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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Après marx

De mASme que l'œuvre de Keynes ne suffit pas mASme A  ceux qui s'en réclament le plus fidèlement pour comprendre l'économie actuelle, de mASme l'exégèse de Marx et de Lénine ne donne pas de réponse directe aux problèmes qui se sont posés depuis la Seconde Guerre mondiale. On s'aperA§oit que l'avènement du socialisme est moins difficile dans les pays sous-développés que dans les économies éluées, que la passage au communisme est plus long que prévu et que la ification nécessite des choix d'autant plus complexes que le niveau de vie s'élève. On constate qu'en Occident il n'y a pas de baisse tendancielle des profits, pas de paupérisation croissante sur le national, et pas de fluctuations cycliques assez graves pour mettre en péril le système capitaliste.
Si l'orthodoxie marxiste est politiquement contraignante, le marxisme offre, A  côté d'instruments d'analyse économique, une philosophie et une sociologie qui permettent la fidélité A  l'esprit, sinon A  la lettre, du Capital. Cette recherche a évidemment pris des orientations différentes selon les problèmes qui se posaient : la nécessité d'améliorer la ification et la gestion des entreprises en URSS, celle d'adapter le modèle soviétique A  des modes de production spécifiques dans les autres démocraties populaires et celle de réinterprASter les grands thèmes marxistes A  la lumière de l'élution du capitalisme en Occident.


a. ' Les recherches de la théorie économique soviétique
La théorie économique a connu en URSS, depuis 1958, une vérile renaissance qui a été exploitée A  l'Ouest comme un retour vers les mécanismes du marché et du profit, alors que ce renouveau semble plutôt un approfondissement de la théorie économique marxiste et que les idées neuves n'ont encore que faiblement modifié la politique économique. Les deux principales causes de ce renouveau sont d'une part le dégel proqué par la mort de Staline, qui a permis l'éclosion au grand jour de conceptions mûries antérieurement - celles de Kan-torovitch et de Nojilov remontent par exemple A  1939 - et d'autre part le développement économique de l'URSS entrée, selon Rostow dans la phase de maturité vers 1950. L'accélération du progrès technique a bouleversé les coefficients techniques retenus par la ification traditionnelle et les choix, au-delA  des grandes priorités, sont devenus plus délicats.
Ce renouveau théorique ne se comprend qu'en réaction contre le dogmatisme stalinien dont l'hérésie de Varja donne la mesure. Varja. dans un livre paru en 1946 et intitulé - Le changement de l'économie capitaliste résultant de la II' guerre mondiale - avait été frappé par le rôle de l'Etat bourgeois en temps de guerre et supposait que ce rôle accru lui permettrait de combattre les monopoles après la guerre. Il fut aussitôt accusé d'oublier que l'Etat bourgeois est incapable de ifier et de contrôler l'économie puisqu'il est contrôlé par elle et on lui reprocha de brouiller la distinction entre le capitalisme et le socialisme. Mais Varja, soutenu par Trakhtenbcrg qui affirmait dans un ouvrage collectif que l'Etat capitaliste était devenu une organisation au-dessus des classes, ne se rétracta pas et fut mis A  l'oubli. La version officielle fut que les économistes de l'équipe de Varja s'étaient laissés abuser et n'avaient pas correctement rempli leur rôle de - prAStres idéologiques -.
Pendant cette période de dictature intellectuelle la seule œuvre théorique importante est celle de Joseph Staline (1879-l953) : Les problèmes économiques du socialisme en URSS, parue en 1952. Staline n'est ni un philosophe comme Lénine, ni un économiste comme Marx, c'est avant tout un homme politique. L'intérASt de ce livre vient de ce que l'homme politique, qui modifie les faits économiques, s'en fasse en mASme temps le théoricien. Staline y développe trois idées principales. D'abord les lois économiques en régime socialiste possèdent le mASme caractère d'objectivité que les lois économiques du capitalisme ; ainsi la loi de la correspondance entre les rapports de production et le caractère des forces productives est aussi valable dans les deux régimes, mais l'exigence de la croissance et le développement harmonieux de l'économie sont des lois propres au socialisme. Ensuite, la loi de la valeur est une loi économique du socialisme lA  où il y a production marchande. Qui dit production marchande ne veut pas dire production capitaliste. La production marchande se justifie surtout si elle est limitée aux articles de consommation personnelle. La loi de la valeur, qui n'est pas une loi économique fondamentale du capitalisme, subsiste donc en économie socialiste. Enfin, Staline maintient que la crise du système capitaliste s'est transformée, mais aggravée depuis la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi autant Staline est autoritaire en politique, autant il est modéré en économie. Il se montre d'une grande fidélité A  la tradition de Marx, d'Engels et de Lénine et n'apporte rien de nouveau sur la reproduction élargie (théorie socialiste de la croissance).
