NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » POLITIQUE éCONOMIQUE » La philosophie hégélienne Pour une critique interne de l'hégélianismeAvant d'examiner la portée et les difficultés de cette critique de l'idée mASme de praxis, je voudrais pourtant souligner qu'A mes yeux, les conséquences auxquelles elle conduit nécessairement ne constituent nullement par elles-mASmes une réfutation : que la philosophie hégélienne ne nous laisse le - choix - qu'entre une praxis par essence inintelligente et une contemplation par essence inactive, qu'une telle alternative puisse paraitre peu satisfaisante du point de vue de l'individualité particulière, c'est lA une considération qui ne saurait nullement suffire A disqualifier la pensée qui possède de telles implications. Une vérile critique ne peut AStre qu'une critique interne. Je me proposerai donc de montrer en quelle faA§on cette scission de l'action et de la contemplation suscite au sein d'une philosophie qui se veut fondamentalement philosophie de la rASconciliation, sinon un échec, tout au moins une difficulté qui oue dans le système une brèche par laquelle se réintroduit nécessairement le point de vue éthique et qui constitue la condition de possibilité d'un retour A la philosophie critique après Hegel. Cette difficulté se laisse repérer A deux niveaux : celui de la philosophie de l'histoire et celui de la philosophie spéculative proprement dite. L'analyse de Habermas, convaincante sur plus d'un point, se heurte toutefois, elle aussi, A une difficulté : il va de soi en effet que l'aporie mise ainsi en lumière est si évidente qu'il serait présomptueux de penser qu'elle ait pu échapper A Hegel. Aussi dénonce-t-il A maintes reprises ce travestissement de sa pensée qui consiste A faire de l'affirmation de l'identité du fini et de l'infini, de la volonté et de l'intelligence, une unité sle et comme telle transcendante : - L'expression utilisée pour l'absolu : l'unité du fini et de l'infini, de la pensée et de l'AStre, etc., est fausse; car l'unité exprime une identité abstraite, persistant au repos -2. Il faut donc encore examiner comment Hegel tente, au niveau de la philosophie spéculative, de dépasser l'interprétation de son système qui le réduirait A un nouveau spinozisme. La solution hégélienne est essentiellement esquissée dans les trois derniers paragraphes de Y Encyclopédie, notamment dans l'édition de 1830 dont les ajouts ne visent précisément, comme l'a montré T. Geraets, qu'A répondre A ce type d'objection8. Il est clair en effet, que si l'on fait de l'unité de la volonté et de l'intelligence une unité statique, le point de vue de l'action ne saurait apparaitre que comme une illusion (puisque, en réalité, tout est déjA joué), de mASme que, corrélativement, l'intelligence ne pourrait jamais coïncider avec le réel, sinon abstraitement, dans l'affirmation, vide de contenu, de son identité avec lui. Il faut donc tenter de surmonter l'opposition ' qui est, encore une fois, aux yeux de Hegel, celle de Fichte et de Spinoza ' en pensant l'identité comme processus. D'où les formules bien connues, mais cependant quelque peu énigmatiques, selon lesquelles - l'aspiration insatisfaite - qui caractérise le point de vue éthique fïchtéen, - disparait lorsque nous reconnaissons -, non pas l'identité sle du réel et du rationnel, mais le fait que le - but final du monde est aussi bien accompli qu'il s'accomplit éternellement -*. C'est ainsi que Hegel, dans les paragraphes de l'Encyclopédie destinés A exposer la théorie de l'histoire, souligne encore que le - Bien, ce qui est absolument bon, s'accomplit éternellement dans le monde -, le - résultat - étant - qu'il est déjA accompli en et pour soi et qu'il n'a pas besoin de nous attendre -2. On pourrait aisément multiplier les citations qui vont en ce sens. La difficulté, on le voit, revient A comprendre comment un processus qui s'accomplit éternellement peut AStre achevé. Si la solution n'est pas aisée puisqu'il s'agit mASme, pour Hegel, de - l'opposition la plus dure -3, la plus difficile A penser, la position du problème est en revanche assez claire : l'identité du rationnel et du réel, donc, de la volonté et de l'intelligence, doit bien en effet AStre pensée A la fois comme processus (sinon, nous revenons purement et simplement A une position spinoziste A partir de laquelle le point de vue fini, c'est-A -dire le point de vue de l'action, ne peut AStre regardé que comme une illusion et non comme un moment réel de l'Absolu, ce qu'il doit pourtant AStre) et comme résultat