestimentaire approprié, le cabulaire et les méthodes standard de parler, plaisanter et s'adresser aux autres. C'est ainsi que Kanter a pu parler de - la reproduction homosexuelle du management -.
La professionnalisation du management va de pair avec la structuration du champ, matérialisée par les organisations professionnelles, une hiérarchisation reconnue par tous des organisations qui s'y trouvent, les Conseils d'Administration croisés. Les organisations qui y sont reconnues comme centrales y sont copiées dans leurs pratiques et les profils de carrière y passent généralement. Tout cela rend les contacts entre organisations similaires plus faciles et les rend plus légitimes, toujours indépendamment de l'efficacité des pratiques. Le poids de l'efficacité est encore décru si les barrières A l'entrée sont fortes et l'information sur les performances relatives rare ou coûteuse, par exemple dans le cas des hôpitaux. Dans de tels champs qui incluent une main-d'œuvre professionnelle importante, la
concurrence se fait par le statut et le prestige qui comptent plus que les résultats, ce qui renforce encore l'homogénéisation.
Un certain nombre d'hypothèses peuvent en découler pour prédire la similarité entre organisations, entre elles et dans un champ.
En conclusion, les théories macro sociales fonctionnalistes, webériennes ou marxistes décrivent les sociétés comme des ensembles d'institutions rationnellement et étroitement couplées. Ceci ne cadre pas avec la recherche empirique sur les organisations qui les décrit comme pour le moins, confuses. L'élimination par sélection naturelle n'est pas compatible avec la persistance d'organisations inefficaces, mASme sur des marchés, comme le montre l'exemple de Penn Central, ou plus généralement la persistance des - organisations perpétuellement en faillite -, mais néanmoins toujours lA -0, ni avec le contrôle par les élites propriétaires du capital. Cependant, en fait aussi, les organisations inefficaces meurent parfois, et les élites ont souvent gagné. Une théorie prenant en compte l'isomorphisme institutionnel pourrait expliquer quand se passe quoi en ces termes. Dans la mesure où le changement organisationnel se produit souvent indépendamment de ce qui est ulu par ceux qui cherchent A l'influencer, deux types de pouir sont A explorer : celui de former les prémisses sur lesquelles les décisions sont prises, et la localisation des points d'intervention critique, qui élit des modèles dominants pour une longue période.
Institutionnalisation et persistance culturelle16
Ces exemples doivent AStre conA§us comme des concepts séparés bien qu'ils soient souvent confondus en pratique. L'essentiel de la confusion repose sur l'usage de la nécessité fonctionnelle, l'internalisation de normes, l'auto-récompense ou d'autres processus d'intervention, qui ne sont cependant pas nécessaires pour expliquer la persistance culturelle, car, une fois institutionnalisée, la
connaissance sociale existe comme un fait, une partie de la réalité objective, et peut AStre transmise directement sur cette base.
Pour des actes hautement institutionnalisés il suffit qu'un individu dise A un autre que c'est ainsi que les choses sont faites. Chaque individu est motivé alors A s'exécuter, car autrement, ses actions et celles des autres ne seraient pas compréhensibles. Le processus fondamental est celui par lequel le moral devient factuel. Lélissement du caractère moral concerne la culture émergente, comment la nouvelle culture se forme, la persistance culturelle concerne l'aspect cognitif, la transmission de la culture formée.
L'approche ethnométhodologique procède différemment avec une autre vue de l'institutionnalisation dans la persistance culturelle. La réalité, bien que construit social, est expérimentée comme un monde intersubjectif connu-ou-connaissable-en-commun-avec d'autres, qui existe historiquement avant les acteurs et fournit les structures résistantes objectives qui contraignent l'action. Pour arriver A des définitions partagées de la réalité les acteurs individuels transmettent une réalité extérieure et
ective, alors qu'en mASme temps cette réalité, A travers ses qualités d'extériorité et d'objectivité, définit ce qui est réel pour ces mASmes acteurs. Les niveaux macro et micro sont inextricablement interreliés. Chaque acteur fondamentalement perA§oit et décrit la réalité sociale en l'agissant (enacting), et de cette faA§on la transmet aux autres acteurs dans le système social. La transmission entre générations en est un bon exemple, les jeunes sont acculturés par la génération précédente et acculturent eux-mASmes la suivante. Chaque génération croit simplement décrire la réalité objective.
Donc, l'institutionnalisation est A la fois un processus et une propriété. C'est le processus par lequel des acteurs individuels transmettent ce qui est socialement défini comme réel, et en mASme temps, A un point quelconque du processus, la signification d'un acte peut AStre définie comme une partie, plus ou moins tenue pour acquise, de cette réalité sociale.
Les actes institutionnalisés, donc, doivent AStre perA§us A la fois comme objectifs et extérieurs. Les actes sont objectifs quand ils sont potentiellement répéles par d'autres acteurs sans que soit changée la compréhension commune de l'acte. Les actes sont extérieurs quand la compréhension subjective des actes est reconstruite comme compréhension/accord intersubjectif (understanding intersubjective) de telle sorte que les actes soient considérés comme partie du monde extérieur suivant l'analyse déjA exposée de Berger et Luckmann. Objectification et extériorité covarient le plus souvent, une augmentation de l'un étant cause de l'augmentation de l'autre. Leur relation fait varier le degré d'institutionnalisation de bas A élevé. Donc les actes varient dans leur degré d'institutionnalisation. Quand ils ont des explications, comptes-rendus ou accounts au sens proche de celui donné par Garfinkcl, tous prASts (ready-made), ils sont institutionnalisés (donc objectifs et extérieurs). Des comptes-rendus tout prASts n'existeront pas pour des actes uniques, propres A un seul acteur, ou pour des actes ou l'intersubjectivité est faible. Quand les comptes-rendus sont créés socialement ils fonctionnent en tant que règle objective car leur origine sociale est ignorée. En mASme temps, des comptes-rendus tout prASts définissent le possible - l'institutionnalisation rend clair ce qui est rationnel dans un sens objectif. D'autres actes sont dépourvus de sens, ire impensables. Donc, le contrôle social direct, A travers incitations ou sanctions est inutile. En fait, l'application de sanctions A des actes institutionnalisés peut les déinstitutionnaliser en les rendant moins objectifs et impersonnels, moins factuels. L'acte mASme de la sanction peut air l'effet contraire de montrer qu'il existe d'autres alternatives attirantes possibles.