Le problème de la rationalité de la ification, soulevé dès mai 1931 lors de la Conférence réunie pour préparer le général d'élec-trification, a été repris dans toute son ampleur lors de la Conférence sur la détermination de l'efficacité économique des investissements qui eut lieu A  Moscou en juin 1958. Elle marque le dégel intellectuel des économistes soviétiques. L'ampleur du problème - 200 milliards de roubles d'investissements annuels - et l'insuffisance de la traditionnelle méthode des balances-matières expliquent l'importance des recherches (33). Khatchaturov soulignait la possibilité de déterminer des coefficients d'efficacité des investissements en se fondant sur le délai de récupération. Stroumiline, abordant le problème de l'innovation, montrait que l'efficacité des techniques nouvelles se mesure A  l'abaissement de la valeur : quels que soient les prix, le progrès technique déprécie les produits matériels du travail passé. Pour Bakulev, la répartition des investissements entre les différents secteurs doit s'effectuer en fonction de l'accroissement du revenu national par rapport aux investissements, mesurés par la productivité maximale, ce qui signifie que les dépenses de travail social par unité de production doivent AStre réduites au minimum. Enfin Klimenko conclut que le délai approximatif de récupération des dépenses d'automation constitue le critère de son efficacité. L'ensemble de ces rapports a abouti A  recommander en général l'adoption de la méthode type provisoire de détermination de l'efficacité des investissements basée sur le délai de récupération dont l'inverse donne le coefficient d'efficacité.
Ce colloque a montré l'importance pour la ification des taux d'actualisation alors que le semblait jusqu'alors rendre artificiellement simultanées toutes les décisions économiques. La gratuité de l'investissement s'est révélée mauvaise, tant au niveau de l'activité ificatrice qu'elle prive d'un critère d'allocation des capitaux fixes qu'au niveau des entreprises auxquelles elle permet de gaspiller le capital et ne pas adopter un comportement actif et critique envers les méthodes de production. C'est pourquoi, dans tous les pays socialistes, s'est manifestée la mASme tendance A  réintroduire le taux d'intérASt et la rente. La théorie marxiste admet en effet que le facteur terre ait un prix, mais que ce dernier n'est pas un élément composant du prix des produits agricoles. La question, déjA  soulevée pendant les années 20 de la rente différentielle de la terre, avait été reprise dès 1946 par Mme Sollertinskaia selon laquelle, si la rente absolue a disparu, subsistent des rentes relatives dues soit A  la qualité de la terre soit A  sa localisation. Mais elle n'a pas expliqué pourquoi la rente, dans un régime socialiste, apparait dans le secteur primaire et non dans le secteur secondaire, chaque fois qu'existent des différences dans les coûts de production.
Tous ces travaux théoriques ont entrainé l'amélioration des techniques de ification. De nombreux recensements ont multiplié les statistiques disponibles et l'utilisation des mathématiques a fait l'objet d'un vérile revirement doctrinal : bannies pendant trente ans sous l'accusation de - déviation statistico-arithmétique -, elles ont été déclarées idéologiquement neutres et mASme marxistes si l'on interprète les schémas de reproduction élargie chez Marx comme des modèles mathématiques.
C'est alors que les économistes soviétiques ont dénoncé l'irrationalité des prix qui complique singulièrement la tache de ificateurs. Selon Lénine, - le prix est la manifestation de la loi de la valeur -. Les principes de la formulation des prix, fixés dès 1925 et peu modifiés depuis, reposent sur la distinction fondamentale entre les prix de gros et les prix de détail, qui correspond A  celle entre les biens de production et les biens de consommation, et sur l'impôt sur le chiffre d'affaires qui sert de tampon entre les prix de gros fixés d'en bas, en partant des coûts de production et les prix de détail fixé d'en haut, en partant de la somme des revenus distribués. Or ce système de formation des prix est irrationnel. La fonction stimulatrice des prix de gros, qui devrait résulter de la sous-évaluation des biens de production, décourage la gestion des entreprises, proque le gaspillage ou la pénurie au niveau des consommateurs, et gASne l'Etat lui-mASme comme ificateur en farisant une allocation des ressources qui n'est pas conforme aux raretés relatives. La seconde critique portée par les économistes soviétiques au système des prix concerne la différenciation par zone du prix des matières premières, ou - bigarrure des prix de gros, alors qu'ils préféreraient un prix comple unique qui détermine la répartition optimale de la production. Enfin, la fonction répartitionniste des prix de détail est généralement moins discutée que la formation des prix de gros, non que ces prix soient plus rationnels, mais parce qu'il est admis que leur formation puisse ne pas l'AStre. Manipulés selon les nécessités de l'équilibre entre l'offre et la demande, les prix de détail ne correspondent plus A  la valeur-travail. Correspondent-ils A  la valeur d'usage ? C'est ce que certains économistes prétendent.
Diverses théories sur la formation des prix ont donc été débattues en URSS depuis 1957-58, parmi lesquelles on peut en distinguer quatre, en allant des plus orthodoxes aux plus rélutionnaires.