déjA achevé (faute de quoi la réconciliation de l'intelligence avec le réel serait impossible). Dans le deuxième syllogisme (cf. A§ 576) qui prend la forme suivante : Nature - Esprit - Logique, la vérité est au contraire pensée comme le résultat de l'activité du sujet (ce qui correspond A la Phénoménologie de l'Esprit lue du point de vue de la - conscience naïve -). Dans le deuxième syllogisme, le sujet reconnait l'universel, le logique, comme le produit de son activité subjective, ce qui implique que, de ce deuxième point de vue, l'identité du réel et du rationnel soit elle-mASme un processus, et non une réalité objective close sur elle-mASme, toujours déjA inscrite dans les choses. Nous nous situons donc ici du point de vue - de la réflexion spirituelle - pour laquelle - la science apparait comme un connaitre subjectif dont le but est la liberté et qui est lui-mASme la voie pour se la produire -2. Ici par conséquent, la vérité est pensée comme le résultat d'un travail indéfini pour saisir le spirituel, c'est-A -dire l'historique. Ainsi, - si la première lecture révèle une totalité de pensée achevée, fermée sur elle-mASme, la seconde lecture, faite du point de vue du sujet philosophant lui-mASme doit rester nécessairement un penser ouvert, l'effort de quelqu'un pour comprendre son propre temps - puisque - le processus de compréhension ne saurait AStre achevé que si la série des urations l'était : ce qui n'est pas le cas dans le domaine de la philosophie de l'Esprit -a. Le troisième syllogisme doit donc réconcilier les deux points de vue; mais, et nous voyons ici poindre la difficulté principale, il ne doit pas le faire de telle faA§on que cette synthèse ait la signification d'un retour au premier syllogisme. La solution consistera donc, notamment dans la troisième édition de l'Encyclopédie, A souligner le caractère processuel du troisième syllogisme : c'est-A -dire que le logique est le mouvement de cette scission originaire en Nature (où le logique est - déposé - objectivement de toute éternité) et Esprit (où le logique est au contraire construit par l'activité du sujet), tout aussi bien que le dépassement de cette scission : il y a donc sans cesse division et réunification de ces deux aspects, l'idée logique, le moyen terme du dernier syllogisme, étant elle-mASme ce processus perpétuel de scission et de réunification des deux premiers syllogismes2. Il semble ainsi que Hegel dépasse l'aporie que Habermas relevait dans la pensée de la Révolution et qu'il parvienne A penser cette identité de la conscience subjective et de l'Esprit objectif sans sacrifier l'un des termes A l'autre, qu'il réussisse par lA mASme A réconcilier l'intelligence et la volonté au niveau de cette opposition/réunion des deux premiers syllogismes dans le troisième. Une question toutefois demeure : quel statut cette réconciliation effectuée dans le syllogisme absolu, possède-t-elle par rapport A l'individu fini ? La référence A Aristote sur laquelle s'achève V "Encyclopédie peut servir ici d'indice : elle semble bien indiquer en effet que le sujet fini doit poser la nécessité du troisième point de vue, du syllogisme absolu, sans jamais pouvoir coïncider avec lui : ainsi en est-il tout au moins de la contemplation pour Aristote puisqu'elle ne saurait AStre pratiquée tout au long de l'existence et n'est accessible qu'A quelques instants brefs et privilégiés. Plus précisément, il semble bien que le troisième point de vue soit posé pour Hegel comme une simple condition de possibilité de l'unité ' et par conséquent de l'intelligibilité ' des deux premiers. Comme l'écrit T. Geraets, le troisième syllogisme est - le point de vue de l'idée spéculative ' point de vue que nous, sujets individuels, ne saurions jamais nous approprier ' mais dont nous comprenons la légitimité, parce que sans cela la totalité et donc aucun de ses moments ne se comprendrait -l. Et, pensant donner la solution des difficultés que nous avons évoquées, T. Geraets ajoute ' ce qui A mes yeux, loin de constituer une solution est au contraire la meilleure formulation de l'aporie centrale du système hégélien : - L'idée mASme de la philosophie contient en elle-mASme - l'opposition la plus dure - : celle du système objectif, nécessaire et achevé, et de la réflexion personnelle visant la liberté dans la compréhension totale jamais réellement atteinte par moi en tant qu'individu concret -2 parce que, comme l'écrivait lui-mASme Hegel, - la finitude de l'Esprit consiste en ceci que le savoir ne saisit pas l'AStre en et par soi dans