Cependant, les actes ne sont pas simplement définissables comme étant institutionnalisés ou non. La situation d'un acte peut AStre perA§ue comme plus ou moins extérieure ou objective en fonction de la situation dans laquelle il est accompli et/ou de la position et du rôle de l'acteur. Par exemple des actes qui dépendent d'un acteur particulier sont faibles en institutionnalisation (comme d'ailleurs en influence personnelle). Par contraste, ceux qui sont accomplis par un acteur occupant une position ou un rôle spécifique sont élevés en institutionnalisation. Le cadre, ou situation, dans lequel l'acte est imté (embedded), s'il est tel que les actes qui y sont accomplis sont vus comme institutionnalisés, est aussi influent. Indiquer qu'une situation est structurée comme une situation organisationnelle fait présumer A un acteur que les actions que les autres acteurs requièrent de lui dans cette situation sont typiques d'une interaction plus formelle et moins personnelle. Les actes émanant du titulaire d'un rôle dans un poste élevé sont plus probablement perA§us comme des - faits de la vie - et hautement objectifs et extérieurs, continuant au fil du temps, avec des acteurs différents. De plus un poste accroit la connaissance intersubjective de l'action appropriée. Au contraire, l'influence personnelle dépend de l'acteur particulier seulement.
Les secteurs sociétaux (societal sectors)
Il s'agit d'une collection d'organisations opérant dans le mASme domaine, identifié par la similarité de leurs services, produits ou fonctions, prises ensemble avec les organisations qui influencent de faA§on critique leur performance (fournisseurs, clients, propriétaires, régulateurs, concurrents et financiers. Du local A l'international, avec des frontières fonctionnelles et non géographiques).
Les organisations sont imtées dans ces secteurs dont la structuration verticale est de plus en plus importante avec des décisions sur les buts et l'emploi des fonds plus centtalisées et plus formellement structurées que par le passé. Les liens verticaux sont de plus en plus saillants et prévalants.
Ces secteurs sont variables en ce qu'ils sont dominés pat des processus techniques, eux-mASmes dominés par l'efficacité et l'efficience du processus de production, tels les
marchés ou bien institutionnels et dominés par les règles auxquelles il est nécessaire de se conformer pour acquérir soutien et légitimité. Us peuvent aussi opérer A plusieurs nombres de niveaux de complexité, air des structures de décisions programmatiques (buts), instrumentales et de
financement différentes sur trois dimensions (centralisation/décentralisation, en termes d'intégration verticale, fragmentation/unification, en termes d'intégration horizontale, fédéralisation/concentration, en termes d'indépendance entre différents niveaux), et des contrôles (structurels, de processus, de résultats) différents.
Par exemple, la différence des processus de régulation dans les secteurs de l'aviation civile et de la médecine ne reflète pas seulement des différences de processus politique et de mécanismes économiques, mais aussi des arrangements organisationnels.
L'institutionnalisation comme processus
En sciences sociales, note Jepperson, l'institutionnalisation indique d'une faA§on ou d'une autre la présence de règles autoritaires ou d'une organisation contraignante (binding). Par ailleurs, en sociologie générale, la connotation centrale de l'institution est celle d'une procédure organisée et élie. Ces procédures sont souvent représentées comme constituant les règles de la société (les règles du jeu). Elles sont alors ressenties et analysables comme étant extérieures A la conscience des individus.
Cependant, certains se réfèrent A des institutions comme A des associations particulièrement grandes ou importantes. D'autres identifient les institutions avec des effets environnementaux, et d'autres enfin avec des effets historiques ou culturels.
Considérant les termes mariage, sexisme, contrat,
travail salarié, poignée de main, l'assurance, l'organisation formelle, l'armée, la garantie de l'emploi des professeurs d'université, la présidence, les vacances, aller A la faculté, l'entreprise privée, le motel, la discipline académique, le te, ces objets, note Jepperson, sont communément censés représenter des institutions. Cependant certains sont des organisations, d'autres pas, certains sont plus structurels, d'autres plus culturels. Ils représentent tous cependant des - systèmes de production - ou des - structures de facilitation (enabling) -, ou des programmes - sociaux -, ou des scripts de représentation, c'est-A -dire, dans tous les cas, des - patrons-l'' sles pour des séquences d'activité répétées chronologiquement.
L'institution est un ordre social ou un - patron - qui a atteint un état donné ou acquis certaines propriétés. L'institutionnalisation est le processus qui y conduit. Cet ordre social ou - patron - réfère A des séquences d'intetactions standardisées. Une institution est donc un - patron - social qui révèle un processus de reproduction particulier. Quand les écarts par rapport A ce patron sont contremandés sur un mode régulier, par des contrôles construits socialement et activés répétitivement, c'est-A -dire un ensemble de récompenses et de sanctions, nous considérons un - patron - comme institutionnalisé.
