NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » POLITIQUE éCONOMIQUE » La fondation de la philosophie pratique de l histoire dans la « grundlage » de 1794 La pensée de l'avenir dans la grundlage de i794Dans la perspective qui est celle de l'interprétation traditionnelle de la Grundlage, la partie théorique et la partie pratique ne peuvent que s'opposer : si l'on admet que la philosophie théorique est un idéalisme radical qui - déduit tout - du Moi absolu, l'action morale perd en effet toute signification, faute de rencontrer un réel A quoi s'appliquer. Telle est, on le sait, l'opinion de M. Gueroult : - Chez Fichte, le point de vue théorique ou génétique, non seulement ne démontre pas la réalité des éléments qu'il appartient A la philosophie pratique d'affirmer, mais, loin de leur ménager une place, elle (la raison spéculative) apporte une démonstration directe de leur non-réalité. Par lA elle rend impossible un certain nombre d'affirmations pratiques. Dans ce cas, de deux choses l'une : ou la genèse doit valoir absolument et les affirmations pratiques sont sans valeur; ou bien les affirmations pratiques doivent AStre conservées, alors la genèse est illusoire -l. Mais, nous l'avons vu, une telle lecture est intenable. Fichte lui-mASme, lorsque s'achève la dialectique de l'illusion et que commence, sur un terrain enfin solide, ce qu'il nomme - l'histoire pragmatique de l'esprit humain - ' c'est-A -dire la conquASte par la conscience commune de la vérité découverte par le philosophe ' peut résumer en ces termes l'itinéraire parcouru au cours des cent premières es de la Grundlage : - Notre problème consistait A rechercher si la proposition problématiquement exposée : le Moi se pose comme déterminé par le Non-Moi, était pensable, et selon quelles déterminations. Nous avons effectué cette recherche en nous appuyant sur une déduction systématique de toutes les déterminations possibles de cette proposition; nous avons enfermé dans un cercle toujours plus étroit le pensable en rejetant l'inadmissible et l'impensable, et nous nous sommes approchés pas A pas de la vérité jusqu'A ce que nous ayons trouvé la seule faA§on possible de penser ce qui doit AStre pensé -2. Or, ce que l'on constate chez Schelling, c'est que cette position initiale fait nécessairement de sa philosophie une philosophie de la chute1 : en effet, si la saisie de l'absolu, comme dans les mythes platoniciens, précède l'existence réelle dans le temps, celle-ci (et par conséquent l'histoire tout entière) ne peut plus AStre considérée que comme une chute hors du paradis, que comme un déclin inexplicable qui nous éloigne sans cesse de l'origine. Il est donc clair que le point de départ de la philosophie commande a priori une certaine représentation du temps et détermine ainsi, également a priori, une sion globale du sens de l'histoire : si l'absolu est antérieur A la temporalité (A l'apparition du sujet fini situé dans le monde et dans le temps), l'histoire sera nécessairement - romantique -, axée sur l'idéal d'une restauration; si, A l'inverse, nulle vérité ne précède la conscience finie, mais doit au contraire AStre de part en part construite par elle, si, par conséquent, la coïncidence avec l'absolu, loin d'avoir existé avant la e temporelle, doit AStre réalisée, l'histoire sera essentiellement orientée vers l'avenir et, sinon - révolutionnaire -, au moins inélement - progressiste - et actiste. La représentation globale du sens de l'histoire est donc inscrite dans la structure mASme des deux systèmes philosophiques, de sorte que, radicalisant dans la Grundlage le projet qui était déjA en germe dans les Beitrage, Fichte devait inélement en venir A éliminer de sa philosophie de l'histoire toute idée de restauration. Par ailleurs, on se convaincra aisément du caractère proprement philosophique de la conception schellingienne de l'histoire si l'on perA§oit combien la structure de la chute y est inscrite entièrement a priori, indépendamment de toute recherche et de toute vérification empirique. Bien plus, cette structure fournit aux yeux de Schelling le cadre dans lequel doivent nécessairement s'insérer les futures recherches historiques : - il n'existe aucun état de barbarie qui ne résulte de la destruction d'une culture antérieure. Il est réservé aux futures recherches portant sur l'histoire de la terre de montrer comment mASme ces peuples qui vent A l'état de sauvagerie ne sont que des peuplades qui, ayant été détachées A la suite de révolutions de toute relation avec le reste du monde, se sont en partie dispersées; comment, privées de toute communication et des instruments culturels déjA acquis, ils sont retombés dans l'état où nous les trouvons actuellement. Je tiens pour assuré que l'état de cilisation est le premier état de l'espèce humaine et que la première institution des cités, des sciences, de la religion et des arts a été simultanée On peut en conclure qu'A l'origine, tous ces aspects n'étaient pas vérilement dissociés, mais demeuraient dans la plus parfaite compénétration, comme ce sera A nouveau le cas lors de l'ultime achèvement -*. Dès le Système de Vidéalisme transcendantal de 1800 en effet, Schelling