Qu'est-ce qui est essentiel ?
Je voudrais prendre une deuxième voie d'accès vers le discours réaliste : celui des priorités dans les actions.
Puis-je vous demander un nouvel effort ?
N'y consacrez pas trop de temps. Faites un pacte avec vous-mASme de rester cinq minutes, pas une de moins pas une de plus, sur ce travail.
Voici quelques obligations du manager.
Pourrez-vous les ordonner de 1 A 7 selon l'importance que vous leur attribuez :
Votre rang
a) Il importe de bien préparer son emploi du temps chaque jour pour AStre efficace.
b) Il importe de bien définir le travail des collaborateurs.
c) Il importe de se fixer un temps précis pour la réflexion.
d) Il importe au plus haut point de prendre des décisions claires, logiques, compréhensibles de tous.
e) Il importe de fixer des règles de fonctionnement sles et non ambiguA«s.
f) Il importe de faire de évaluations fréquentes pour éprouver la valeur des décisions prises.
g) Il importe de déléguer au maximum pour se rendre rapidement inutile.
La vanité des organigrammes
Je m'en veux du travail que je vous faire faire, car sans nier que toutes ces recommandations aient leur utilité et qu'il soit légitime pour chacun d'avoir ses préférences, il faut dévoiler clairement que dans la réalité, les choses ne se passent pas comme cela, et que l'action ne s'alignera pas sur les priorités reconnues mais sur les contraintes subies. Ces classements ne servent donc quasiment A rien, sauf en formation. Comme disait Korzybski, les sectiunes ne sont pas le territoire. Dès que nous, intervenants, pénétrons dans une entreprise, nous avons l'occasion de le constater A propos d'un instrument de travail qui se révèle avoir une grande valeur symbolique. Un des premiers documents qu'on nous présente est l'organigramme du département.
Mais cette présentation est invariablement accomnée de deux remarques :
a) - Dans ce coin, M. Piveteau, ce n 'est plus tout A fait ainsi. Monsieur Untel a été muté A Londres, et Monsieur X désormais reporte A Monsieur Y. -
b) - Oui, ici, on a l'impression d'une ligne de rattachement. En réalité, ce n 'est pas tout A fait comme cela. Je ne sais pourquoi (!) on a uré cette représentation. Dans la pratique, voilA comment les choses fonctionnent. -
Il y a donc un organigramme formel pour la galerie, un organigramme réel que tout le monde connait, sans compter les organigrammes officieux aussi efficaces que les deux autres, mais dont l'existence n'est pas claire pour tout le monde.
Il n'y aura pas de temps meilleurIl en est de mASme pour toutes les actités du management. Il y a une grande faille entre le discours officiel qui exprime ce qu'on voudrait faire, ce qu'on devrait faire, ce qu'on regrette de ne pas faire, et le discours réel qui exprime ce qu'on fait, et qui doit bien avoir une légitimité, puisqu'il perdure et a une existence générale. On vous dit d'organiser votre temps, de prévoir vos semaines, d'aérer votre calendrier, et voilA que dès lundi 10 heures, il manque deux personnes dans votre serce ; A 11 heures, des siteurs sont annoncés dans la dision ; ils avaient fait la demande voici un mois quand vous étiez en vacances, et l'information n'a pas sui. A€ 12 heures, votre responsable vous demande d'assister A une réunion de département décidée hativement en raison de la descente d'un audit venu du siège. Pendant six mois, on pense que ces A coups ennent du fait qu'on ne sait pas s'organiser. Mais cela continue. Pendant deux ou trois ans, on estime que c'est dû A une période de croissance, ou A un cap difficile A franchir dû A une fusion. On espère que les choses se mettront en place d'elles-mASmes. Et puis ent le moment, où on arrASte de chercher A comprendre faute de voir la vérité en face. Car la vérité est celle-ci : il ne s'agit pas d'un accident de parcours ; ce n'est pas une exception ; c'est la condition mASme de la fonction managériale. 11 n'y a pas A attendre des temps meilleurs. La fonction du
management est le lieu géométrique de rencontre des contradictions de l'entreprise. Et Dieu sait si elles sont nombreuses !
Managers, ménagères, mASme combat !
Et ainsi la réalité du
management est beaucoup plus prosaïque, beaucoup moins flamboyante que l'image qui s'était construite dans l'esprit de l'aspirant au management petit A petit au cours des années. Vu du dehors,
le management apparait d'une simplicité qui emprunte vraisemblablement aux eilles images militaires : le
manager commande ; il se donne un ou deux objectifs clairs ; A part une ou deux fortes tAStes, ses collaborateurs adhèrent rapidement A sa politique ; chaque jour permet de voir déminer le chemin qui mène au résultat ! En réalité, le management est beaucoup plus proche des taches ménagères que de ces images d'Epinal, de ces taches qui consistent A lutter constamment, sans espoir de ctoire définitive contre la poussière, le désordre, les lavabos bouchés, les prises de courant qui ne fonctionnent pas. C'est cela le management : garder dans le serce un minimum d'ordre, et de fluidité de communication.
Ménagères, managers : mASme combat.