En d'autres termes, les institutions sont ceux des - patrons - ou schémas sociaux, qui, quand ils sont reproduits de faA§on chronique, doivent leur survie A des processus sociaux relativement auto-activés. Leur persistance ne dépend pas, en particulier, d'une mobilisation collective récurrente, reconA§ue et réactivée répétitivement, de faA§on A assurer leur reproduction. En ce sens, les institutions ne sont pas reproduites par - l'action -, au sens strict de l'intervention collective dans (par) une convention sociale. Ce sont des procédures répétitives de routine qui soutiennent et supportent le - patron -, prolongeant sa reproduction, A moins que l'action collective ne bloque, ou que des chocs environnementaux ne rompent, le processus reproductif. Il n'est pas sûr que ces procédures réussissent toujours, bien qu'elles existent, A assurer la survie du - patron -. Dans certains cas, d'ailleurs, une très forte institutionnalisation peut au contraire rendre une structure très vulnérable aux changements de l'environnement. C'était par exemple le cas de l'ancien régime en France, du Parti communiste de l'ex-URSS, plus récemment.
Par exemple, le te est institutionnalisé en France, pas A Haiti où il faut des interventions répétées pour que des élections se tiennent.
L'institutionnalisation est donc relative, (1) au contexte ; (2) au niveau d'un système pour un autte, par exemple les UFR pour les disciplines dans une université ; (3) A la dimension particulière d'une relation, par exemple, les parents sont plus une institution pour leurs enfants que les autres adultes, et aussi plus contestés ; (4) A la cen-tralité, par exemple une association pour ses membres. Le mASme terme, dans des références différentes peut AStre une institution ou pas, en fonction aussi du cadre d'analyse.
Les institutions représentent des contraintes, mais pas seulement, ce sont aussi des véhicules pour des activités dans les limites de ces contraintes. Ce sont des cadres de programmes ou de règles élissant des identités et des scripts d'activité pour ces identités, avec des actions programmées, ou des réponses communes A des situations. Les institutions produisent des liens en termes d'attentes, comme de refuser une poignée de mains, ou des attentes réciproques de prédicilité.
Elles deviennent en quelque sorte tenues pour acquises, objectives et extérieures, comme il l'est déjA analysé ci-dessus, mais cette qualité peut revAStir des formes différentes. En premier lieu, tenir pour acquis n'est pas équivalent A compris. Par exemple dans l'ancienne messe en latin, les fidèles attendaient les différents chants, moments, ornements sacerdotaux en fonction des jours, etc. dont tous ne comprenaient pas la signification. En second lieu tenu pour acquis est différent de consciemment perA§u. En fait un - patron - (schéma) peut AStre tenu pour acquis précisément parce que l'on ne le perA§oit pas ou plus, que l'on n'y pense pas. A€ l'inverse, il peut AStre examiné, mais considéré comme une contrainte externe inévile. Enfin, tenu pour acquis est différent d'évalué ; un - patron - peut AStre évalué positivement, négativement ou pas du tout et toujours tenu pour acquis.
Tenu pour acquis a donc une signification additionnelle. Les institutions sont les séquences d'activités standardisées qui ont des raisons tenues pour acquises, c'est-A -dire un compte- rendu social commun pour leur existence et leur but. Des individus peuvent très bien ne pas comprendre une institution, mais air accès A une explication historique ou fonctionnelle de ce pourquoi elle existe et penser que des explications complémentaires seraient disponibles s'ils en avaient besoin.
Les institutions sont tenues pour acquises, donc, au double sens de ce qu'elles sont A la fois traitées comme des parties relativement fixes d'un environnement social et expliquées comme des éléments fonctionnels de cet environnement.
N'est pas institutionnalisé ce qui est hors d'un ordre, puisque l'institutionnalisation est une propriété d'un ordre social. Ne l'est pas non plus ce qui n'a pas de processus de reproduction auto activés, produits récurrents de comportements sociaux élémentaires ou conséquences inlontaires de l'interaction sociale, ni ce qui appartient A d'autres processus de reproduction sociale tels que l'internalisation par socialisation profonde, l'action quand la persistance du - patron - social est assurée par remobilisation et réintervention répétée d'individus. Ce dernier cas ressort de l'exemple des élections en Haiti avec la lutte des classes, A moins qu'elle ne soit institutionnalisée au sens proposé par Dahrendorf, ce qui va alors contre la logique de l'action collective, qui ne s'oppose pas A ce qui est institutionnalisé. En général, dans ce cadre, l'on peut considérer que l'on - enacte - (ou agit) les institutions, et l'on entame une action en s'en écartant, en n'y participant pas : les suivre est automatique, s'en ésectiuner demande un acte de lonté délibérée.
En résumé, A ce point, les institutions sont des systèmes de règles ou des programmes construits socialement, reproduits par routine, toutes choses égales entre elles. Elles opèrent comme des parties relativement fixes d'environnements contraignants et sont accomnées de comptes-rendus de leut existence tenus pour acquis.
En tant que propriété ou état d'un - patron - social, l'institutionnalisation se distingue d'autres conceptualisations.
Elle diffère de la propriété d'une otganisation formelle, de légitimité ou de contex-tualité : certaines institutions ne sont pas des organisations, bien qu'elles puissent aussi en AStre ou en AStre issues, sont illégitimes, par exemple la corruption dans certains pays, et si toutes les institutions ont des qualités contextuelles (extériorité, contrainte, objectivité), tous les effets de contextes ne sont pas institutionnels.
Elle n'est pas liée au niveau macrosocial : l'institutionnalisation de - patrons -, cependant très répandue peut se produire A un niveau microsocial, comme le démontre Goffman, par exemple dans les rituels d'interaction40.
