L'idée est associée A  l'œuvre de Garfinkel et A  son ouvrage majeur19. La langue utilisée est, encore, ici difficile, hautement abstraite et particulière A  l'auteur qui forge ses concepts et les nomme sans parfois les définir autrement qu'en son propre système de référence ainsi éli. Ici aussi, nous limiterons notre analyse A  l'exposé de quelques concepts majeurs, utiles, comme précédemment A  notre but et aux développements qui suivront.
Garfinkel définit le champ d'investigation de l'ethnométhodologie comme étant dans le domaine des phénomènes sociologiques - l'investigation des propriétés formelles des actités de sens commun en tant qu'accomplissements organisationnels pratiques -.
Il précise ensuite ce qu'est l'ethnométhodologie20, en la définissant A  peu près mot A  mot comme l'investigation des propriétés rationnelles des expressions indexicales et des autres actions pratiques (qui constituent les actités de sens commun) considérées comme des accomplissements contingents, en cours sui, des pratiques astucieuses organisées de la e quotidienne.
Il inscrit sa démarche en contradiction avec la - théorie analytique constructive - avec qui l'ethnométhodologie présente des intérASts irréconciliables car elle constitue une - alternative A  la construction de théories générales - qui caractérise la première. Le terme générique d'analyse constructive, qui entraine la confusion avec d'autres approches théoriques, désigne ici tout - raisonnement sociologique pratique mené avec des moyens quelconques tels que l'invention libre, la théorie analytique constructive, des reconstructions artificielles ou des critiques d'ouvrages -. Ce type d'approche cherche A  tort A  remédier aux propriétés indexicales des expressions et des actions afin d'accomplir une distinction radicale entre expressions objectives et expressions indexicales, de faA§on A  pouvoir substituer les premières aux secondes, ce qui est une tache interminable et une erreur.
Un premier constat découle de ces définitions : pour l'ethnomédiodologie, le statut de sa démarche est étroitement lié au concept d'indexicalité qui traduit le caractère contextuel des expressions et des actions. Elle place ainsi le phénomène d'indexicalité au cœur de sa problématique. L'indexicalité21 des expressions se réfère au caractère fondamentalement contextuel, situé, du langage, A  leur caractère sensitif au contexte dans la signification des mots, expressions, gestes.
Elle peut s'illustrer en pratique par les conséquences parfois dramatiques encourues par les étudiants de Garfinkel suivant ses instructions de se comporter au foyer comme s'ils y étaient des étrangers polis et bien élevés.22
Une seconde idée centrale est que les actités par lesquelles les - membres - (de chaque groupe social impliqués dans une situation sociale) produisent et gèrent les cadres des affaires organisées de tous les jours sont identiques A  leurs procédures destinées A  les rendre relales ou A  pouvoir en rendre compte (accounle).
La notion de compte-rendu ou relation21, pour traduire - account - , est une autre notion fondamentale de l'ethnométhodologie. En mASme temps que l'action en train de se faire, indexicale, située dans le déroulement du monde autour d'eux, réflexive-ment, le membre ne conA§oit son action et ne se conA§oit qu'en termes de sa capacité A  rendre compte (A  expliquer aux autres) son actité.
Ceci entraine deux autres constats. D'une part, la reconnaissance du concept eth-nométhodologique de membre, distinct de celui d'acteur, qui renvoie - non pas A  une personne -, mais plutôt - A  des compétences -, dont la capacité de maitrise du langage naturel, situé indexicalement, dans le groupe social dans lequel le - membre - appartient.
D'autre part, pour l'ethnomédiodologie, la conformité ou la référence A  une règle24 ne détermine et n'explique ni les pratiques des membres, ni les propriétés formelles de ces pratiques : expressions indexicales et actions indexicales ; ces propriétés sont comprises comme - les accomplissements contingents, toujours en train de se faire (-on going-) des pratiques habiles, organisées, de la e quotidienne -.
- Au contraire -, précise H. Garflnkel, - des phénomènes tels qu'une démonstration adéquate, un compte rendu adéquat, une édence suffisante, une inférence nécessaire sont des synonymes de phénomènes organisationnels -. Ces phénomènes, poursuit H. Garfinkel, - sont des accomplissements contingents des modes d'organisation des pratiques ordinaires, et en tant que tels, l'utilisation qu'en font les membres est diverse : ils les utilisent comme des normes, des taches, des ennuis. C'est seulement de cette manière que ces phénomènes définissent "l'investigation et le discours adéquats", plutôt qu'en tant que catégories invariantes ou principes généraux -."