Une fonction en miettes
Cela donne A la tache un caractère - éclaté -, - en miettes - qu'on attribuait jadis seulement au travail A la chaine. On pense parfois, devant l'édence de la situation qu'on ne peut nier, qu'elle est due au fait que le management n'a pas sui l'évolution de la technologie, et que bientôt les progrès de la robotique, de la bureautique vont calmer cette fébrilité, rationaliser cette actité dispersée. Ma conction est qu'il n'en est rien, et que notre
efficacité dépendra de la justesse de notre sion sur ce point ; A savoir que cet éclatement fait partie intégrante de la fonction. Nous avons besoin d'une piqûre de réalisme. Je pense que ce caractère dispersé des fonctions managériales ne peut aller qu'en s'accentuant. D'une part, plus la gestion par la machine se répand, plus les fonctions de l'homme se concentrent sur la gestion des moments de défaillance, sur la difficulté des interfaces, sur le tissu cartilagineux des interstices qui ne sont pas pris en charge. Le management deent aussi de plus en plus le lieu de résolution des failles et des crises. D'autre part, le management est par excellence une fonction systémique, homogène A la forme moderne des organisations, c'est-A -dire qu'elle existe essentiellement pour réguler des flux d'informations, ouvrir des circuits, organiser des boucles. Le management est un carrefour, une vanne dont la fonction est de permettre aux autres de travailler.
Si le
manager n'est pas au clair avec cette sion (il s'agit donc bien de se donner une représentation juste), il peut AStre amené A souffrir et A prendre des attitudes qui ne sont que des voies de garage.
La perte du sens
Tout d'abord, il n'est presque plus maitre de son temps, et petit A petit il en ent A se demander ce qu'il fait : il en ent A ne plus pouvoir l'expliquer - sauf en termes de lamentations - A ses amis, son épouse, A ses enfants. Le soir arrive et il a le sentiment d'avoir perdu sa journée. Quand cela se produit jour après jour, c'est la perte du sens du travail professionnel qui pointe A l'horizon avec son entourage d'amertume, de découragement, d'abandon. Il est urgent de voir au contraire que l'utilité de cet éparpillement est considérable. C'est grace A lui qu'une organisation systématique peut fonctionner.
Ensuite le manager peut éprouver toutes les situations qu'il t, comme des situations que les psychologues appellent de doublecontrainte. Cela est le cas quand la personne humaine a le sentiment de faire une sottise quelle que soit la voie qu'elle choisisse par rapport A celles qui s'offrent A lui. En optant pour le rendement, il a la certitude de nuire un peu A la qualité, et cependant il a des objectifs concernant l'une et l'autre ; en assurant le court terme il se prive de prévoir avec sérieux le moyen terme et cependant il est chargé de l'un comme de l'autre ; en transmettant fidèlement les ordres du haut ; il sent qu'il ne tient pas compte des besoins et aspirations de ses collaborateurs, auxquels on lui recommande pourtant de faire constamment attention. Les situations de double-contrainte aboutissent fréquemment A des inhibitions dans l'action, et c'est ce qui risque d'arriver A des managers, qui devant l'impossibilité apparente de faire du bon travail, en ennent A vre A l'économie, refusant de s'engager dans aucune direction.
Cette inhibition n'est pas la seule réaction erronée qui se présente. J'en vois au moins deux autres, d'après les exemples que j'ai eus sous les yeux.
Attitudes réductionniste
La première est une attitude réductionniste. Désespérant de tout faire, certains managers sortent de l'ambiguïté en investissant toute leur énergie dans une direction, au risque de fausser le système par la négligence des autres directions. Certains adopteront une attitude de docilité totale envers les impératifs descendus d'en haut et négligeront les signaux venus de la base, jusqu'A ce que le couvercle se soulève en mouvements sociaux ; A l'opposé d'autres afficheront un non-conformisme militant au nom de la fidélité A la base, et ce faisant, perdront sans s'en rendre compte toute crédibilité vers le haut, et donc, toute possibilité d'action.
Des managers opteront pour un actisme forcené faisant fi de toute réflexion, alors que d'autres feront preuve d'un attentisme obsessionnel qui laisse pourrir les problèmes faute d'AStre sûrs que ces problèmes sont assez mûrs pour AStre traités. Ce réductionnisme ne peut AStre une attitude tenable. Il nie la complexité et l'ambiguïté de la fonction managériale.
Le débrayage
La seconde est une attitude de débrayage. Ce n'est pas de l'inhibition comme ce qui a été mentionné plus haut, mais une attitude de non-engagement dans ce qui continue A AStre effectué ; les transmissions d'information, les exposés de s d'action, les actes de motivation sont accomplis mais ne reA§oivent plus ce surplus de valeur ajoutée qui est la charge du manager. Ce qui est inquiétant dans ce cas, c'est que joue, ce que les psychologues appellent la loi de l'exercice ou d'auto-induction. Il y a contamination de couches de plus en plus profondes de l'AStre et de secteurs de plus en plus vastes de l'existence. Ce qui n'était au début que comportement deent bientôt attitude de résignation. A€ la limite, il vaudrait mieux AStre un coureur battu qu'un coureur qui a renoncé A courir. Nous aurons l'occasion de voir dans le chapitre consacré au
stress des conséquences de cette attitude de débrayage. Elle n'est peut-AStre pas très dommageable pour l'entreprise. Elle l'est souvent beaucoup, sans qu'il soit en mesure de le prévoir, pour l'indidu.