Les institutions se différencient aussi de la - culture -, en particulier dans l'analyse organisationnelle. Il existe des domaines ou des contrôles sociaux tels que les effets normatifs, les idées, les conceptions, les compréhensions préconscientes, les mythes, rituels, idéologies, théories ou comptes-rendus, qui chacun d'entre eux peuvent AStre plus ou moins institutionnalisés, mais sans que l'un d'entre eux ne contienne l'institutionnalisation A lui seul. La - culture - représentée typiquement comme ces formes de - conscience - avec des effets de coordination sociale, peut AStre elle-mASme plus ou moins institutionnalisée. Par exemple le parent unique de la famille monoparentale est un trait culturel significatif non, encore, institutionnalisé. Toutes les institutions impliquent des comptes-rendus ou des raisons mais ne se confondent pas avec elles. L'institutionnalisation est une propriété abstraite qui peut caractériser de nombreuses formes de coordination sociale.
En ce qui concerne les formes, les trois principaux porteurs d'institutionnalisation sont :
- les régimes, systèmes d'autorité centrale portant règles codifiées et sanctions émanant d'un centre, différencié et collectif, sans organisation formelle (par exemple constitution, code, profession, mafia) ;
- la culture : règles procédures et buts de caractère coutumier ou conventionnel, qui produisent des attentes sur les propriétés, orientations et comportements des individus, comme contraignant - les autres - dans l'environnement social, hors représentation primaire dans une organisation formelle ni systèmes d'autorité centrale de contrôle et sanction ;
- les organisations formelles.
Le degré d'institutionnalisation est une question difficile. Gofrman a défini les institutions totales comme absorbant totalement (totally encompassing). Une conception peut se poser en termes de vulnérabilité relative A l'intervention sociale. Une institution est alors hautement institutionnalisée si elle présente un niveau d'action collective quasi-insurmonle pour intervenir et contrer les processus reproductifs. Une institution est d'autant moins vulnérable qu'elle est encastrée dans un cadre institutionnel, elle est d'autant plus encastrée qu'elle est en place depuis longtemps et que les autres pratiques s'y sont adaptées et qu'elle est localisée centralement dans ce cadre et y est située en profondeur. Elle est aussi plus encastrée si elle est intégrée dans un cadre par des comptes-rendus unifiés basés sur des règles et pratiques communes. De plus, plus elle est liée A des contraintes conA§ues comme socialement exogènes - autorités morales transcendantes ou lois de la nature - moins elle est vulnérable aux interventions. Enfin, le degré d'institutionnalisation dépend de la forme de - tenu pour acquis -, la plus forte étant où il n'y a plus d'alternatives ou bien où elle n'est pas remise en cause car l'on en est plus conscient.
Le double découplage et - l'organisation - irrationnelle - et - hypocrite - : l'apport de Brunsson
Contraintes sur l'action organisationnelle
Btunsson part du constat traditionnel que les organisations existent pour coordonner l'action et obtenir des résultats qui dépassent ceux possibles par les seules actions d'individus inorganisés. 11 a été recherché, et trouvé, comment les rendre plus efficientes pour des bues spécifiques A des niveaux spécifiques.
Cependant, une organisation conA§ue pour traiter un ensemble donné de buts, taches et situations est peu efficiente pour un autre de ces ensembles. L'efficience est rarement compatible avec la flexibilité. La coordination des actions d'un ensemble d'individus signifie la réduction de la gamme d'actions disponibles pour chacun d'entre eux. Cène réduction qui accroit l'efficacité décroit la capacité A traiter des situations nouvelles, A accomplir de nouvelles taches A promouir de nouvelles valeurs.
Seules les organisations capables d'influencer leur environnement peuvent rester inflexibles, et elles sont rares, les autres doivent AStre capables de changer.
Organiser, c'est réduire la variété de comportements et de comportements potentiels d'individus liée A la rationalité limitée. L'existence d'une organisation assure que ses membres agiront A l'intérieur de certaines limites, maintenant et dans le futur, et qu'ils seront capables d'accomplir une action conjointe. Le résultat des actions individuelles accomplies de cette faA§on est - l'action organisationnelle -, raison d'AStre de l'organisation et cause de ses difficultés, car cette capacité d'action conjointe n'existe pas une fois pour toute, mais doit AStre maintenue, entretenue et recréée pour toute action nouvelle.
Les règles d'encadrement du comportement des individus comprennent les procédures opératoires standard au niveau le plus concret des situations récurrentes, les rôles au niveau plus abstrait de groupes de situations possibles, l'idéologie au niveau le plus abstrait de la réduction de la variété conceptuelle avec laquelle les individus perA§oivent, interprètent et évaluent les événements dans leurs environnements, et nt donc traiter des situations nouvelles et originales.
Ces méthodes créent une inertie sttucturelle interne considérable, de plus les changements externes sont a ptiori traités dans le cadre existant puisque leur rôle est de traiter l'environnement.
Ces solutions A l'action organisationnelle sont donc des obstacles au changement. Cependant, le changement, soit en discontinuant des actions organisationnelles existantes, soit en en entamant de nouvelles est aussi une forme critique d'action organisationnelle.
Le paradigme de la prise de décision et l'irrationalité ; l'organisation irrationnelle
L'action organisationnelle est décrite en termes de réflexion individuelle ou processus de décision. Celui-ci est évalué normativement en termes de rationalité, ce qui est contredit par la recherche empirique comme l'a analysé et démontré March, dans les termes décrits au chapitre 7.
Cependant, la mise en évidence de cette contradiction est insuffisante, car les explications se situent toujours dans une perspective de prise de décisions. Or, la décision n'est pas le produit final de l'organisation, les
managers ne décident pas seulement, ils agissent et surtout ils font agir les autres.