Pour Stroumilinc, sans doute l'économiste le plus respecté de l'URSS pour sa fidélité au marxisme et pour les hautes dignités qu'il a méritées, notamment le titre d'académicien, qui représente beaucoup plus en URSS qu'en France, les prix doivent AStre proportionnels aux coûts en travail. Il a exposé celte thèse simple, irréprochable, directement issue du Capital dès 1928 (34) et l'a toujours affirmée depuis (35). Stroumiline part du calcul de la valeur de la production selon la formule C (capital fixe) + V (capital variable) + M (produit additionnel net qui est le taux de profit en régime capitaliste) et remarque que ce produit additionnel est seulement créé par le travail vivant dont il représente une valeur constante qu'il évalue A  0,75. La formule du prix de gros devient donc C + V + 0,75 V. A cette thèse deux objections ont été faites : d'abord celle d'AStre contraire au progrès technique en farisant les entreprises qui emploient beaucoup de travail, ensuite celle de nécessiter une compilité rigoureuse des dépenses socialement nécessaires en temps de travail, difficulté tout de mASme réduite par l'emploi des ordinateurs. On peut rapprocher des conceptions de Stroumiline celle de Kronrod (36), Ivanov (37) et Boïarski (38), bien que ce dernier conteste la valeur du taux global d'accumulation que Stroumiline chiffre A  0,75.
Malychev apparait comme le chef d'une autre tendance, l'école des prix de production. Malychev, personnalité aussi marquée, mais très différente de Stroumiline - polémiqueur redoule (39) - selon H. Denis, veut, en se basant sur le Capital de Marx rebatir une théorie générale de l'économie socialiste et préfère parler de la compilisation sociale du travail que de la valeur (40). L'expression de - prix de production - se trouve dans le livre III du Capital où Marx explique que dans le régime capitaliste, le prix ne dépend pas uniquement des dépenses en travail, mais du profit, qui n 'est pas proportionnel au coût en travail mais au montant des capitaux investis. Or, pour Malychev, le socialisme doit aussi calculer les prix de production en incluant un taux de profit sur les fonds investis, car la loi de la valeur ne s'applique pas seulement au capitalisme, mais aussi au socialisme. Donc, dans la formule des prix, il évalue M en affectant aux capitaux fixes et circulants une norme d'efficacité globale qui est différente du taux global d'accumulation (le 0,75 de Stroumiline) puisque ce taux dépend du fonds de salaires alors que cette norme dépend aussi des capitaux fixes. Aussi pour Malychev la valeur provient du travail vivant et du travail matérialisé, tous deux sont directement sociaux ; on ne peut empAScher que la mASme quantité de travail crée plus ou moins de valeur selon les équipements utilisés. La mesure de la renilité des fonds productifs donne A  la théorie du prix de production cette généralité que cherchait Malychev en fournissant A  la fois un système de prix, la prise en considération du temps, un critère d'investissement utile A  la ification sur le macroéconomique et un indice de gestion des entreprises sur le micro-économique.
Mais très préoccupé d'une théorie générale, Malychev ne s'est pas beaucoup penché sur ses applications pratiques et on peut lui objecter que la loi de la valeur sur laquelle il se fonde doit un jour dépérir. Pourtant Malychev a de nombreux disciples, notamment Belkinc, qui. lui, s'est préoccupé des applications pratiques (41), et Atlas (42) qui a proposé un indice du taux de renilité égal au rapport entre le profil net et les fonds fixes ou circulants. Cette formule d'Atlas a été reprise par Liberman (43), de tous les disciples de Malychev celui dont les idées ont connu la plus grande publicité pour air proposé de stimuler la gestion des entreprises en l'appréciant selon un taux de renilité qui est un pourcentage des fonds fixes et circulants de l'entreprise. Ces propositions ont connu un début d'application en raison de leur prudence et c'est ce qui lui a sans doute valu une telle renommée. Comparé A  Vaag et Zakharov (44), la modération de Liberman est manifeste. Ceux-ci, beaucoup plus audacieux, ont vivement critiqué le critère du délai de récupération et ont suggéré d'imposer un intérASt sur les capitaux fixes au stade du choix entre les investissements, ce qui revient A  prendre en considération le prix du temps.
V.S. Nemchinov (45). académicien lui aussi, qui présidait le Conseil économique pour l'application des méthodes mathématiques dans la recherche économique et la ification jusqu'A  sa mort, en 1964, estime qu'il faut tenir compte des propriétés d'usage de la production, dans le souci de son amélioration qualitative. La valeur d'usage n'est pas réservée A  la formation des prix des biens de consommation mais aussi A  celle des biens de production, la matière première de qualité supérieure devant par exemple AStre payée plus cher pour n'AStre pas gaspillée et éviter d'AStre rationnée. La rémunération de l'usage des équipements lui apparait moins comme une conséquence de la loi de la valeur que comme une nécessité pratique. Mais cette valeur d'usage doit faire l'objet d'une appréciation centralisée et non dépendre du marché. La reconnaissance de la valeur d'usage et non de la seule valeur-travail n'est-elle pas anti-marxiste puisqu'elle élit un lien entre le prix et l'utilité, môme si cette dernière est évaluée par le Gos et non par le consommateur souverain ? A cela Nemchinov et ses disciples Beloussov, Touretski et Diatchenko répondent qu'il s'agit d'une utilité sociale et non individuelle. Il ne faut retenir des dépenses en travail que celles qui créent une valeur d'usage, seules ces dépenses en travail seraient vraiment sociales. Cette justification semble un peu casuistique.
