La négociation nait aussi de la lonté d'optimiser des résultats dans un contexte de compétition et, dans ce cas, - gagner - n'est pas qu'une arrière-pensée, c'est le but premier du négociateur. L'approche A dominante coopérative/constructive du modèle 3C devient alors incomplète pour qui veut obtenir plus, et qui plus est de - belle faA§on -.
Dès que les protagonistes d'une négociation engagent celle-ci dans la ie de la confrontation compétitive (plus ou moins gagner ou perdre), la négociation devient une affaire de stratégie.
Les
données changent. Une nouvelle question s'impose : - comment mettre tous les atouts de notre côté pour aller vers le meilleur résultat possible ? - et non plus seulement - comment trouver ensemble la meilleure solution ? - en cherchant un arrangement de faA§on constructive.
L'orientation devient plus claire : l'option stratégique dans la négociation fait passer celle-ci du domaine du constructifdans l'ordre du compétitif.
Les - bons esprits - observeront qu'une négociation de type construc-tif - modèle 3 C - peut intégrer la dimension compétitive et réciproquement. Ne soyons pas dupes : il est souvent commode de dégager la dominante d'une négociation en écoutant les protagonistes : ou bien attitude coopérative et constructive, ou bien attitude stratégique compétitive.
Tout tient, nous le verrons plus loin, au dosage empathie/combativité manifesté par les négociateurs.
Il reste que la vie sociale, politique et le monde des affaires apparaissent comme des terrains familiers pour l'expression - stratégique - de la négociation. Pour le meilleur ou pour le pire.
L'absence de stratégie
Stratégie ou coopération ? Il faut choisir.
Ce n'est pas le cas lorsque les négociateurs, inexpérimentés, peu avertis ou non formés A la pratique d'un cheminement constructif dérapent sans qu'une pensée stratégique ordonne leur vision de la négociation.
Bref, un climat de compétition/opposition est perceptible sans que des choix clairs en matière de
stratégie aient été faits. On -joue - dans ce cas A l'aveuglette. Deux raisons au moins A cela :
' absence pure et simple de culture stratégique au sens de recul et de capacité A anticiper;
- démission au regard de l'influence A exercer sur autrui ; dans ce cas, le négociateur se bloque dès qu'il s'agit d'obtenir le ralliement et l'adhésion si celle-ci ne se fait pas par une conversion spontanée ; il y a refus du combat en vue d'influencer, une carence de
leadership au sens de faire l'effort de rassembler et d'inciter ; cette démission peut s'expliquer par : un manque de clarté avec soi-mASme au regard des problèmes d'influence (a-t-on le droit, dans quels cas et jusqu'où d'influencer?) ; ou encore la peur d'échouer ou de mal s'y prendre (peur de l'ingérence et de l'autoritarisme, peur de ne pas supporter une défaite, crainte de la polémique et du dérae dans la dispute ou le conflit).
La négociation non guidée (ni par une option coopérative ni par une vision stratégique) devient une - foire d'empoigne - : l'échange se fait sur un autre terrain, celui du règlement de comptes pour - purger - : contentieux, malentendus ou haines accumulées.
Au cours d'une partie sportive, on dirait : - Ils ne jouent pas, ils se battent - Pendant une négociation sociale ou commerciale on dirait : - Ils ne négocient pas, ils se cherchent -, dans tous les sens du terme.
Bref, l'absence d'une
stratégie dans une négociation, c'est un peu comme un navire sans gouvernail et sans boussole.
Approche directe et indirecte : engagement ou contrôle
Quand une tension compétitive pèse sur une négociation (risque, concurrence, pression d'un protagoniste, urgence) deux options quasi universelles s'imposent :
- prendre l'initiative, y aller, foncer, attaquer ;
- attendre, laisser venir, contrôler, infléchir
On reconnaitra les deux positions attaque/défense chères aux stratèges dans les sphères militaires, politiques, sportives, etc.
Pour le négociateur stratège, le choix stratégique va se faire entre deux approches que l'on nommera pour les simplifier :
- approche directe : s'engager pour s'imposer (dominer) ;
- approche indirecte : laisser venir pour infléchir (contrôler).
S'engager ou contrôler, tel est le dilemme stratégique du négociateur en univers concurrentiel A tendance fortement compétitive.
Le caractère empirique des choix stratégiques
A€ notre connaissance, il n'existe pas de méthodes ou de théories fournissant la clef des choix stratégiques.