développe, en un retour A Herder et Leibniz, une théorie de la ruse de la raison selon laquelle, du concours des libertés, doit nécessairement (c'est-A -dire inconsciemment) résulter cette - seconde nature - qu'est l'Etat rationnel. Le jeu des volontés particulières iui apparait traversé secrètement par une nécessité (Prodence) qui est le moteur de l'action inconsciente de l'espèce. Au hasard apparent (liberté) des actions indiduelles s'oppose ainsi l'harmonie (nécessité) qui règne au niveau de l'espèce : - Il doit y avoir en retour de la nécessité dans la liberté : cela signifie donc très exactement que par la liberté elle-mASme et en tant que je crois agir librement, doit naitre inconsciemment, c'est-A -dire sans que cela soit mon propre fait, quelque chose que je n'avais pas en vue -2. Nous retrouvons donc ici une philosophie de l'histoire très proche de celle de Kant, A cette différence près qu'elle ne possède pas le simple statut d'Idée, de fil conducteur pour la réflexion, mais est au contraire objectivement posée. L'histoire est ainsi représentée, selon une métaphore très leibnizienne, comme un spectacle dont les acteurs inventent, du moins en apparence, librement leurs rôles ; mais en réalité, ce qui fait que la pièce possède sens et cohérence, c'est qu'un - poète a déjA harmonisé par avance le résultat objectif du tout avec le libre jeu de tous les indidus, de sorte qu'A la fin quelque chose de rationnel doive effectivement en résulter -*. Une telle philosophie de l'histoire, dérivée elle-mASme de la conception schellingienne du point de départ absolu de la philosophie2, ne pouvait que s'opposer A celle de Fichte : en effet, si la rationalisation est immanente au mouvement mASme de l'histoire, si elle se dégage inélement du simple jeu des penchants particuliers, l'action A prétention transformatrice, la notion mASme de projet ne peuvent AStre qu'une pure illusion de la finitude : - Tout agir ne peut AStre compris que par référence A une unification originelle de la liberté et de la nécessité. La preuve en est que tout agir, tant celui de l'indidu que celui de l'espèce entière, doit AStre pensé comme libre en tant qu'agir, mais comme situé sous des lois naturelles en tant que résultat objectif. Donc subjectivement, pour l'apparence interne, nous agissons, mais objectivement nous n'agissons jamais : c'est en quelque sorte un autre qui agit A travers nous -a. Et il est tout A fait remarquable que Schelling s'applique dès lors A tourner en dérision la critique fichtéenne de Rousseau. C'est ainsi qu'A 1' - agir ! agir ! voilA pourquoi nous sommes lA - qui, nous l'avons vu, clôturait cette célèbre critique, Schelling répond : - Agir ! Agir ! c'est l'appel qui retentit de bien des côtés ; mais ceux qui le lancent avec le plus de force sont précisément ceux chez qui le savoir est le moins avancé. Il semble très recommandable d'inter A l'action. Agir, pense-t-on, chacun le peut, car cela ne dépend que de la libre volonté. Mais le savoir, et particulièrement le savoir philosophique, n'est pas l'affaire de tout le monde, et sans certaines conditions la meilleure volonté n'y peut rien - Le sens de ce texte est clair : au-delA de l'aspect purement polémique, il signifie qu'inciter A l'action, A la transformation du réel comme le fait Fichte, c'est mal comprendre la nature du savoir et ne pas penser correctement l'Absolu qui est identité du rationnel et du réel2. Il faut donc bien admettre qu'inversement, c'est parce que Fichte pense l'Absolu d'abord comme illusion (théorique), ensuite comme Idéal (pratique), que sa première philosophie s'oppose par essence, non seulement A toute théorie de la ruse de la raison (ce qui était déjA le cas en 1793), mais encore A toute conception - déclinante - de l'histoire. Fichte comprend ainsi que si nul état originaire de liberté n'est pensable, il faut admettre que l'homme ne puisse tirer sa liberté que de ce qu'il réalise lui-mASme dans l'avenir, bref, que rien n'est donné A l'homme au départ, mais qu'il doit lui-mASme tout construire par son travail, par la transformation qu'il opère sur le réel et, peut-on dire, contre lui. La signification de l'histoire s'avère ainsi entièrement déterminée par l'actité humaine, parce qu'originairement subordonnée A elle : - la fin de la raison n'est rien d'arbitraire, elle est nécessaire, c'est notre ipséité. On aperA§oit ici un projet qu'aucune pensée ne précède, mais qui précède toute pensée. Ce projet est vérilement ce qui est premier, originaire, nécessaire -2. De part en part réalisée par la liberté et non par la ruse d'une quelconque nécessité, l'histoire achève, au sein de la pensée de Fichte, la Révolution copernicienne ; c'est l'homme qui, face au réel, se trouve enfin le seul donateur de sens : - que signifie AStre libre ? Manifestement pouvoir réaliser les concepts formulés de ses actions. Mais la réalisation suit toujours le concept, et la perception du produit qu'a formé l'actité est toujours, par rapport A la formation de son concept, future. La liberté est donc toujours posée dans l'avenir () en tant que l'indidu lui-mASme est posé en lui -3. |
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