Néanmoins, il n'y a pas de lien automatique entre pensée et action dans les organisations, sinon peut-AStre chez les individus, où décideurs et participants sont des personnes différentes.
Les actions organisationnelles n'ont pas seulement un aspect cognitif, mais aussi des aspects de motivation et d'engagement.
Une condition cognitive importante de ces actions est l'existence des attentes (expectations). Si les individus se décident A agir, c'est parce qu'ils doivent croire que, ce faisant, il en résultera une action organisationnelle. Et pour qu'ils coordonnent leurs actions individuelles, ils doivent envisaget le mASme résultat. Les actions présentes sont donc gouvernées par le futur.
Une seconde condition est la motivation, c'est-A -dire le désir des individus de contribuer par leur action propre A l'action organisationnelle qui en résultera. I.a motivation dépend de l'évaluation positive ou négative de cette action par les individus. Elle peut AStre partiellement déterminée par le choix ou la décision, mais contient aussi un composant essentiellement émotionnel. Plus il y a d'obstacles intellectuels ou physiques A l'action, plus une motivation forte est nécessaire.
L'incertitude affecte négativement attentes et motivation. Si des individus ne savent pas si une action organisationnelle prendra place ou pas ou s'ils ont des doutes sur sa valeur, ils seront moins susceptibles d'entreprendre les actions individuelles y contribuant.
Une troisième condition est l'engagement, qui est l'aspect social de l'action. Pour faire quelque chose ensemble, les individus doivent air un degré de contrôle réciproque. Ils doivent pouir compter sur certains comportements et attitudes chez les autres, impliqués aussi dans l'action, avant de pouir y prendre part eux-mASmes. Ce degré de contrôle est généré par l'engagement mutuel où les individus se signalent l'un l'autre leur soutien de l'action envisagée y compris de la pan des futurs évaluateurs de l'action.
Ces trois conditions ne sont pas mutuellement indépendantes mais au contraire s'influencent fortement l'une l'autre. Un individu dont les attentes sont faibles sera peu motivé et ne s'engagera pas. Leur influence relative varie cependant avec les situations.
Liens entre décisions et actions
Décision et action peuvent exister indépendamment l'une de l'autre. Toutes les actions ne sont pas précédées de processus de génération/ évaluation d'alternatives, et toutes les décisions n'influencent pas les actions, en particulier quand ce sont elles qui les suivent. Cependant, les processus de décision sont souvent généralement compris comme devant conduire A l'action.
Compte tenu de ce qui précède, si une décision doit déboucher sur une action, elle devrait exprimer l'attente que cette action prenne place, montrer un désir pour cette action (motivation) et exprimer l'engagement des décideurs envers cette action, leur prise de responsabilité pour son accomplissement et sa nécessité. Plus l'attente, les motivations et l'engagement incorpores dans la décision sont forts, plus elle sera une base forre pour l'action.
Cependant, ce processus de prise de décision brise toutes les règles de la décision rationnelle :
- Peu d'alternatives doivent AStre examinées (et non autant que possible), car s'il y en a plus d'une, cela génère de l'incertitude, qui elle-mASme réduit engagement et motivation. Les individus qui sont incertains sur le point de sait si une action est une bonne idée ou non sont peu susceptibles de s'engager, et s'ils ne sont pas sûrs de laquelle parmi plusieurs actions prendra place, ils devront se motiver et s'engager pour plusieurs en mASme temps, donc de faA§on diluée er faible pour chacune.
- Cela ne s'applique qu'aux alternatives qui ont une certaine chance d'AStre choisies, par rapport A une alternative centrale, car celles qui sont inacceples et qui n'ont ostensiblement aucune chance d'AStre choisies n'ont pas d'effet négatif et peuvent mASme renforcer motivation et engagement attachés A une autre alternative par effet - repoussoir -. La situation est ainsi définie comme n'étant pas du type - wait and see -. Rejeter une alternative signifie accepter l'autre. L'engagement est alors focalisé car il opère dans deux directions complémentaires de rejet et de soutien.
- Peu de conséquences doivent AStre passées en revue, et toutes devant aller dans le mASme sens (et non toutes celles disponibles et pertinentes dans toutes leurs dimensions), car l'information incompatible et contradictoire génère le doute et le conflit entre décideurs en pesant le pour et le contre. Au contraire rechercher seulement les conséquences farables en accumulant le soutien A une alternative acceple initialement choisie élimine l'incertitude et de plus crée l'enthousiasme et augmente l'engagement envers elle.
- Il convient de partir des conséquences et d'inventer les objectifs ensuite (et non d'évaluer les conséquences en fonction de critères prédéterminés permettant de juger si et dans quelle mesure des objectifs pré-élis sont atteints), car plusieurs décideurs nt probablement entretenir des objectifs contradictoires et donc air du mal A évaluer les alternatives et insistet sur des données conttadictoires différentes.
- Ainsi, les conséquences prédites sont considérées comme bonnes puisqu'elles peuvent AStre reformulées en objectifs désirables. Les relations entre objectifs et alternatives n'ont pas A AStre explorées en détail, il suffit d'y trouver quelques liens positifs. I.es objectifs ne sont pas des critères de choix, mais des arguments, instruments de motivation et d'engagement et non d'investigation. Ils doivent disparaitre de la discussion dès qu'il est clair que l'action préférée ne va pas les fariser.
- Le choix doit AStre l'expression de l'engagement d'entamer et de traduire l'action en faits et non la simple expression de la préférence pour une alternative résultant automatiquement du processus précédent. Il peut AStre formulé de plusieurs faA§ons exprimant différents degrés d'enthousiasme et d'engagement.
