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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en ouvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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L'aprÈs-taylorisme

Ac la fin du XXe siècle, on peut croire que la société industrielle est maintenant bel et bien parnue à la fin des «temps modernes», ceux de la représentation taylorienne de l'entreprise. Certes, des entreprises modelées par les principes de ['«organisation scientifique du travail» vont continuer à exister, si ce n'est à prospérer un peu partout. Mais désormais, ces entreprises-là devront vivre cachées, au lieu de s'offrir en modèle : si les «résurgences» qu'on a décrites sont de quelque portée, on ne voit pas en effet comment elles pourraient laisser intactes les utopies rationalisatrices qui ont trarsé ces cent ans d'histoire industrielle.
Qu'est-ce qui permet, à la fin du compte, d'affirmer que F. W. Taylor est maintenant derrière nous? La nouauté n'est pas que tout serait enfin dit ou connu des méfaits de la conception taylorienne de l'organisation industrielle. A tout reconsidérer, le vrai changement tient bien au rapprochement de l'entreprise et de la société.
Depuis toujours, l'entreprise a été tiraillée entre deux mouments de sens contraire : le premier faisait d'elle un symbole de la rupture ac le monde concret, celui de la famille et des systèmes d'échange localisés. Le second la rappelait au réel, lui enjoignait de prendre racine dans la cité et de s'alimenter à la source des identités forgées par la société préindustrielle. L'histoire du XXe siècle a été de ce point de vue très particulière. La naissance de l'entreprise moderne et, adossée à elle, celle des théories de l'organisation ont donné cours à une longue illusion dont nous sortons à peine : confusément, le siècle de Taylor a cru sinon à «l'usine sans hommes», du moins à un système productif séparé du système social et débarrassé de la nécessité de se justifier devant la société. Or, aujourd'hui, cette fiction n'a plus cours : la tension historique a refait surface. Les dirigeants industriels ont repris conscience de la nécessité où ils se trouvaient de faire de leurs entreprises des institutions sociales à part entière. C'est pourquoi l'entreprise est condamnée à changer vraiment.
Essentiel est de ce point de vue le fait que les grands groupes industriels tendent de nos jours à se réorganiser autour de logiques de métier ou d'activité. Après que leurs dirigeants ont été tentés par une décomposition fonctionnelle des institutions qu'ils gournaient, ils ont renoué ac le souci de faire de leurs entreprises des ensembles «lisibles» et socialement légitimes. Qu'ils l'aient fait pour de stricts motifs d'efficience économique n'en est que plus révélateur : c'est la preu que dans la durée, il n'y a pas de stratégie industrielle qui vaille sans référence à des représentations sles et authentiquement humaines. C'est aussi le signe qu'il faut se méfier des critères économiques qui ne se préoccuperaient pas de faire sens dans la société.
Essentielle est de la même manière la tendance à reconstituer au sein des firmes de vériles « communautés productis ». Maintenant, même si la sous-traitance, l'intérim et la pratique des emplois à durée déterminée continuent à se délopper, les thèmes de la précarité et de la « segmentation du marché du travail» ont trouvé leur limite. L'ambition des employeurs est de plus en plus clairement de conjuguer l'enjeu de la souplesse ac des noulles stratégies d'agrégation des salariés à la firme. Des politiques d'embauché et de gestion du personnel sont apparues qui élissent une relation entre le statut des travailleurs et la place que ceux-ci sont prêts à occuper dans le dispositif industriel. Par exemple, dans beaucoup d'entreprises engagées dans des processus d'innovation technique et organisationnclle, un quasi-droit à l'emploi et à la formation - si ce n'est à la carrière - a été ourt en contrepartie d'arrangements sur la polyvalence, les horaires ou la mobilité interne. Des accords formels allant dans ce sens ont parfois été signés ac les organisations ouvrières : on l'a vu en France dans le secteur de l'automobile, avant qu'une conntion-cadre ne soit adoptée (en 1991) pour l'ensemble de la métallurgie.
Bien entendu, rien ne garantit que cette noulle forme d'initiati patronale soit à tout coup favorable au personnel. Elle peut se payer d'une certaine inégalité. Dans la France des années quatre-vingt, elle a encouragé l'explosion d'un très discule moument d''individualisation des statuts et des rémunérations jusqu'alors cantonné à des firmes atypiques ou inspirées par l'étranger (telle IBM). Mais il est frappant que cette vague soit assez rapidement retombée : l'individualisation a échoué lorsqu'elle n'était qu'une manouvre formelle de soumission de la main-d'ouvre; elle a réussi lorsqu'elle a fait la preu qu'elle était solidaire d'une vérile recodification des rapports entre employeurs et salariés dans le contexte du changement.
Tout ceci rejoint le moument général qui a été décrit au chapitre 8 : nous sommes, avons-nous dit, dans une situation qui pousse à la réarticulation des normes de l'échange économique ac les normes de l'échange social. S'il est vrai que la production de masse tend désormais à céder la première place aux systèmes flexibles et à l'«économie de proximité», si l'heure est au partenariat et aux réseaux, et s'il est acquis qu'à ce titre notre système industriel est maintenant moins susceptible que jamais de se passer de loyauté, de confiance et de silité, que va-t-il rester du projet de Taylor? Peu de chose en vérité, dans la mesure où il fut de l'essence du taylorisme de chasser de l'entreprise les ressorts traditionnels de l'autorité patronale pour y substituer ce que Max Weber eût appelé l'autorité «rationnelle-légale» des nouaux directeurs.
Mais pourquoi cette rupture et ce retour aux sources maintenant! Et qu'est-ce qui nous donne l'assurance qu'il s'agit d'une vraie rupture? Le danger est par définition de prendre pour mouments de l'histoire ce qui ne serait qu'effets passagers de la conjoncture, ou même de la mode. S'agissant d'une rupture qui renoue objectiment ac le passé, le risque est de surcroit de confondre la modernisation et la régression, la marche du temps et la nostalgie du passé. D'où la nécessité de bien identifier les forces du changement. Or, celles-ci conrgent effectiment pour décrire un grand moument de fond. Elles autorisent à parler d'une authentique modernisation.
L'économie est la première à rappeler de quelle rupture il s'agit. On se souvient de ce qu'il faut lui imputer : nous sommes dans une situation noulle (et irrérsible?) de concurrence, d'ourture des marchés. C'est notamment la pression de la concurrence et des marchés qui a conduit à la dirsification de l'offre et à l'accélération du renoullement des produits, deux des grosses pierres placées dans le jardin de la production de masse de naguère. Les marchés ourts sont aussi des marchés où il faut pouvoir affronter toutes sortes d'incertitudes : incertitudes liées à l'environnement économique, à l'évolution des procédés industriels, au changement des qualifications requises. Dans les faits, ces facteurs sont tous allés dans le même sens : ils ont suscité des systèmes industriels plus souples, capables d'adaptation permanente. Ce n'est assurément que par métaphore qu'on peut parler à leur sujet d'un retour à l'artisanat : c'est bien d'innovation industrielle qu'il s'est agi, dans la mesure où ont été progressiment mises en ouvre de noulles conurations productis, adossées au progrès des techniques. Y aurait-il eu des entreprises flexibles, et le partenariat se serait-il déployé de la même manière si la «mécatronique» n'avait pas rourt l'horizon de l'industrie? Sans elle, il aurait été bien plus difficile de surmonter les spirales antérieures de la segmentation du marché du travail et de la décomposition du tissu industriel.
La noulle situation économique a aussi eu pour effet de changer la position des employeurs dans la société. Plus les entreprises ont été confrontées aux contraintes de la compétition et à ses aléas, et plus les employeurs ont recouvré le crédit qui leur avait été si chichement compté jusque-là. De bon gré ou non, la société s'est remise à faire confiance à ses entrepreneurs. A l'intérieur de l'entreprise, une plus grande présomption de légitimité a été accordée à tous ceux qui - dirigeants, cadres, exécutants - disposaient d'une parcelle de responsabilité économique. Peu ou prou et la crainte du chômage aidant, les partenaires se sont installés dans une position d'interdépendance caractéristique des temps où il faut se serrer les coudes. La zone ourte aux compromis s'est élargie. Elle a repoussé d'autant le seuil des conflits collectifs.
Rupture vraie? Humeur rérsible? Dans le cas de la France, au moins convient-il sur ce point d'obserr l'importance du chemin parcouru au regard de ce que fut la culture industrielle du pays jusqu'au terme des «trente glorieuses». On a décrit les séquelles laissées en France par la Deuxième Guerre mondiale : en pleines années soixante, il était encore interdit en France de se représenter l'entreprise comme une institution de la société. Les syndicats qui prétendaient peser sur la relation de production devaient le faire de l'extérieur de l'entreprise, ou plutôt comme si l'entreprise n'existait pas. Dans les rapports sociaux, les patrons eux-mêmes ne s'affichaient guère comme des entrepreneurs; plus volontiers comme de simples employeurs. Il a fallu que les années quatre-vingt passent pour que ceci semble enfin surmonté.
La thèse d'un vrai changement est également alimentée par la relè des générations. Les générations d'après-guerre n'avaient guère été solidaires de leurs entreprises : leurs références avaient été plutôt celles de leur métier ou de la classe ouvrière prise comme un tout. On était nourri de grands mythes