sa raison -3. Force est par conséquent de reconnaitre que le système hégélien, s'il dépasse le point de vue éthique et réconcilie la volonté et l'intelligence, effectue cette réconciliation, pour reprendre la formule que Fichte appliquait A Spinoza, - A un niveau où on ne peut le suie - : puisque l'identité, fût-elle processuelle, n'est pas pour nous, mais uniquement en soi, de quel droit est-elle posée ? On énoncera cette difficulté sous forme d'alternative : a-s Ou bien l'unité processuelle des deux premiers syllogismes (de l'intelligence et de la volonté) dans le troisième est posée comme une condition de possibilité ultime de l'intelligibilité du système, et dans ce cas, on se heurte A une triple difficulté : tout d'abord, le point de vue qui donne son intelligibilité au système est posé de faA§on non dialectique, la notion mASme de condition de possibilité de l'expérience étant critiquée par Hegel comme une - réflexion extérieure -, un - fondement formel -4 - ratiocinant - qui doit AStre dépassé par la logique du concept; ensuite, un tel point de vue deait dès lors AStre une condition de possibilité du sens, et non de la vérité1 des deux premiers syllogismes et se er en cela A l'entendement archétypique kantien et au rôle que celui-ci joue, par rapport A l'expérience, dans la Critique de la faculté de juger2; enfin, ce point de vue, extérieur A la chose mASme, serait également extérieur au sujet particulier qui le pose, de sorte que la réconciliation de la volonté et de l'intelligence deait apparaitre plus comme une tache, un idéal au sens kantien, que comme une réalité, donc ' pour tout dire ' comme un devoir-AStre. Or on doit bien admettre que c'est le premier membre de cette alternative qui semble correspondre le plus A la pensée de Hegel. En effet, dans l'additif au A§ 234, conformément au schéma qu'on a vu A l'oue dans le troisième syllogisme, Hegel souligne le caractère processuel de l'identité de l'AStre et du devoir-AStre : - Cette concordance de l'AStre et du devoir-AStre n'est pas une concordance ée et dépourvue de processus; car le Bien, le but final, n'est qu'en tant qu'il se produit continuellement et entre le monde naturel et le monde spirituel subsiste alors encore la différence consistant en ce que, tandis que celui-ci ne fait que retourner constamment en lui-mASme, dans celui-lA , sans conteste, a lieu aussi une progression -3. Cela confirme donc la lecture selon laquelle le modèle spéculatif du dépassement du point de vue fichtéen se trouve AStre le syllogisme absolu tel que le formule le A§ 577. Mais prAStons encore attention A la faA§on dont ce point de vue éthique est - dépassé - : - ce qui est du néant et qui disparait constitue seulement la surface, non l'essence aie du monde - Soit : l'identité du devoir-AStre et de l'AStre telle qu'essaie de la penser le troisième syllogisme est posée comme l'essence du monde, donc, selon une formulation qui renvoie A la logique de l'essence, A la réflexion extérieure, et non A la logique du concept. Bien plus, Hegel définit cette - essence - du monde comme étant - le concept qui est en et pour soi -. On ne peut plus clairement signifier que l'identité processuelle du devoir-AStre et de l'AStre qui caractérise le concept est pensée elle-mASme comme essence, c'est-A -dire comme condition de possibilité de l'intelligibilité du réel, donc, selon les critères mASmes de la pensée hégélienne, de faA§on réflexive, - ratiocinante - et extérieure A la chose mASme. C'est lA , me semble-t-il, une difficulté que B. Bourgeois a parfaitement formulée : se référant2 aux nombreux textes où, paradoxalement, le logique (le concept, la rationalité suprASme) est présenté comme l'essence du réel (donc, on le remarquera encore, selon une formulation d'Entendement et non de Raison), il met en lumière le paradoxe qu'il y a A présenter le rapport du logique au réel comme le ferait la philosophie critique de Kant ou de Fichte, c'est-A -dire comme un rapport de fondement, de condition de possibilité : - Cette tentation d'expliciter la catégorie concrète (rationnelle) de concept par la catégorie abstraite (relevant de l'Entendement) de fondement que nous avons aperA§ue chez Hegel lorsqu'il parle essentiellement du concept, exprime peut-AStre la difficulté, sinon l'impossibilité de saisir comme concept le rapport du logique au réel, de la pensée et de l'AStre -s. Précisons : saisir le rapport du logique au réel - comme concept -, ainsi que semble l'exiger par ailleurs le système hégélien, ce serait penser que le logique