De plus la question de sair qui participe A l'action est déterminée par qui a participé au choix.
L'objectif de l'action exige de l'irrationalité, d'autant plus qu'un changement radical est impliqué car il demande d'autant plus d'engagement et de motivation.
Beaucoup de - l'irrationalité dans la décision - notée par les observateurs peut s'expliquer par la - rationalité de l'action - dans ces situations. L'exemple du débarquement de la baie des Cochons A Cuba peut s'examiner dans ce sens. La rationalité bloquerait l'action. L'analyse rationnelle n'est appropriée que pour les actions simples, peu significatives et visant le court terme où engagement et motivation ne sont pas nécessaires, par exemple pour des calculs pour les placements de trésorerie, mais non pour des investissements stratégiques. Pour les grands changements en situation d'incertitude forte elle bloque Faction en la retardant A coups d'analyses détaillées successives menées par des individus effrayés et divisés. A€ la limite la décision devient le produit final non suivi d'action.
En résumé, les organisations ont deux problèmes : choisir quelle chose faire, puis la faire. Il y a donc deux espèces de rationalité, correspondant aux deux situations : de décision et d'action, basées sur des normes différentes et A buts différents. Cependant, elles sont difficiles A poursuivre simultanément, car les procédures de décision rationnelles deviennent irrationnelles dans une perspective d'action.
Une faA§on de résoudre la contradiction est de traiter les choix par idéologie et non par décision. Les idéologies organisationnelles (mythes, cadres de référence, stratégies) sont un ensemble d'idées. Les idées d'un individu sur une situation ou un objet particuliers sont une structure cognitive. Les idéologies subjectives sont les structures cognitives des membres de l'organisation, les idéologies perA§ues sont les idées des individus sur les structures cognitives de leurs collègues (ou ce qu'ils croient qu'ils croient) et les idéologies objectives sont les idéologies partagées par tous les membres de l'organisation, base commune de discussion et d'action.
Dans une certaine mesure ces trois idéologies sont incompatibles. Elles décrivent comment les choses sont et prescrivent comment elles devraient AStre. Elles définissent ce qui est perA§u comme fait et quels faits sont imponants, et elles attribuent des causes aux membres, A l'organisation et A l'environnement.
Les idéologies organisationnelles sont étroitement reliées aux décisions, car elles facilitent l'accord des individus sur les fins qu'ils veulent poursuivre, sur les alternatives qu'ils considèrent prometteuses et sur les résultats qu'ils considèrent comme probables. Elles facilitent la décision en éliminant alternatives, conséquences et étapes. Elles peuvent mASme remplacer la décision et conduire directement A l'action si l'accord et la coordination sont réalisés automatiquement car les acteurs entretiennent des perceptions similaires de la situation, et partagent des attentes et valeurs générales communes.
Les idéologies pour ceci, impliquent une cohérence (consistency) considérable antre les structures cognitives des individus membres de l'organisation. Elles devraient AStre conclusives, suffisamment claires et étroites pour qu'un filtrage additionnel d'idées supplémentaires soit superflu et suffisamment complexes pour que leur conclusivité ne puisse AStre menacée par une proposition non-conformiste tout en incluant des propositions de contingence entre l'organisation et son environnement qui soient aussi conclusives.
De telles idéologies - fortes -, cohérentes, conclusives et complexes sont une bonne base pour l'action car elles résolvent le problème du choix, décident quelle action est correcte avec un minimum d'analyse et concentrent les efforts sur le soutien de l'action.
La rationalité décisionnelle peut s'appliquer A la création d'idéologies et la rationalité de l'action A la réalisation d'actions. La réflexion peut AStre séparée de l'action.
L'attribution des causes est aussi importante. Si les résultats de l'action sont attribués aux événements de l'environnement, l'organisation doit élir des prévisions conformes au modèle rationnel, s'ils sont attribués aux actions des individus dans l'organisation la tache cruciale sera de générer motivation et engagement.
Cependant, certains changements peuvent AStre suffisamment radicaux pour AStre incompatibles avec les idéologies. Paradoxalement, ce sont aussi les idéologies fortes qui permettent aux variations de l'environnement d'entrer et d'affecter l'organisation quand elles sont suffisamment fortes et importantes : plus l'idéologie est conclusive, plus il est facile de ir qu'elle est fausse, plus elle est cohérente, plus son incohérence avec l'environnement sera mise en évidence et plus elle est complexe, plus elle contient de facteurs et de liens de causalité entre ses éléments et plus elle fournit de propositions descriptives explicatoires qui peuvent AStre confrontées A la réalité.
A€ l'inverse, les idéologies les plus sles sont celles qui sont vagues et simples (profiilité)
L'organisation hypocrite
Les sociétés modernes deviennent de plus en plus différenciées. Il y a peu de temps, l'air pur était tenu pour acquis, maintenant, c'est devenu un problème du fait de la pollution. Le nombre de groupes et d'intérASts particuliers qui peuvent exiger que l'on leur prASte attention est constamment croissant (minorités, jeunes, femmes, transsexuels). De plus en plus d'organisations supportent, supervisent les activités des autres et imposent des demandes contradictoires, souvent médiatisées par l'Etat.
Les développements ci-dessus s'appliquent A une catégorie d'organisations qui devient de plus en plus rare. Celles qui sont jugées seulement par leur produit sur des marchés (rationalité technologique pure, ainsi qu'il l'a été analysé au chapitre 6 avec l'apport de Thompson) en fonction de leur efficience et de leur efficacité, qui en retour dépendent elles-mASmes de leur capacité A coordonner l'action individuelle vers l'action organisationnelle.