Quand attaquer? Quand attendre? Le choix est toujours empirique. En madère de stratégie, c'est la nature du résultat qui donne raison. On imagine mal un vendeur ou un entraineur de football expliquer qu'ils avaient fait le bon choix stratégique A coup sûr alors qu'ils ont perdu. On ne refait pas l'histoire et l'on ne saura jamais ce qu'une autre stratégie aurait donné (en Pologne, le renversement du régime communiste a été le résultat d'un long processus patient et contrôlé alors qu'en Roumanie il a été le résultat d'un - passage en force - violent, déterminé, engagé).
évaluez avant de négocier
Nous connaissons les principaux critères A - ausculter - avant de prendre toute décision stratégique pour mener la négociation :
- l'état du rapport des forces : il est déterminant, en général, il vaut mieux s'engager quand il est farable, contrôler et attendre quand il est défarable;
- la personnalité du négociateur : en général, il est difficile de - jouer contre nature - certaines personnes se sentent nettement plus A l'aise pour attaquer que pour laisser venir; quand une tendance est trop marquée, le négociateur est prisonnier d'un registre (fonceur A la - hussarde - qui se comporte comme un - éléphant dans un magasin de porcelaine -, ou prudent invétéré, attentiste-né toujours en retard d'une bataille);
- la marge de manœuvre : en général, posséder une bonne marge de manœuvre donne une grande liberté stratégique (s'engager ou contrôler); air une marge de manœuvre restreinte incite A contrôler (défendre et attendre) ou A tout jouer sur une attaque - éclair - : faire vite et fort;
- le temps dont on dispose : en général, l'approche indirecte est consommatrice en temps et se déroule en plusieurs étapes ; l'approche directe se fait en une seule fois et avec rapidité ;
- l'expertise sur le sujet : en général, une bonne expertise est requise quel que soit le choix stratégique; des carences s'accommoderont mieux d'une approche indirecte, car s'engager impose transparence, donc crédibilité flagrante (sinon dominer avec - rien derrière - relève du - tour de passe-passe - ou du -bluff-);
- la qualité du résultat : en général, la négociation stratégique aboutit A un résultat assimilable A un avantage en faveur de l'un des négociateurs ; dans le cas de l'approche directe, il y a domination, donc risque de frustration ; si elle est forte, l'acceptation sera faible {A la mesure des concessions reconnues); dans le cas de l'approche indirecte, il y a contrôle, donc risque de conditionnement et de manipulation ; si celle-ci est évidente, l'acceptation sera faible, ire nulle (A la mesure du préjudice occasionné) et risque de revanche (s'AStre fait -piégé-);
- la
connaissance du protagoniste : en général, quand des négociateurs se connaissent, ils savent mieux se - compléter - : on sait qu'il ne faut pas - attaquer - un tel ; on sait qu'il vaut mieux au contraire AStre direct avec tel autre ;
- l'enjeu : en général, quand il est très important, on cherche plus A contrôler qu'A foncer (réflexe de jouer prudemment chez les footballeurs quand ils sont A l'extérieur), et l'on se fait plaisir A attaquer, prendre des
risques quand l'enjeu est moindre (idem pour la politique commerciale d'une firme);
- le niveau de consistance personnelle : en général, quand on - croit - dans sa solution, on s'engage plus lontiers, au risque d'un excès de combativité aveugle (donc égocentrique et producteur de frustration en face); l'approche indirecte convient mieux A quelqu'un de moins convaincu qui sera ainsi moins - exposé - et moins mis A contribution.
Chacun de ces critères - pesant - un poids inégal, pour chaque négociation (un seul peut l'emporter sur trois autres dans certains cas) il est difficile, mASme si c'est tentant, de tout rassembler dans une sorte de grille ou de matrice en vue d'aider A rationaliser un choix strate-gique.
Le premier
travail du négociateur stratège, c'est de prendre conscience des deux visions et de vérifier qu'il est capable de conduire les négociations selon des registres aussi différents que s'engager ou contrôler.
Nota : en revanche, on assimile souvent attendre, défendre A une attitude passive; en stratégie, l'approche indirecte A dominante attentiste et défensive est profondément active ; en filigrane, c'est l'intelligence habile qui maitrise en coulisse la situation, qui - tire les fils - avec tact. Elle relève du contrôle vigilant et intelligent plus que de la passivité ou de la méfiance.
LA où l'approche directe met en avant et démontre pour s'imposer, l'approche indirecte crée les conditions pour infléchir ou convertir en jouant le plus souvent avec le temps, les événements et la participation lontaire ou inlontaire du ou des autres protagonistes de la négociation.