Une attitude peu démocratique
Je voudrais commencer cette dernière section par l'évocation d'un dialogue qui se répète assez fréquemment A l'occasion des séminaires.
Un participant qui va AStre nommé
manager a l'occasion de me parler au cours d'une pause, d'un repas. Il me dit :
- M. Piteau, je vais AStre
manager dans deux mois, mais sur un point au moins, je ne serai pas comme tant d'autres. -
- ??? Ah, bon ! -
- Oui, je ne ux en rien me distinguer de mes collaborateurs ; je serai l'un d'entre eux, sans plus. -
- Je vais sans doute vous peiner ; mais voici une des attitudes les moins démocratiques, disons le mot, les plus fascistes qu 'il m'ait été donné de rencontrer. -
- ??? Comment cela ??? -
- Parce que vous décidez unilatéralement de définir la nature de relations bilatérales. C'est la définition mASme de l'emploi de la force. -
- Mais dans mon cas, c 'est différent, je viens d'AStre nommé au sein de mes collègues. Je ne vais quand mASme pas changer du jour au lendemain. -
- Je ne vous demande pas cela. Laissez les choses évoluer. Elles ne tarderons pas A le faire. Mais ne vous opposez pas A leur évolution et surtout ne faites pas de déclaration A ce sujet. -
C'est que nous ne sommes pas maitres des images. En acceptant d'AStre manager, que vous le vouliez ou non, et en dépit de ce que peunt dire vos anciens collègues, A leurs yeux, vous az franchi une ligne. Il n'y a rien A faire A cela, sauf A en souffrir, si besoin est. Comme l'avait dit Vigny, en denant un peu plus puissant, et il n'y a pas A nier que vous le soyez denu, vous AStes denu solitaire.
Vous n'az pas besoin de vous sentir différent, dites-vous. Je le crois volontiers. Mais vous AStes-vous demandé si eux n'en ont pas besoin, ne fût-ce que pour trour un bouc émissaire, A savoir : vous, quand quelque chose ne marchera pas ?
Une autre présence
Je sais bien que vous az toutes les bonnes raisons du monde pour ne pas vous singulariser.
a. D'abord, il est certain que parfois jadis, les
managers ont abusé de la distanciation. Ce n'est pas une raison pour commettre un abus opposé A l'heure actuelle. Quand les attitudes sont prises en rtu des oscillations d'un pendule on peut AStre sûr de tomber dans l'excès.
Les excès du pendule
Ce n'est pas parce que jadis le chef ne savait jamais dire - oui - ou - c'esf bien - qu'il faut maintenant arrir A une situation où il n'oserait jamais dire - non - ou -c'est mal-.
On entend les appréciations fort éclairantes quand on écoute simplement au cours des repas des séminaires. Prenez l'usage de l'auto par exemple. 11 y a deux sortes d'excès qui attirent la raillerie des collaborateurs, comme une faute de distance. Celui du chef de département ou de division qui arri en Mercedes 600 comme celui du directeur qui arri en vélomoteur. Dans les deux cas, il y a défaut d'appréciation. Dans le premier cas, nait l'idée d'une désinvolture écrasante ; dans le second, pointe le soupA§on d'un directeur qui ut donner une leA§on. Les collaborateurs tiennent A la distance et ils sant exactement celle qui leur convient.
- Appelez-moi Maurice tout simplement - ne les enchante pas nécessairement. Ils flairent le piège pour les posséder.
b. Le rôle du manager apparait antisocial, opposé A la fraternité. C'est vrai déjA dans le cas des chefs élus, A plus forte raison quand il s'agit de responsables nommés.
Quand un homme n'est que candidat, il n'a que des qualités puisqu'on va le faire triompher des autres ; quand il est élu, on s'aperA§oit qu'il ne travaille pas pour les intérASts qu'on croyait qu'il avait pris A coeur. Vous pourriez vous laisser ébranler par ces critiques si vous ne connaissiez pas le rôle du manager de l'intérieur. Mais après ce qui a été dit plus haut, vous denez conscient qu'AStre manager est presque davantage un service qu'un privilège.
c. Et enfant, le manager hésite A abandonner son ancien travail, surtout au moment de franchir le premier échelon. Sa technicité était une telle armure. S'il la laisse tomber ne va-t-il pas se retrour tout nu, sans défense, impuissant ? Ce sont des questions que nous retrourons dans le chapitre 7.
Mais pour l'instant, qu'il me suffise de dire que volontairement ou non, la technicité va vous échapper inexorablement. Il vaut mieux le savoir. Cette valeur technique n'est pas d'ailleurs ce que vos collaborateurs attendent de vous. Vous AStes donc appelé A vous éloigner un peu, et d'eux et de leur travail, ou plutôt A AStre présent A eux d'une manière différente, moins camarade, plus responsable, et A vous trour seul, objet de sentiments ambigus comme le poste, A la fois envié, jalousé et raillé.
Vous saz que le poste n'est pas reluisant. C'est quelque chose qu'on ignore tant qu'on n'y a pas eu accès. Pourtant mASme ceux qui ne sont pas
managers pressentent la complexité de la tache, c'est pourquoi ils souhaitent faire une carrière ascensionnelle par les voies de la compétence technique.
Le sous-titre de ce chapitre affirmait : - Le métier de manager n 'estpas ce que l'on croit. -
J'ai essayé de vous faire entrer dans ce propos. Face A cela, on comprend qu'on ait étudié les styles possibles du management. Ce sera l'objet de notre prochain chapitre.
Résumé
1. Les discours officiels sur
le management expriment sount des platitudes idéales que les managers n'arrint pas A mettre en pratique.
2. Dans la pratique, la fonction de manager, bien qu'énormément utile, est triviale, ésectiunelée, sans caractère flamboyant.
3. L'analyse de l'emploi du temps d'un manager, indépendamment de ses résolutions, montre que son temps est nécessairement émietté et principalement consacré aux interactions.
4. L'analyse du fonctionnement mASme du management montre qu'il s'agit d'une fonction aux activités imprévisibles, sount en situation de double-contrainte.
Devant cette réalité différente des images reA§ues, le manager peut avoir la tentation soit de réduire son rôle de faA§on unilatérale, soit de débrayer.
5. Trois métaphores résument cette vision du management : celle du pompier, celle du rhéostat et celle du coureur automobile.
6. Enfin le poste du manager est singulier par son isolement. Que le manager le uille ou non, sa présence au groupe n'est pas purement celle d'un membre du groupe.