produit A partir de lui-mASme son autre (le réel)4, et ne se contente pas, comme dans la philosophie critique, d'en AStre la simple condition d'intelligibilité (l'essence). D'où le jugement de B. Bourgeois : - Nous touchons ici A un problème majeur ' le problème peut-AStre ' posé par Phégélianisme. Si pour la réalité, l'AStre réel comme tel, le logique ou le concept peut se présenter comme son concept (au sens hégélien du terme), si le statut ' la forme ' de l'irrationnel ou du non-conceptuel peut AStre dit rationnel ou conceptuel, par contre, pour le réel, pour ce qui est réel, le logique ou le réel n'est-il pas seulement son essence, le contenu de l'irrationnel ou du non-conceptuel n'est-il pas ' cela semble AStre une tautologie ' non rationnel ou non conceptuel ? -*. La conséquence de cette difficulté pour notre question est donc la suivante : ne parvenant A saisir adéquatement (conceptuellement) que l'identité du rationnel et de la réalité (comme catégorie, non comme contenu de cette catégorie) non, par conséquent, celle du rationnel et du réel (le rapport de ces termes restant classiquement un rapport d'essence ou de fondement), Hegel ne peut non plus réussir A réconcilier pleinement le devoir-AStre et l'AStre. Plus exactement, s'il les réconcilie, c'est sur un objectivement et subjectivement transcendant : objectivement, parce que la réconciliation en question n'a lieu qu'A un niveau essentiel ou fondamental qui laisse hors de lui le réel contingent; subjectivement parce qu'elle s'effectue d'un point de vue auquel le sujet individuel fini ne peut jamais se placer. Par conséquent, en termes critiques, l'on peut dire que la réconciliation de l'AStre et du devoir-AStre, qui seule aurait permis de dépasser le point de vue fichtéen, n'est paradoxalement chez Hegel lui-mASme que - pensée - et non - connue -, que supposée A titre de condition d'intelligibilité avec laquelle il est impossible de réellement coïncider, soit, si l'on veut, comme une Idée2. Pour préciser encore le niveau auquel s'effectue cette réconciliation, l'on pourrait dire que si l'absolu est l'identité processuelle du fini et de l'infini, le fini n'a dans cette identité que la signification d'une catégorie formelle, soit : ce n'est pas l'individu fini, le contingent, qui est réconcilié avec l'absolu, mais si l'on veut, la finité comme telle, de telle sorte que l'individu ne semble jamais devoir quitter la ure de la - conscience malheureuse -. Je ne veux nullement signifier par lA que le système hégélien - échoue - sur cette difficulté1, puisqu'il est bien évident qu'il reconnait l'existence d'une contingence radicale de l'étant2, qui, comme telle, ne saurait jamais AStre pleinement réconciliée avec l'absolu. J'ai seulement voulu montrer que de ce fait : 1) le point de vue absolu que représente le troisième syllogisme ne pouvait pas AStre dialectiquement ou conceptuellement posé (ce qui lA , représente une difficulté indiscule du point de vue hégélien lui-mASme, comme l'a montré B. Bourgeois), n'étant formulé qu'en termes essentialistes et réflexifs, et que, par suite : 2) le point de vue éthique devait retrouver tous ses droits au niveau du contingent, c'est-A -dire dans la conscience commune : retrouver tous ses droits, cela signifie bien sûr qu'il ne saurait AStre relativisé, dénoncé comme illusoire, si ce A partir de quoi il est posé comme tel (le troisième syllogisme) n'est qu'un point de vue lui-mASme réflexif et non un moment dialectiquement posé dans le système: il est clair qu'en ce cas, le point de vue A partir duquel la position fichtéenne est - dépassée - n'a nul titre A faire valoir pour la dépasser et que les deux partis s'opposent comme deux subjectivités ou, dirais-je volontiers, comme deux intérASts : un intérASt pratique et un intérASt spéculatif, le second intérASt ne parvenant jamais, me semble-t-il, A avoir raison du premier. Je n'en voudrai pour preuve que l'indication du - retour - du point de vue éthique chez Hegel lA où apparemment il aurait dû AStre le plus absent : A savoir dans la philosophie de l'Etat. Comme l'a bien montré E. Weil, en effet3, A la fin de son étude sur Hegel et l'Etat, - nous savons ce qui manque A l'Etat pour qu'il soit aiment ce qu'il prétend AStre : il doit AStre moral dans le jeu de forces internationales, il doit procurer A tous la satisfaction dans la reconnaissance, dans la sécurité, dans l'honneur; il doit, donc il ne le fait pas. La réconciliation n'est pas réalisée entre les nations, elle n'est pas réalisée A l'intérieur des Etats -. Il