NAVIGATION RAPIDE : » Index » MANAGEMENT » ENTERPRISE MANAGEMENT » Les rÉsurgences : artisanat et rÉseaux Entreprise et éthique collective
Bien entendu, ces réflexions sont restés controversées. Elles n'avaient d'ailleurs aucune prétention A mettre un point final au débat sur l'effet sociétal, mais plutôt A le relancer, comme l'a encore montré la discussion réouverte A ce sujet par les mASmes protagonistes dans les colonnes de la Revue franA§aise de sociologie, où il a été fait une fois de plus retour sur ce qu'on pouvait aiment retenir de la fameuse opposition entre les modèles allemand et franA§ais (d'Iribame, 1991 ; Maurice, Sellier & Silvestre, 1992). Il n'y a pas eu de vérile querelle dans cette affaire, mais plutôt un intérASt conjoint pour continuer A élucider le -mystère- auquel on doit que dans les entreprises, telle forme de coordination s'impose plutôt que telle autre A un moment donné, dans un contexte social donné, sans qu'on puisse invoquer sérieusement le hasard ou les aléas de la stratégie. Lorsque quelque trait d'histoire ou de culture nationales intervient pour régler une situation industrielle, il ne le fait efficacement qu'A la condition de pouvoir s'associer une argumentation morale susceptible de lui conférer un minimum de légitimité. D'une manière générale, les actions qui concourent A produire les conventions A l'oue dans une société donnée subissent une -épreuve de justification- susceptible de les rendre acceples par les acteurs qui en dépendent. Chaque société dresse ainsi une sorte de répertoire implicite des actions permises et des actions défendues. Une action légitime A un moment donné peut devenir moralement insupporle dans un autre contexte. Par hypothèse, ceci s'applique aux formes des entreprises et pourrait contribuer A expliquer que les formes de coordination héritées de la production de masse, naguère licites tendent aujourd'hui A se trouver bannies de nos sociétés. Cet -impératif de justification- a des effets paradoxaux : d'un côté, il explique que des compromis très différents puissent coexister, selon la situation morale et politique propre A chaque société. Comme le faisait remarquer un sociologue anglais frappé par la rigidité des règles de relations industrielles en vigueur en Grande-Bretagne, nos sociétés développées sont le plus souvent des -sociétés A confiance limitée- où un patron peut avoir du mal A justifier les demandes les plus mineures (comme un appel A un dépassement d'horaire). Il existe néanmoins des sociétés -A confiance large- ou des conditions historiques dans lesquelles s'élit un accord très ouvert sur les finalités poursuivies : les salariés peuvent alors juger -légitime- telle ou telle demande infiniment plus violente. Ainsi des astreintes démesurées sont-elles acceptées en cas de guerre, ou si l'avenir de l'entreprise est en jeu (Fox, 1974). D'un autre côté, le critère de la légitimité est de ceux qui restreignent énormément le champ des actions possibles. A propos de l'entreprise, la vérité est ainsi que chaque situation historique oue droit A un répertoire très étroit de modes de coordination, les responsables se trouvant toujours dans l'obligation de justifier les mesures prises, les modèles adoptés. Enfin, toutes les sociétés subissent d'une manière ou d'une autre la contrainte de la justification. C'est la raison pour laquelle la redéfinition en cours des modèles légitimes d'organisation industrielle n'a pas pour signification nécessaire que nos contemporains seraient plus -regardants- que ne l'ont été les générations antérieures. MASme si des conditions nouvelles sont aujourd'hui réunies qui semblent pousser dehors des formes usinières autrefois -légitimes-, cela ne veut pas forcément dire que notre niveau de civilisation ait progressé. Au minimum convient-il de ne pas oublier qu'aucune société n'a jamais vécu dans un état de pure subordination A l'ordre marchand ou A la forme de coordination -industrielle-. Au XIXe siècle, il a fallu la résurgence de la coalition ouière pour rendre moralement acceple la condition de l'ouier, tandis que l'entrepreneur -se justifiait- en se proclamant patron, père protecteur de son personnel. Au XXe siècle, l'ordre bureaucratique n'a vécu que pour autant qu'il n'a cessé d'AStre détourné de ses ambitions rationalisatrices pour servir des stratégies et protéger des individus. De mASme le système taylorien n'était pas légitime et c'est pourquoi il a suscité toutes les altérations qu'on a décrites : le modèle de régulation fordien, la conception contractuelle de la firme, dégageant les salariés de toute intériorisation de la dépendance. Les -résurgences- d'aujourd'hui ne sont de ce point de vue qu'une demi-révolution : il est clair que les critères de la légitimité se déplacent, moins évident qu'ils soient plus pressants. S'il y a progrès, il tient finalement A une donnée plus précise : ce qui a été décrit ici indique que les temps ne sont plus au compromis et aux compensations. Hier, on ajoutait une -dimension sociale- quand la réalité industrielle se faisait trop envahissante. Aujourd'hui se cherche un ordre productif qui serait aiment économique, technique et social. Une nature sociale de l'entreprise. |
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