Kantorovitch enfin représente une quatrième tendance : le marginalisme soviétique. Ce mathématicien est le vérile père de la programmation linéaire découverte par lui en 1939. Les auteurs américains dont les travaux sont postérieurs, puisque leur principales découvertes remontent A  1948-l950, l'ont eux-mASmes reconnu, notamment Koopmans ; seules les méthodes employées présentent quelques variantes. En URSS comme aux Etats-Unis la programmation linéaire consiste A  déterminer le bénéfice optimum qu'un producteur peut espérer obtenir en combinant au mieux les prix et les quantités. Mais Kantorovitch (46), au lieu de déterminer les quantités en fonction des prix qu'il reconnait irrationnels, s'attache au problème dual de déterminer un système de prix connaissant les quantités. - Une méthode adéquate de ification doit conduire au optimum - qui suppose, non des évaluations quelconques mais des - évaluations objectivement déterminées -, traduisons des prix égaux aux productivités marginales. De mASme l'utilisation des facteurs de production nécessite l'introduction d' - évaluations locatives -, traduisons de la productivité du capital et de la rente.
Certes Kantorovitch se défend d'un rapprochement avec les mar-ginalistes. - Les considérations qui précèdent peuvent rappeler certains principes de l'économie classique ou de l'école subjectiviste de l'utilité marginale. En réalité notre analyse est radicalement différente et elle présente sur elles l'avantage d'une approche scientifique et objective de son objet - (47).
Ainsi les ressources naturelles étant limitées il faut tenir compte d'une rente qui correspond A  l'économie de travail réalisée par l'utilisation de ces ressources. Mais cette rente différentielle socialiste n'a rien A  ir avec la rente capitaliste. Elle n'est pas une partie de la plus-value appropriée par les capitalistes et fixée par le marché. Elle est - une partie des dépenses sociales de travail et une partie du produit social appartenant A  la société -, reste la propriété du peuple et est - introduite sciemment - par le ificateur.
Kantorovitch essaie alors d'élaborer une théorie de la croissance de l'économie socialiste. Cette croissance suppose l'utilisation la plus efficace possible des investissements, donc un critère qui est l'- efficacité normale -, traduisez l'efficacité marginale du capital, et non le délai de récupération qu'il critique A  son tour. L' - efficacité normale - suppose qu'on actualise les dépenses et les recettes liées A  l'investissement, non sur la base des prix en vigueur, mais sur celle des - évaluations objectivement déterminées - et qu'on les égalise pour tous les secteurs de l'économie.
Le principal apport conceptuel de Kantorovitch est donc cette - évaluation objectivement déterminée -, variable duale, qui éque les prix fictifs qu'utilise Tinbergen pour résoudre le choix des investissements dans une économie sous-développée, et correspond en fait A  un coefficient de productivité marginale en valeur des facteurs de production. Des prix rationnels doivent s'en inspirer mais, pour Kantorovitch, la politique des prix et des salaires justifie un écart normal entre un système de prix rationnels, tenant compte des - évaluations objectivement déterminées -, et ces dernières.
Cette notion a été critiquée tant par Nemchinov, qui ne lui reconnait pas le caractère de dépenses de travail, mais d'un simple critère de répartition, que par Henri Denis qui craint qu'elle implique des calculs extrASmement complexes et ne soit applicable qu'aux équipements nouveaux.
De son côté, Nojilov (48), autre mathématicien, a élaboré une notion isine, celle de dépenses différentielles et de dépenses de liaison inverse. Pour chaque méthode de production, il faut calculer les accroissements de dépenses ou dépenses différentielles qui se décomposent en dépenses directes et en dépenses de liaison inverse, c'est-A -dire le coût pour le reste de l'économie du fait qu'on affecte A  certains produits des biens rares qui auraient pu AStre utilisés dans d'autres branches. Ces dépenses de liaison inverse correspondent A  l'efficacité marginale du capital, autrement dit A  l'efficacité normale de Kantorovitch. On it combien les conceptions de ces deux économistes sont proches.
Toutefois ce marginalisme soviétique diffère de celui de Pareto en ce qu'il ne pousse pas le processus d'optimisation jusqu'au consommateur, en ce qu'il se réalise par les calculatrices électroniques de l'autorité ificatrice et non par les forces du marché et en ce qu'il proclame son rattachement A  la valeur-travail, puisque l'- évaluation objectivement déterminée - reflète la productivité, laquelle est l'économie d'une dépense de travail. Pourtant Nemchinov ne semble pas convaincu que cette notion soit tout A  fait orthodoxe. Mais la critique fondamentale qu'on peut adresser A  ce marginalisme soviétique serait plutôt la suivante : n'y a-t-il pas d'autres conceptions de l'optimum que l'affectation des ressources selon leur productivité marginale ?

b. ' La pensée économique dans les autres pays socialistes
Pour des raisons politiques et institutionnelles, les autres pays socialistes ont d'abord posé et résolu leurs problèmes de ification et de développement selon les méthodes soviétiques. Pourtant l'atténuation de l'allégeance soviétique, la nécessité d'adapter la ification aux conditions particulières de chaque pays, les contraintes du commerce extérieur alors que l'immensité de l'URSS et la variété de ses ressources économiques lui permettent une certaine autarcie, ont fait apparaitre une pensée économique originale en Yougoslavie, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie et en Chine, pour ne retenir que quelques exemples.