. mythe du progrès, de la science, de la croissance; confiance dans le pouvoir de l'Etat; foi dans la lutte anticapitaliste. Sur le terrain, cela était allé de pair ac un certain immobilisme, bien adapté à l'ancien modèle de la production de masse : chaque groupe restait à sa place et se reproduisait séparément, la caricature étant atteinte par les filières d'accès aux fonctions d'ingénieurs et de cadres, soigneusement laissées à distance des filières de formation ordinaires. Très lentement il est vrai, les choses ont bougé. Le niau de formation moyen s'est très sensiblement élevé. Les grands mythes collectifs et les grandes références identitaires se sont brouillés. Des anciennes solidarités, il est resté chez les plus jeunes un individualisme actif prêt à s'instir dans la vie collecti pour peu que les enjeux soient clairs et localisés. L'entreprise a profité de cet état d'esprit, et d'autant mieux que l'accès à l'emploi est entre-temps denu une préoccupation déterminante. Ainsi aujourd'hui, les jeunes qui parviennent à «faire leur place» dans leur boite sont globalement plus disposés que par le passé à faire de celle-ci un lieu fort d'identification et de réalisation personnelles.
Quand le sociologue Renaud Sainsaulieu décèle dans l'entreprise l'une des rares instances de la société qui soient aujourd'hui capables de susciter des acteurs et du changement, il fait au moins implicitement référence à ce moument de la société sur elle-même (Sainsaulieu, 1987, 1990). C'est, écrit-il, parce que l'entreprise «se voit et se vit en changement profond» qu'elle fascine nos contemporains. C'est parce qu'elle se voit et se vit en changement profond qu'elle est désormais une institution-phare de la société. Et c'est aussi à ce titre qu'elle est désormais perçue - devant l'instance politique - comme le lieu déterminant d'où peut nir la transformation sociale.



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