NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » POLITIQUE éCONOMIQUE » Les fondements du nouveau projet de libération Les bases du nouveau projet de libérationQuel est le fondement de la liberté et de la démocratie ? Mais mASme si nous admettons que le lien entre liberté/autonomie et démocratie va de soi, la question du fondement de la démocratie, et en fait de la liberté, reste posée. Traditionnellement, la plupart des libertaires, de Godwin* A Bakounine et Kropotkine, ont fondé leur éthique et leur politique, et la liberté elle-mASme, sur une nature humaine invariante, régie par des - lois nécessaires et universelles -, expression par laquelle - contrairement aux marxistes qui pensaient A des lois économiques - ils désignaient en général des lois naturelles. Cette position procédait du mASme climat culturel du xixe siècle qui incitait Marx A élaborer - scientifiquement - ses - lois - de l'économie : on était poussé A donner au projet de libération une allure scientifique ou du moins objective. Le recours A une théorie objectiviste pour justifier le besoin d'une démocratie générale pose problème, et il n'est pas souhaile. Il pose problème parce que peu de gens croient encore possible aujourd'hui, après l'introduction décisive de l'incertitude dans la science du xxe siècle, de dériver des - lois -, - tendances - ou - orientations - - objectives - de l'évolution sociale. Il n'est pas souhaile car on a vu, dans le cas du projet socialiste, que sa transmutation en - science - par les marxistes-léninistes a eu pour effets directs la bureaucratisation de la politique et la transformation totalitaire de l'organisation sociale. Si la démocratie générale remplace un jour les structures politiques et économiques hétéro-nomes d'aujourd'hui, ce ne sera pas parce que des potentialités libératrices en gestation seront arries A maturité. On aura fait un choix conscient, tout simplement, entre deux options sociales : la possibilité d'autonomie et la possibilité d'hétéronomie. Mais si l'objectivisme moderniste pose problème et ne parait pas souhaile, le subjectivisme postmoderne n'est pas moins problématique. Il peut aisément conduire au relativisme généralisé et A l'irrationalisme, voire A l'abandon complet de toute politique radicale et au conformisme. Le projet démocratique est incompatible avec le relativisme car il refuse expressément d'accorder une égale valeur de rité A toutes les traditions, en l'occurrence A celles de l'autonomie et de l'hétéronomie. On peut AStre d'accord avec les postmodemes quand ils disent que l'histoire ne saurait AStre considérée comme un progrès linéaire (Kant et al.) ou dialectique (Hegel, Marx) qui incarne la Raison, mais nous ne sommes pas tenus pour autant d'attribuer la mASme valeur A toutes les formes historiques d'organisation sociale - de l'Athènes classique, des cantons suisses et des sections parisiennes A nos actuelles - démocraties -. Le relativisme généralisé du postmodemisme n'exprime que sa propre renonciation A toute critique de la réalité sociale institutionnalisée, et une retraite générale dans le conformisme, comme le souligne ajuste titre Castoriadis3'. Et le ralliement au rejet postmoderne de l'universalisme suppose l'abandon de toute idée de projet de libération, puisque le projet d'autonomie-démocratie est, bien sûr, éminemment - universel -32. Enfin, le projet démocratique est incompatible avec l'irrationalisme, parce que la démocratie, processus d'auto-institution sociale, suppose une société idéologiquement ouverte, et non ancrée dans un système clos de croyances, de dogmes ou d'idées. La démocratie, écrit Castoriadis, - est le projet de rompre la clôture au niveau collectif33 -. Donc, dans une société démocratique, les dogmes et les systèmes fermés ne peuvent constituer des éléments du paradigme social dominant, mASme si, bien évidemment, les individus peuvent avoir les convictions qu'ils veulent, tant qu'ils s'engagent A maintenir le principe démocratique - celui qui pose que la société est autonome, institutionnalisée en démocratie générale. Il est rélateur que, mASme A Athènes il y a deux mille cinq cents ans, on distinguait très clairement religion et démocratie. Toutes les lois approues par Vekklèsia commenA§aient par la formule : - Ceci est l'opinion du démos -, sans aucune référence A Dieu. Le contraste est net avec la tradition judéo-chrétienne, où, comme le fait observer Castoriadis, la source des lois, dans l'Ancien Testament, est divine : Jéhovah les donne A Moïse34. Fondamentalement, l'autonomie est création de notre propre rité. Ce n'est possible, pour les individus sociaux, que dans la démocratie directe - le processus où ils remettent continuellement en cause toute institution, tradition ou idée reA§ue. En démocratie, il n'y a pas de rités rélées. La pratique de l'autonomie individuelle et collective suppose l'autonomie de la pensée ' le réexamen constant des institutions et des convictions. S'il n'est ni possible ni souhaile d'ancrer l'exigence de démocratie dans des lois ou des tendances - scientifiques - qui orienteraient l'évolution sociale vers la concrétisation de potentialités objectives, on ne peut la fonder que sur un projet de libération. Et un tel projet, aujourd'hui, ne peut naitre que d'une synthèse des traditions démocratique, socialiste, libertaire, verte radicale et féministe radicale. Il ne peut AStre qu'un projet de démocratie générale, au sens de démocratie politique, économique, sociale et écologique. Mais si l'on ne peut revendiquer la démocratie que sur la base d'un projet impossible A présenter comme - scientifique - ou - objectif-, ce n'est pas non plus une simple utopie, au sens négatif du terme. Un projet de libération n'est pas une utopie s'il est fondé sur la réalité d'aujourd'hui, qui se résume A la crise multidimensionnelle sans précédent que nous avons analysée dans la première partie du livre : elle sévit A tous les niveaux de la vie collective - politique, économique, social, culturel -, et dans la relation entre la société et la nature. Un projet de libération n'est pas une utopie s'il exprime le mécontentement de milieux sociaux importants et leur contestation, explicite ou implicite, de la société existante. Contestées, elles le sont aujourd'hui de plus en plus, les grandes institutions politiques, économiques et sociales sur lesquelles repose l'actuelle concentration du pouvoir. Non seulement les institutions politiques de base sont remises en cause de diverses faA§ons (chapitre 4), mais des institutions économiques fondamentales comme la propriété prie sont massivement défiées aussi (pensons A l'explosion de la criminalité de type - atteinte A la propriété - depuis un quart de siècle). Un projet de libération n'est pas une utopie s'il reflète les tendances réelles du changement social. Il est clair que le projet de démocratie générale dont le chapitre suivant va esquisser les grandes lignes est une expression des aspirations démocratiques formulées pour la première fois, et avec éclat, par Mai 68. Elles sont A l'ouvre aujourd'hui dans les formes organisationnelles du - mouvement - antimondialisation, au Nord, et dans des pratiques ables d'organisation démocratique en dehors de la - démocratie - représentative et de l'économie de marché, au Sud.
On peut aujourd'hui concevoir un projet libérateur de démocratie générale sans recourir A des bases - objectives - controversées ou au néo-conservatisme postmoderne. Il faut pour cela le définir en fonction de l'exigence d'autonomie sociale et individuelle36. Ce qui suppose : |
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