L'effort d'adaptation aux conditions économiques s'est traduit en Yougoslavie par une nouvelle version de l'économie socialiste caractérisée par la ification décentralisée, l'autogestion ouvrière et la concurrence socialiste. Ce pays a en effet rompu avec le Kominform dès juin 1948, sans raison précise apparente, en fait A  cause d'une rivalité profonde qui envenimait ses rapports avec l'URSS, le soutien populaire de la rélution ayant été plus large en Yougoslavie qu'en URSS. Mais jusqu'en 1950, la Yougoslavie a pratiqué un système de ification rigide conA§u sur le modèle soviétique. La rupture de 1951 s'explique A  la fois par une crise économique et par une crise doctrinale qui a porté sur les modalités de la période de transition entre le capitalisme et le socialisme et sur la condamnation de la bureaucratie. La méthode d'analyse du marxisme-léninisme est restée scrupuleusement observée par l'équipe de Kardelj et de Djilas, puisque la rupture avec le Kominform ne résultait d'aucun ébranlement dans leurs convictions marxistes. Mais ceux-ci estiment que Marx n'a indiqué aucune d'action systématique pour une société en ie de transformation socialiste. C'est donc A  tort que l'expérience soviétique en la matière a été généralisée. Or la ie de transformation socialiste comporte des variantes autour du thème central du dépérissement de l'Etat et de son corollaire, la démocratie du système. Le niveau de conscience sociale est certes encore insuffisant, les masses, peu prolétariennes, mais elles doivent participer au système, sinon l'état-major rélutionnaire devient lui-mASme un frein pour toute l'élution socialiste et l'élution risque d'AStre arrAStée par le bureau-cratisme. Pour Kardelj et Djilas, le bureaucratisme prend donc un sens beaucoup plus large que celui d'une méthode de fonctionnement des administrations. C'est une méthode de gouvernement, une caste sociologique dont les intérASts propres s'opposent A  ceux des producteurs. Elle est antidémocratique, antiprolétarienne, mène A  l'impasse du capitalisme d'Etat et arrASte l'élution vers le communisme. Bref, ils n'ont pas de mots assez durs pour flétrir le bureaucratisme. Ceux de Milovan Djilas (49) initialement membre du quadriumvirat qui dirigea la Yougoslavie A  la Libération et théoricien officiel du titisme ont été si corrosif qu'ils ont atteint le régime yougoslave, ont fait de lui un renégat et l'ont enyé de longues années en prison. L'élution ultérieure de la Yougoslavie laisse cependant douter que ce pays ait trouvé la ie de transformation socialiste la plus directe vers le communisme.
En Hongrie et en Pologne, économies plus dépendantes de leurs échanges extérieurs, la théorie économique s'est orientée A  partir des années cinquante vers la recherche de modèles d'optimalisation du commerce extérieur. Antérieurement, l'objectif assigné au commerce extérieur était de satisfaire la demande d'importations indispensables. La structure des échanges était donc déterminée par les balances-matières et par les balances des paiements bilatérales du pays avec chacun de ses partenaires commerciaux. Si, au contraire, l'objectif du commerce extérieur est de bénéficier de la division internationale du travail et de réduire les dépenses de travail socialement nécessaires, un grand nombre de choix s'impose : quelles exportations choisir ? Faut-il importer ou recourir A  la production domestique ? Quel montant d'investissement entreprendre dans le secteur des exportations pour fabriquer les produits échangés contre les importations, etc. ? Les recherches commencées en Hongrie en 1954 par Tibor Liska et Antol Marias ont d'abord essayé de dégager toute une famille de coefficients d'efficacité des exportations faute de pouir utiliser des taux de change rationnels, avant que Mycielski, un disciple de Kantoro-vitch, et Trzeciakowski élaborent un modèle général d'optimalisation du lume, de la composition et de l'orientation du commerce extérieur, fondé sur des prix comples pour tenir compte des raretés et des possibilités d'importations et d'exportations.
C'est aussi un économiste polonais. Oscar Lange (1904-l965), qui a essayé, en intégrant les contributions bourgeoises telles que le marginalisme et le keynésianisme, A  la théorie économique marxiste, de construire une économie généralisée. Doué d'une vaste érudition. Oscar Lange fut en effet d'abord formé A  la pensée néo-marginaliste. puis keynésienne. Il fui mASme professeur A  l'Université de Chicago avant la Seconde Guerre mondiale. Il n'était alors pas encore marxiste, mais le marxisme le séduisait déjA  comme théorie économique et extra-économique des phénomènes de longue période. La Seconde Guerre mondiale le ramena dans le camp socialiste où il mena de front l'activité de professeur A  l'Université de Varsovie, celle de président du Conseil économique de Pologne, de membre du Praesidium et de l'Académie des sciences et de président de la Commission du et du budget de la Diète polonaise.
Dans La Théorie économique du Socialisme (50), bref ouvrage qui regroupe deux articles écrits en 1936 et 1937 dans l'American Economie Review, Oscar Lange esquisse la théorie économique du socialisme et prouve la possibilité pratique de son fonctionnement, contrairement A  l'opinion de Von Mises, dont il prend pour point de départ la célèbre controverse qui l'a opposé vers 1900 A  Enrico Barone. Il suppose d'abord que la liberté de choix des consommateurs et la liberté de choix des emplois sont maintenues et démontre que les prix d'équilibre peuvent AStre déterminés par tatonnements A  partir de niveaux historiquement déterminés. Puis, abandonnant ces deux hypothèses, il estime qu'un système de prix comples peut encore fonctionner, mais qu'il reflète l'échelle de préférence du Bureau central de Planification et conclut que - le danger réel du socialisme est celui de la bureaucratisation de la vie économique (51) -.