était en effet inévile, si la réconciliation de la volonté et de l'intelligence n'est dialecti-quement effectuée ni au niveau de la philosophie de l'histoire, ni au niveau spéculatif, que le point de vue du devoir se réintroduisit également, si peu que ce fût2, dans la sphère du droit et de la politique. Que tirer de ces constatations ? Que la critique hégélienne, tout d'abord, qui prétendait dépasser, évacuer ou relativiser le point de vue éthique, la vision morale du monde, semble en fait échouer ' puisque aussi bien la dimension éthique se réintroduit en deux points du système, notamment en son couronnement spéculatif. Le fichtéanisme ne se laisse donc pas, en tant que théorie de ce point de vue éthico-pratique, intégrer dans le système comme l'un de ses moments. Corrélativement la philosophie de l'histoire et la philosophie politique qui sont inhérentes A la vision morale du monde ne se laissent pas non plus extirper définitivement. Le fichtéanisme apparait donc comme la principale pierre d'achoppement du système hégélien ; par suite, l'idée d'un - retour A Fiente - semble prendre du sens dans le cadre d'une tentative pour surmonter l'historicisme et sa préparation hégélienne. Entendons-nous bien : il n'est pas démontré par ce qui précède qu'un retour A Fichte constitue la seule voie possible pour échapper aux difficultés inhérentes A une théorie de l'histoire comme ruse de la raison; devant la constatation que l'affirmation d'une application sans limite du principe de raison A l'histoire conduit A de telles apories, il est en effet possible aussi, semble-t-il, de nier purement et simplement le principe de raison, et de construire alors une conception irrationaliste de l'histoire (en ce sens précis de la mise en question radicale de toute légitimité du principe de raison). En cette possibilité, on reconnait l'entreprise heidegge-rienne, reconduite par Arendt, de concevoir - l'Histoire de l'Etre - en la soustrayant au - domaine où le très puissant principe de raison exerce sa puissance -* : penser le surgissement de l'événement sur le modèle de la floraison spontanée de la rose dont l'éclosion est - sans pourquoi - ' et donc penser l'histoire comme une - libre suite - (frète Folge), c'est-A -dire comme un processus dont la - cohésion - (Zusammenhang) n'est aucunement A entendre - au sens de la nécessité d'un processus dialectique -2. En cette conception heideggerienne de l'histoire réside en fait l'antithèse la plus aiguA« par rapport A la théorie hégélienne : les difficultés inhérentes A la théorie de la ruse de la raison pourraient donc, en droit, nous conduire dans une telle direction, auquel cas un - retour A Fichte - ne serait aucunement la seule issue possible. Tout le problème, cependant, serait de déterminer dans quelle mesure, en cette direction heideggerienne, la dimension éthique (la vision morale du monde) se trouve, lA encore, éliminée : si d'aventure, mASme lA où l'on tente d'échapper A l'hégélianisme au point de remettre entièrement en question le principe de raison et de sortir du cadre de la métaphysique de la subjectivité, on voyait se réintroduire quelque dimension éthique, cela signifierait que la vision morale du monde (le point de vue pratique, c'est-A -dire ficbtéen) est décidément incontournable ' que ce soit au sein de la métaphysique du sujet (dont le système hégélien constitue le sommet) ou dans ses prétendus - dehors - (puisque c'est bien A constituer un tel - dehors - que, de Sein und Zeit aux derniers écrits, n'a cessé d'ouer Heidegger). C'est bien pourquoi, ramenés que nous sommes seulement pour l'instant, au sein de la pensée de la subjectivité, de Hegel A Fichte (de l'élimination du point de vue éthique A sa nécessaire prise en compte), il nous faut aussi tenter, pour mieux encore en indiquer la portée, d'apprécier jusqu'A quel point cette dimension éthique ne se réintroduit pas dans la faA§on dont Heidegger lui-mASme s'efforce d'échapper A la subjectivité et au principe de raison. Symétrique de ce premier chapitre où j'ai voulu montrer que l'achèvement hégélien de la rationalité et de la subjectivité ne parvenait pas A surmonter ou A évacuer la position fichtéenne, les es qui vont suie auront donc pour fonction de faire apercevoir qu'une telle - sursomption - ou un tel dépassement ne s'opère pas davantage sur le mode d'une rupture tentée avec la raison et la pensée du sujet. L'importance d'une exploration du point de vue fichtéen deait ainsi en AStre encore renforcée. |
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