NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » POLITIQUE éCONOMIQUE » Marché unique et systèmes nationaux de fixation des prix des médicaments L'europe du médicament : une harmonisation technique aboutieLes pays européens disposent de systèmes de santé el d'assurance maladie très divers, produits de leur histoire, malgré leur proximité géographique et la relative similitude de leur niveau de richesses el de leurs caractéristiques démographiques. L'organisation de la production comme de la distribution de médicaments emprunte des voies multiples el met en jeu une pluralité d'acteurs qui explique la variété des politiques du médicament : industriels, distributeurs intermédiaires et en officine, prescripteurs, consommateurs, assureurs et Etat. N'étant pas un produit comme les autres, un médicament ne peut être commercialisé que s'il satisfait à des procédures destinées à vérifier sa qualité, son efficacité et son innocuité. Représentant un peu moins d'un cinquième de la consommation médicale totale, les médicaments font ensuite l'objet de négociations relatives à leur remboursement et à leur prix. Bien que les deux éléments soient imbriqués pour les industriels, il est nécessaire de distinguer l'harmonisation technique de l'harmonisation économique. La première, la plus ancienne, résulte de l'objectif de sauvegarde de la santé publique et se fonde largement sur la validation des dispositifs nationaux. La seconde découle directement de la réalisation du marché unique et s'avère beaucoup plus délicate du fait de la diversité des politiques nationales, chaque Etat restant seul compétent en matière Sécurité sociale et de maitrise des dépenses de santé. A. Les règles techniques et qualitatives, relatives à la santé publique Sur le technique, les normes et procédures, sant des enjeux sanitaires, ont d'abord été nationales. Les pouvoirs publics ont depuis longtemps le devoir de mettre à la disposition de la population les médicaments dont elle a besoin en lui garantissant une sécurité raisonnable d'utilisation (qui s'apprécie au regard de l'efficacité démontrée dans le traitement de la pathologie) et la certitude de pouvoir en disposer en tant que de besoin. Il s'agit à la fois d'un devoir et d'une prérogative de l'État (Cahuzac, 1999). Ceux-ci sont exercés par délégation par l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS), élissement public créé en juillet 1999 en remplacement de l'Agence du médicament . Cette agence a des missions vastes couvrant tout le champ du médicament, depuis le contrôle des procédures et des produits jusqu'au développement d'études, d'actions de formation et d'information, la contribution à la politique industrielle et de recherche pharmaceutique ou la participation aux instances communautaires et internationales. Pour son rôle essentiel d'expertise, l'Agence interent sous la forme de certification à différents niveaux. Elle autorise en premier lieu l'ouverture des élissements pharmaceutiques fabricant, important et exportant ou encore distribuant les médicaments et contrôle ensuite le respect iles bonnes pratiques (de fabrication et lors des essais) des laboratoires. En second lieu, clic délivre l'Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), vérile label garantissant qu'ont été réalisées les études permettant de s'assurer de la qualité, de la sécurité et de l'efficacité du produit. Cette phase d'expertise peut être considérée comme contraignante par les industriels du fait des délais et du travail administratif qu'elle impose, mais elle constitue également un atout important s-à-s des utilisateurs par le gage de qualité qu'elle fournit, sans équivalent sur d'autres marchés. Incombe également à l'Agence la responsabilité de la pharmacogilance postérieure à la délivrance de l'AMM, c'est-à-dire la surveillance des risques d'effets indésirables, pouvant conduire à demander le retrait du marché. La crédibilité des analyses de l'Agence est reconnue, en particulier par les industriels eux-mêmes, qui ne dénoncent pas ici le poids de l'Etat ; en dépend pour une bonne part "le succès des produits issus d'une recherche toujours longue, aléatoire et coûteuse". Il faut d'ailleurs noter que si les expertises sont organisées par des agents de l'Etat, elles sont exécutées par des personnes jugées qualifiées, généralement issues du monde hospitalo-universitaire et sans lien ni intérêt avec le laboratoire demandeur d'AMM 2 (Cahuzac, op. cit.). Depuis 1965. un long travail d'harmonisation des législations pharmaceutiques des pays de la Communauté européenne a été entrepris. C'est la période où, suite au drame de la Thalidomide en 1962, le monde entier renforçait les contrôles. Le Conseil des ministres de la C.E.E. décide alors d'appliquer les principes de la législation française du sa des spécialités, reconnaissant la sévérité de la réglementation française (directive 65/65 du 26 janer 1965). L'harmonisation aboutit vérilement en 1993, avec la création de procédures communautaires d'enregistrement destinées aux médicaments devant être commercialisés dans plusieurs Etats membres, et la création de l'Agence Européenne pour l'Evaluation de Médicaments (EMEA) (règlement 2309/93). L'EMEA, dont le siège est à Londres, est opérationnelle depuis 1995. Elle a pour mission de coordonner et de gérer les procédures européennes d'enregistrement des médicaments, en vue de l'évaluation et de la surveillance