Dans son Traité d'économie politique, paruen 1959, il réhabilite partiellement la science économique bourgeoise, en analysant le capitalisme comme un moment dans une rationalisation progressive de l'activité économique. Le profit a rationalisé le calcul économique par rapport A  l'économie traditionnelle, mais cette rationalité, limitée A  l'entreprise, entraine une certaine irrationalité A  l'échelle de la nation, d'où la supériorité de l'économie socialiste. Mais celle-ci doit encore progresser ; la découverte de la compilité en partie double, la méthode des bilans et l'application de la recherche opérationnelle, de la programmation linéaire et de la cybernétique permettent A  la science économique marxiste de faire de nouveaux progrès. Ainsi Oscar Lange s'est-il efforcé de sortir la science économique marxiste de sa sclérose et de la moderniser en l'orientant davantage, comme le souhait Nem-chinov, vers les mathématiques.
Si l'on trouve quelques bonnes analyses du fonctionnement de l'économie chinoise, la pensée économique chinoise ne semble guère air été étudiée en France. Seul Ch. Bettelheim allie sa connaissance de la théorie économique occidentale et marxiste A  l'expérience directe de la Chine.
La théorie de la croissance chez Mao Tsé-toung, qui est avant tout un théoricien marxiste et un Chinois xénophobe, a deux sources d'inspiration, le marxisme-léninisme et les réalités chinoises. Il faut en chercher les fondements dans ce que Mao Tsé-toung appelle les contradictions au sein du peuple (52). Selon lui, il existe deux sortes de contradictions très différentes, - entre nous et nos ennemis -, c'est-A -dire la force réactionnaire de l'impérialisme (A  l'intérieur, les capitalistes et A  l'extérieur, les Etats-Unis), et les contradictions - au sein du peuple -, notamment celles entre les rapports de production, la superstructure et les forces productives, la base économique. Or, le rythme de développement dépend de l'ajustement des rapports de production aux forces productives : meilleur il est, plus le développement peut AStre - impétueux -. Ces principes marxistes fermement posés, Mao recourt A  la méthode empirique pour réduire les contradictions au sein du peuple, car elle seule peut résoudre la contradiction entre les lois objectives du développement économique et notre connaissance subjective. La suppression progressive de ces deux contradictions a pour conséquence le développement en spirale. Les rapports de production et les forces productives sont donc A  la fois ajustés et en contradiction, la correspondance entre la superstructure et la base économique est sans cesse remise en question. Un processus de réajustement constant est nécessaire pour parvenir A  un équilibre toujours réduit entre la production et les besoins de la société, l'accumulation et la consommation, les s doivent AStre perpétuellement réajustés et l'on progresse de déséquilibre en déséquilibre. Cette méthode est censée permettre une accélération du développement par rapport au développement régulier d'une ification quinquennale. Un tel développement est en tout cas mieux adapté aux conditions économiques naturelles de la Chine, continent régulièrement soumis A  des cataclysmes, A  des inondations et A  des famines consécutives A  des récoltes si mauvaises qu'on a souvent dit que l'agriculture chinoise connaissait, comme l'Egypte, l'alternance de vaches grasses et de vaches maigres. Mais l'inégalité de développement est dans le temps, elle n'est pas sectorielle. Pour Mao, les choix entre l'industrie et l'agriculture ou entre l'industrie lourde et l'industrie légère sont de faux dilemmes. L'économie doit connaitre un équilibre rationnel entre les secteurs, selon le principe qu'il faut - marcher sur deux jambes -. Un tel développement assure seul l'indépendance économique nationale. La Chine ayant été longtemps un pays - aliéné -, l'édification d'une économie indépendante est une des préoccupations principales de Mao et l'exemple A  offrir aux autres pays sous-développés. Les conceptions économiques chinoises sont donc remarquables par leur empirisme, l'originalité de la théorie du développement par bonds et l'attrait qu'elles présentent pour les pays sous-développés.
Ce qui frappe enfin, c'est que, quelle que soit la variété des situations économiques en U RSS, en Pologne, en Yougoslavie ou en Chine, une réelle originalité intellectuelle s'allie A  une constante préoccupation d'orthodoxie marxiste.


c. ' Le néo-marxisme

Après le révisionnisme d'Henri de Man pendant les années trente, le marxisme s'est caractérisé en Occident par un retour A  l'économie pure de Marx, tout en admettant qu'en un siècle, le capitalisme se soit considérablement transformé. Le structuralisme a donné du marxisme une version épistémologique originale avec Althusscr. Quant au message sociologique de Marx, ses mérites ont été reconnus par tous les économistes, de quelque tendance qu'ils soient.
Piero Straffa (1898-l983) s'inscrit entre Ricardo et Marx, bien qu'il soit mort exactement un siècle après ce dernier. Il ue dès sa jeunesse deux amitiés qui illustrent bien cette bipolarité. Keynes qui après les universités de Pérouse et de Cagliari l'attire A  Cambridge et lui doit en partie son analyse du taux de l'intérASt dans la Théorie générale, et le communiste Antonio Gramsci.