Celles qui opèrent dans des environnements de plus en plus institutionnalisés, au sens de Mcyer et Rowan analysé immédiatement ci-dessus, sont soumises A d'autres contraintes, ainsi que nous l'ans vu. Leurs structures, processus et idéologies doivent refléter les normes de l'environnement, et non plus seulement coordonner l'action, tout autant que leurs produits AStre acceples, pour obtenir le soutien qui affecte leur survie.
Pour concilier les demandes de l'environnement technique (efficacité et efficience) et de l'environnement institutionnel (acceptation), souvent contradictoires (car les normes sont plus latiles que les nécessités de l'efficacité et de l'efficience), il est nécessaire de découpler, ce que Brunsson va développer.
Deux ensembles de structures et de processus nt se développer, chacun ué A un type de normes, sans interférences entre eux. La structure formelle se conforme aux règles institutionnelles et est adaple en quelques coups de plume sur l'organigramme et la structure informelle coordonne réellement l'action. Simultanément, des processus ritualisés démontrant la conformité de l'organisation aux normes institutionnelles sont sans effet sur l'action (participation, budgets non appliqués, calculs de renilité inutilisés, etc.), alors que des processus autres déterminent l'action. Enfin des idéologies différentes sont produites A usage externe et interne créant un double standard, l'un présentant l'organisation et ses buts au monde extérieur, l'autre destiné aux membres, et appliqué de faA§on interne.
Ce double ensemble permet aux organisations de coordonner l'action efficacement, tout en satisfaisant aux exigences courantes de rationalité, décence et équité.
Cependant, indépendamment des exigences de l'environnement technique, les exigences de l'environnement institutionnel peuvent AStre diversifiées et mASme incompatibles entre elles, provenant de différents segments avec des intérASts différents. Il est parfois possible de traiter cette incompatibilité des normes par des
stratégies de niche (spécialisation dans un segment), de concentration sur des normes partagées en - oubliant - les autres (syndicats défendant - la paix - en - oubliant - les problèmes de hiérarchie salariale), ou de coalition dominante (fonction de préférence dans les normes).
Beaucoup d'organisations ne peuvent ou ne veulent le faire et nt développer une expertise A obtenir soutien, ressources et légitimité de la pan d'environnements incompatibles. L'idéal type en est l'organisacion politique, diamétralement opposée sur un continuum, A l'organisation dominée par la rationalité technologique et orientée vers l'action.
Cette dernière repose sur un certain nombre de principes :
- l'accord entre les membres comme principe de recrutement et de fonctionnement, impliquant la résolution des conflits, en particulier par la hiérarchie ;
- une idéologie organisationnelle forte, qui encadre les actions et les choix des membres ;
- une rationalité d'action (et donc un processus de décision irrationnel, comme analysé ci-dessus) ;
- une forte cohérence entre idéologie et action (c'est-A -dire une organisation qui - fait ce qu'elle dit -) ;
- une forte spécialisation (découlant de ce qui précède) ;
- l'organisation de l'action sur la recherche de problèmes auxquels apporter les solutions promues, et non la résolution de problèmes ;
- une forte confiance en soi ;
- un esprit d'enthousiasme et non un esprit critique.
A€ l'inverse, l'organisation politique n'a guère besoin de produire de l'action coordonnée. Sa légitimation n'est pas dans l'acceptation de son produit par l'environnement, mais dans le reflet des normes inconsistantes qui s'y confrontent. Ses caractéristiques sont opposées :
- le recrutement s'y fait sur le principe du conflit. La composition reflète les contradictions de l'environnement et les intérASts opposés qui s'y affrontent, le fonctionnement s'y fait sur le mASme principe, pour conserver la confiance des segments de l'environnement opposés ;
- elle est multi-idéologique et inclut des idées contradictoires sur sa nature, l'environnement et ce qu'elle devrait faire ;
- elle fonctionne par le conflit de membres qui restent en contact avec ceux qu'ils représentent A l'extérieur (le but de l'opposition est de critiquer la majorité, ce qui est facile puisqu'elle n'a pas, et ne peut pas appliquer ses suggestions) ;
- elle suit les normes de la rationalité de la décision, car elle ne dépend pas de l'action et la rationalité est un excellent moyen de démontrer les conflits (évaluation d'alternatives incertaines) ;
- elles traite en termes de problèmes, non de solutions, dont certains sont d'ailleurs impossibles A résoudre (par exemple la
croissance équilibrée, l'absence de chômage sans inflation, le - problème des jeunes - qui a au moins 4 000 ans et est d'ailleurs déjA équé par Socrate). Cela permet la réflexion de multiples idées et valeurs sans fin ;
- elle est généraliste et accroit constamment son domaine ;
- méfiance et scepticisme y sont encouragés. La liberté de pensée n'est pas contrainte par la nécessité d'agir. La critique du statut quo est systématique ;
- de ces diverses incertitudes découlent manque de confiance et dépression.
Les deux types d'organisations sont en contraste sur tous les points, mais en particulier sur le dernier. Il est de règle générale que les fonctionnaires et employés administratifs soient pessimistes et critiques alors que les hommes d'affaires sont optimistes et pleins de confiance en eux. Il s'agit simplement de facteurs organisationnels. Les derniers ont la conviction, partagée par leur secteur d'environnement étroit et homogène, que ce qu'ils font est bien. Ceci se combine avec une capacité de compréhension étroite et un travail qui conduit A des solutions. A€ l'inverse, une vue plus réaliste du monde combinée A la prise en charge de problèmes insolubles sans capacité de manœuvre est beaucoup plus susceptible de créer frusttation et anxiété.