des médicaments à usage humain et vétérinaire. Elle doit satisfaire à deux objectifs, protéger la santé publique, ce qui reprend l'objectif national, et renforcer le marché unique des spécialités pharmaceutiques, ce qui est nouveau. Outre le Conseil d'administration (où siègent entre autres deux représentants de chaque Etat membre), l'EMEA dispose de deux comités scientifiques, l'un pour les spécialités pharmaceutiques, l'autre pour les produits vétérinaires. Le Comité des Spécialités Pharmaceutiques (CSP) joue un rôle clé au sein de l'Agence, ayant la responsabilité de l'évaluation scientifique des demandes d'AMM, de la pharmacogilance, des recommandations techniques et des as scientifiques aux industriels qui développent des produits novateurs 3. Pour assurer cette mission fondamentale, le CSP est assisté des groupes de travail composés d'experts externes mis à sa disposition par les Etats membres de l'Union européenne, soit enron 2000 experts qui constituent un réseau scientifique unique en son genre. Au total, ce système européen fonctionne bien. 11 accélère la mise sur le marché dans l'ensemble de l'Union et réduit certains obstacles non-tarifaires importants au commerce intra-européen, tout en diminuant la fragmentation du marché. Il permet aux entreprises de commercialiser leurs produits avec une certification renforcée par ce passage à l'échelon européen, une valorisation de l'image des produits découlant de la haute qualité scientifique de l'évaluation européenne. Il aboutit aujourd'hui à la coexistence de procédures communautaires avec les procédures nationales, qui n'ont pas disparu. C'est toutefois dans ce cadre national que l'Agence française délivre à titre exceptionnel des Autorisations Temporaires d'Utilisation, limitées à un an renouvelable, destinées, avant leur commercialisation, aux médicaments concernant des maladies graves ou rares sans traitement reconnu, et prescrits par des spécialistes en milieu hospitalier. Quant aux procédures communautaires, les plus utilisées, les entreprises choisissent entre la procédure de reconnaissance mutuelle (prévue notamment depuis 1975 par la directive 75/319/CEE) selon laquelle un dossier est déposé dans l'un des Etats membres et l'autorisation accordée par celui-ci est reconnue dans tous les pays communautaires 4, et la procédure centralisée. Cette dernière, définie en 1993 lors de la mise en place de l'Agence européenne, a d'abord été obligatoire pour les produits issus des biotechnologies, et s'étend depuis 1998 ; le dossier est cette fois déposé directement à l'EMEA et l'autorisation est d'emblée valables pour tous les pays membres de l'Union européenne. Elle a explicitement pour but, au travers de l'harmonisation, de donner aux entreprises accès au vaste marché intérieur dont elles ont besoin pour amortir leurs dépenses importantes de R&D (Waelbroeck-Rocha, 1997). B. L'harmonisation « économique », ou les difficultés de l'amélioration de l'enronnement concurrentiel des firmes En matière économique, pour la régulation du secteur du médicament, les objectifs des Etats et ceux de la Commission européenne, cette fois, divergent. L'Europe est confrontée à la diversité des modes de régulation des systèmes de santé, en particulier pour la prise en charge collective des dépenses liées au médicament ou la fixation des prix. Les politiques nationales cherchent chacune un équilibre qui leur est propre entre le soutien à leur industrie pharmaceutique et la gestion de leur assurance maladie. Dans le cadre de la réalisation du marché unique, dans tous les secteurs industriels la Commission européenne a mis un accent très fort sur la politique de la concurrence qui a parfois tenu lieu de politique industrielle dans les années quatre-ngt après une phase de politiques sectorielles (Combe et al., 1994). Globalement, l'essentiel de l'action communautaire a consisté à lutter contre toute forme de discrimination pour assurer le maintien d'un processus concurrentiel entre les entreprises des Etats membres. Dans cet esprit, la principale incursion dans le domaine économique du médicament a été réalisée par la Directive dite de Transparence du 21/12/88 (directive 89-l05) qui a pour objet d'éter les disparités de traitement entre les entreprises communautaires, notamment sur la base de la nationalité. L'inspiration théorique de cette politique tient aux analyses de la supériorité de la concurrence pure et parfaite (optimale pour le consommateur) par rapport au monopole (qui engendre une perte de surplus global). La volonté partout affichée de développer la concurrence et de libéraliser les marchés a ici été amendée pour tenir compte des spécificités de ce marché. Reconnaissant le bien-fondé de celte "exception dirigiste", la directive a validé les systèmes nationaux de régulation mais elle a demandé aux Etats membres de respecter certaines règles minimales de forme lors de la prise de toute décision en matière de prix et/ou de remboursement (délai maximal de 90 jours ; motivation de refus ; indication de voies de recours ; publication des décisions). Ceci va dans le sens de la requête des industriels qui, dans l'ensemble, ne réclament pas précisément la suppression de toute administration tarifaire pour leurs produits mais plutôt une plus grande sibilité des politiques indispensable à la définition de leurs stratégies. |
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