Son œuvre personnelle, limitée A  un article dans l'Economie Journal (1925), une introduction aux œuvres de Ricardo (1951) et un livre - Production de marchandises par des marchandises - (1960) le situe, malgré le sous-titre - prélude A  une critique de la théorie économique - plus près de Ricardo que de Marx. En effet, il a dégagé, ce que Samuelson appelle - le noyau rationnel - de Marx, en élaborant une version plus moderne de la théorie des prix de production et en réhabilitant la notion de produit net. Mais les marxistes lui reprochent son absence de sociologie et de théorie de l'exploitation du prolétariat. L'analyse de la lutte des classes devient un simple problème de répartition, les classes sociales, de simples apporteurs de facteurs de production. Comme Ricardo, il cherche dans le travail une mesure générale et élabore une théorie des prix et de la répartition, où les prix naturels dépendent des coûts de production et non de la demande, radicalement non marginaliste, A  la différence de Joan Robinson.
La réflexion des économistes marxistes occidentaux s'est orientée autour de deux thèmes majeurs : le fonctionnement du capitalisme de monopole et le sous-développement en tant que conséquence de l'impérialisme.
C'est Maurice Dobb (53) qui a le mieux défendu la supériorité de la théorie de la valeur-travail sur celle de la valeur-utilité dans le capitalisme de monopole. La première postule l'existence d'un surplus et la seconde, la maximisation du bien-AStre des consommateurs. Or, l'existence d'un surplus, dont il faut rechercher le mode d'appropriation, est une hypothèse plus proche de la réalité du capitalisme de monopole et plus dynamique que celle de la maximisation du bien-AStre des consommateurs. De plus, M. Dobb adresse A  la théorie de la valeur-utilité une série d'objections : celle d'aboutir A  une tautologie si les échelles de préférence dépendent du marche, de ne fournir aucun moyen satisfaisant d'évaluer le capital en tant que facteur distinct de productivité et de ne pas rendre compte de la fixation concrète des prix selon le principe du - full cost - (coût moyen majoré d'une marge de profit). A l'inverse, le travail fournit A  la science économique, comme Ricardo l'a le premier pressenti, une constante qui fonde la valeur en permettant de la mesurer. Lorsque Hicks, qui n'est pourtant pas marxiste, considère qu'aujourd'hui l'étalon salaire a remplacé l'étalon or, il n'est pas si étranger au sentiment de Ricardo et de Maurice Dobb.
Pour Jurgen Kuczynski le capitalisme de monopole accentue la plus-value et proque une sous-rémunération qui conduit toujours A  la paupérisation absolue des travailleurs. Son point de départ est très classiquement marxiste : le salaire, coût de reproduction du travail de l'ouvrier, représente une exploitation parce que le capitaliste s'approprie la plus-value que cette force crée au-delA  de son coût de reproduction, ce qui entraine le sur-travail pour lutter contre la diminution tendancielle des profits et la sous-rémunération. Mais Kuczynski innove en opérant une globalisation de la théorie de la valeur-travail. Dans le capitalisme de concurrence, la somme des prix de marchandises est égale A  la somme des valeurs et il y a compensation A  l'intérieur du cycle. Dans le capitalisme de monopole, cette égalité est valable pour l'ensemble, non pour une marchandise particulière, telle que la force de travail. Pour accroitre la plus-value absolue, le capitalisme de concurrence recourait A  l'allongement de la durée du travail, aujourd'hui le capitalisme de monopole cherche A  retrouver, par l'intensification du travail, ce qu'il perd sur la durée. L'originalité de Kuczynski est d'air souligné que l'intensification du travail comme facteur d'accentuation de la plus-value est une caractéristique du capitalisme de monopole. Et Ronald Meek (54) d'ajouter que le capitalisme de monopole utilise de plus des méthodes extra-économiques pour obtenir un profit d'aliénation. Kuczynski (55) maintient donc que le capitalisme de monopole n'a pas mis fin A  la paupérisation absolue ; malgré l'élévation des salaires réels, la force de travail est sur-exploitée par l'intensification du travail plus que le salaire réel ne s'élève. Enfin, comme l'ont montré Varja et Mendelsohn, le capitalisme de monopole tend fondamentalement A  la hausse des prix pour échapper A  la baisse tendancielle des taux de profits.
La théorie de la valeur-travail débouche-t-elle ou non sur une théorie des prix fondée sur les coûts de production ? Bien que ce problème de la transformation des valeurs en prix ait été qualifié par Mrs. Robinson de - purement formel et sans aucune importance -, il a proqué dans les pays anglo-saxons une littérature abondante vers 1950 lorsque Sweezy a publié la traduction de deux articles, datant de 1907, de Bortkiewicz (56), critique russe de Marx, qui apportait une correction mathématique aux démonstrations que donne Marx aux livres I et III du Capital. Comme la synthèse de Bortkiewicz respectait les schémas de reproduction simple mais non le principe de l'égalité totale des prix au total des valeurs, elle a été critiquée par Winternitz (57), mais les perfectionnements mathématiques de ce dernier ont soulevé de nouvelles objections de la part de Kenneth May (58) et de Ronald Meek (59). Si l'on rapproche cette controverse histo-rico-critique de celle qui a opposé les économistes soviétiques de diverses tendances sur l'élaboration de prix rationnels, on ne peut en retirer qu'une conclusion, celle qu'il est bien difficile de trouver dans les œuvres de Marx une théorie marxiste des prix applicable A  la réalité, fût-elle socialiste.