En d'autres termes, les études edinométhodologiques analysent les actités de tous les jours comme les méthodes que les membres utilisent pour rendre ces mASmes actités manifestement-rationnelles et dcscriptibles-pour-tout-but pratique, c'est-A -dire, relales, en tant que modes d'organisation des actités quotidiennes banales -.
Pour l'ethnométhodologie, la réalité sociale, est donc perA§ue comme l'accomplissement contingent, toujours renouvelé, des pratiques habiles organisées de la e quotidienne - et elle ne peut AStre extérieure aux récits, comptes-rendus -, qui sont situés de fait au cœur mASme de la démarche.
La réflexité de ces pratiques de compte rendu et de ces comptes-rendus eux-mASmes (accounts) est un autre élément fondamental impliqué dans l'ethnométhodologie. C'est, expose Garfinkel, le trait caractéristique des comptes-rendus des membres qui est pour eux d'une pertinence tellement singulière et prévalante qu'il contrôle les autres traits de leur personnage spécifique en tant que traits reconnaissables et rationnels d'investigations sociologiques pratiques. Eun égard au caractère problématique des actions pratiques et A  l'adéquation pratique de leurs investigations, les membres tiennent pour acquis qu'un autre membre doit dès le début connaitre les cadres dans lesquels il doit opérer, si ses pratiques doivent et peuvent serr de mesures pour amener des traits particuliers de ces cadres A  un compte-rendu reconnaissable. Ils tiennent pour acquis en passant que les comptes-rendus des membres sont des traits constitutifs des cadres qu'ils rendent observables. Ils savent, requièrent, comptent sur cette réflexité pour produire, accomplir, reconnaitre ou démontrer l'adéquation rationnelle A  toutes fins pratiques de leurs procédures et découvertes.
La réflexité26 est ici entendue au sens meadien, comme la capacité de l'indidu de se concevoir et se voir en situation, de penser A  lui-mASme - de l'extérieur - et alors de se projeter dans l'enronnement. En cette approche, elle renvoie au fait que - par ces pratiques de compte-rendu, le membre fair que les actités quotidiennes familières et banales sont reconnaissables comme telles -.
Les membtes sont impliqués dans le caractère continu, toujours en train de se faire, de l'actité pratique. Leur actité est indexicale et réflexive. Cette auto-organisation (- self-organizing -) des actités est médiatisée par les seules ethnométhodes qui consistent en l'accomplissement toujours renouvelé - pratique et coopératif de l'ac-counrability -, c'est-A -dire du caractère intelligible et relale de ces actités toujours en train de se faire, accounility - dont procèdent les pratiques réflexives de compte-rendu - (- accounts -).
Les études edinométhodologiques des structures formelles, cherchent A  décrire les comptes-rendus que font les membres de ces sttuctures formelles, effectuées où que ce soit et par qui que ce soit, en s'abstenant de tout jugement quant A  leur adéquation, leur valeur, leur importance, leur nécessité, leur caractère praticable ou conséquent, leur succès. Structures formelles signifie ici les actités quotidiennes en tant qu'accomplissements pratiques toujours renouvelés27.
La conséquence de ces prémisses est considérable : les ensembles sociaux organisés consistent donc en des méthodes variées destinées A  accomplir l'intelligibilité organi-sationnelle d'un ensemble, comme une entreprise concertée ; les membres tout A  la fois produisent et utilisent ces méthodes pour faire en sorte que - leurs actions et leurs affaires soient intelligibles-pour-tout-but-pratique -. En d'autres termes, c'est en produisant l'intelligibilité de leurs pratiques ordinaires que les membres produisent le monde social.
La réalité sociale n'est donc seulement perA§ue ou conA§ue comme l'accomplissement contingent, toujours renouvelé, des pratiques habiles organisées de la e quotidienne, mais elle est surtout créée ainsi. L'ordre social est le résultat d'opérations interactives effectuées en situation par les interactants. La réalité objective des organisations est saisie comme un accomplissement continu d'actités concertées de la e courante.
A€ l'inverse, tenter d'appréhender un monde social descriptible, relale, en perpétuelle construction n'est possible qu'A  travers l'analyse des récits, des comptes-rendus des membres (accounts) qui participent A  sa construction par leurs actités quotidiennes et en produisent pratiquement, localement et méthodiquement l'intelligibilité (- accounility -) du monde et le monde lui-mASme.