La vision répandue dans le public que l'administration est inefficiente alors que l'industrie est performante est sans doute pour partie due A ces facteurs et A la perception de soi dans chaque secteur.. Ces convictions sont profondément enracinées. Quand les choses nt mal pour l'industrie, le blame se porte sur la dépression mondiale, le prix du pétrole, la concurrence (déloyale par définition) des PVD et NPI, les politiques protectionnistes (toujours des autres aussi par définition), et non sur des erreurs de ification, stratégie, production, marketing, de la part des industriels et financiers nationaux. La discussion tourne plus sur la nécessité de rendre l'
administration publique plus petite, plus efficace et meilleure marché, dans une
économie devenue stagnante, de faA§on A rélir un équilibre macro-économique, qui, cependant, en tout premier lieu avait probablement été compromis par les soutiens et subventions ditectes, inditectes et cachées A des entreprises privées les ayant gaspillées et ayant échoué.
Bien entendu, l'organisation politique pure a de grandes difficultés A générer des produits résultant d'une action organisée. Elle est l'opposé d'une organisation d'action. Il y a cependant des produits spécifiques qui demandent peu d'action cootdon-née, par exemple quand l'organisation verse de l'argent A des groupes extérieurs. De plus, une organisation peut produire des produits immatériels, telles des idéologies, qui se matérialisent par des discours, des décisions. 11 est plus facile, surtout quand l'argent est rare, de produire des discours et décisions incohérents et contradictoires, particulièrement quand ces dernières ne sont pas appliquées.
Plus l'organisation est orientée vars l'action, plus produits, discours et décisions nt AStre cohérents, plus elle est politique, c'est-A -dire plus elle doit trouver sa légitimité dans un environnement diversifié et segmenté A intérASts contradictoires, moins il y aura de cohérence interne dans ses produits, décisions et discours, et aussi entre chaque catégorie. L'hypocrisie devient un type de comportement fondamental, qui permet de fournir des produits qui satisfont une demande (exportation d'armes), des décisions qui en satisfont une autre (décider d'arrASter la fabrication d'armes dans le futur), et des discours qui en satisfont encore une autre (pacifistes), combiné avec des symboles qui donnent bonne conscience aux acteurs (un président - humaniste - fait ôter bombes et canons des avions de combat du salon de l'aviation qu'il visite).
C'est un lieu commun que de constater que les gouvernements de droite conduisent une politique de gauche et vice versa. Cela reflète simplement le fait que pour une organisation hautement politique il est plus facile d'AStre incohérent entre produits et discours et décisions que cohérent, compte tenu des attentes de l'environnement. Un gouvernement de gauche qui proclamerait et conduirait une politique de gauche satisferait ses militants extrémistes mais mécontenterait très rapidement beaucoup trop d'électeurs - apolitiques - et perdrait leur soutien. Le discours est destiné aux militants, les décisions A l'appareil, les actes A l'électoral. Il en est de mASme dans l'entreprise. Pour - mieux us servir - les guichets sont automatisés ; pour - us faire gagner de l'argent - on us fait payer (le minitel) pour consulter tre compte ; pour faciliter s communications le prix du téléphone augmente ; telle grande entreprise chimique, qui fabrique les pires des polluants imaginables est le meilleur défenseur de l'environnement dans sa
publicité et la presse. Les exemples peuvent se multiplier A l'infini. Il convient de noter que cela n'est d'ailleurs pas forcément une tactique consciente et lontaire.
Nous sommes nous-mASmes assez incohérents pour qu'il ne soit pas surprenant que les organisations qui cherchent A nous servir ou A nous représenter le soient aussi.
La plupart des organisations actuelles dans le monde réel n'appartiennent A aucun des idéaux types. Elles doivent A la fois organiser leur action et faire preuve de coordination, d'intégration et d'uniformité dans leurs structures, processus et produits et réfléchir un environnement incohérent et donc air un comportement politique et faire preuve de dissolution, désintégration, isolation et variété dans les mASmes éléments. Il leur faut une double base de légitimité : politique et action. On attend d'elles qu'elles reflètent une variété de valeurs et qu'elles soient raisonnablement efficientes.
La solution est encore le découplage :
- dans le temps, où cycles de politique (maintien de l'emploi et intérASt général et indépendance nationale en faible conjoncture) et d'action (productivité et profit en conjoncture forte) se succèdent. Les circonstances étant présumées différentes il n'y a pas d'incohérence personnelle ;
- par sujets, par exemple faire beaucoup de politique autour d'une augmentation de salaire (taille, proportionnalité, niveau, timing), et ne pratiquer aucune participation dans les décisions d'investissement et de choix de produits ;
- par environnements, en ctéant des unités différenciées, spécialisées A la frontière qui peuvent air des discours différents pour des groupes d'intérASts ou de pression différents ;
- par unités organisationnelles : une unité politique traite avec l'environnement (CA, PDG), alors qu'une unité administrative traite avec les procédures, et une unité de production avec le produit. Il n'y aura aucun problème tant que les unités seront totalement isolées les unes des autres. Cependant, s'il est tenu pour acquis, ce qui n'est pas inhabituel, que les décisions des directions doivent influencer celles des administrateurs et ensuite celles des administrateurs celles des producteurs, alors de sérieux problèmes nt surgir. Il est plus simple de considérer qu'une entreprise fournit un produit, A l'attention des clients, des discours, A l'intention des segments pertinents de l'environnement, des pratiques selon lesquelles le travail réel est accompli et des politiques destinées A la
consommation interne de l'encadrement et surtout que ces éléments ne doivent en aucun cas air de rapports entre eux, chacun étant le produit d'un segment étroitement spécialisé de l'organisation, totalement découplé des autres (atelier, PDG, encadrement subalterne, DRH).