Enfin, depuis plus d'un siècle que Marx l'a prédite, le capitalisme de monopole a, jusqu'A  présent, évité la catastrophe finale. On se rappelle que Marx distinguait des crises dues A  la baisse tendancielle du taux de profit, et des crises dites de réalisation, parce que les capitalistes ne peuvent réaliser la valeur incorporée dans les marchandises. Celles-ci s'expliquent soit par la non-proportionnalité entre les différentes branches de l'économie, soit par la sous-consommation. Le rythme élevé de croissance des économies capitalistes, la quasi-disparition des crises, le succès du socialisme dans des économies surdéveloppées plus que dans des économies de capitalisme mûrissant ne peuvent, d'un point de vue marxiste, s'expliquer que par le jeu de contre-tendances. Ce sont le progrès technique qui relance la consommation, l'échec de certains investissements qui, en absorbant l'accumulation sans augmenter la production de biens de consommation, limite la sous-consommation (mais paradoxalement la prévision améliorée des grands trusts affaiblit cette contre-tendance), la croissance démographique (mais elle aussi s'affaiblit avec le vieillissement de la population dans les économies éluées), le développement de la consommation improductive et des dépenses publiques, l'une des contre-tendances les plus fortes. Enfin, la meilleure explication demeure celle de Rosa Luxemburg (60) pour qui la production capitaliste ne trouve de débouchés qu'en s'étendant dans le monde capitaliste. La compréhension du capitalisme de monopole ne saurait donc AStre dissociée de celle de l'impérialisme, second thème de la pensée marxiste contemporaine.
Dans ce domaine, les deux principaux économistes marxistes contemporains, Paul Baran, professeur des sciences économiques A  l'Université de Stanford, auteur de l'Economie politique de la croissance paru en 1957 A  New York, et Charles Bettelheim, directeur A  l'Ecole des Hautes Etudes A  Paris, qui écrivit en 1964 Planification et croissance accélérée, fondent leur analyse de la croissance sur le concept de surplus. Celui-ci déborde les notions classiques d'épargne et d'investissement en montrant comment le développement de forces productrices détermine l'ampleur et l'utilisation des fonds d'investissements. Ce concept est donc plus riche que celui d'investissement parce que le surplus est une variable endogène, alors que l'investissement, depuis Keynes, est généralement traité en variable exogène. En revanche, il est plus difficile A  définir, car il déborde la théorie économique, ayant été employé par les historiens et les ethnologues qui lient l'apparition de la civilisation, en Mésopotamie ou en Egypte par exemple, A  la réalisation d'un surplus agricole. Pourtant ce concept existait déjA  chez les mercantilistes pour lesquels l'excédent de la balance commerciale est un moyen de dégager un surplus, chez les physiocrates sous la forme du produit net de l'agriculture et chez Ricardo pour qui le surplus est d'autant plus important que les salaires sont bas. Toutefois, le surplus économique ne doit pas AStre confondu avec le surplus du producteur ou du consommateur d'Alfred Marshall qui n'est qu'une rente psychologique, ni avec la plus-value de Marx définie comme le produit global net, moins le revenu du travail, alors que le surplus ne correspond qu'A  la partie du produit global net qui est ou peut AStre accumulée. Baran et Bettelheim opèrent alors une série de distinctions entre diverses formes de surplus qui se ramènent A  l'opposition principale entre un surplus actuel et un surplus potentiel, toute bonne politique de croissance visant A  porter le premier au niveau du second. Le surplus joue ainsi dans la théorie marxiste de la croissance le rôle explicatif central que les post-keynésiens attribuent au niveau de l'équilibre économique général. Selon Baran, l'élution du capitalisme concurrentiel du XIX' siècle au capitalisme de monopole du xxc s'est traduite par un écart croissant entre le surplus actuel et le surplus potentiel. Non seulement l'accumulation s'est réduite en lume, en raison de la baisse des profits, mais elle a été mal utilisée, en raison de l'insuffisance de la demande effective. Le capitalisme de monopole a donc dû recourir A  deux sortes de stimulants, l'Etat et les débouchés extérieurs, qui pourtant ne sauraient résoudre le problème de la surproduction capitaliste. Le capitalisme porte ainsi la responsabilité historique du sous-développement. Partout (c'est bien discule) le contact des pays sous-développés se serait traduit par un processus d'appauvrissement. L'impérialisme capitaliste empASche donc les pays sous-développés de dégager un surplus important et ce faible surplus est mal utilisé par une agriculture dominée, un secteur industriel parasitaire, des entreprises étrangères qui exercent des effets de stope et des Etats handicapés par le colonialisme ou, s'ils sont indépendants, le néo-colonialisme et le poids des dépenses militaires.
Le sous-développement est donc la conséquence directe et pour ainsi dire l'empreinte négative de l'impérialisme. Mais les économistes des pays capitalistes préfèrent avancer de fausses explications pour cacher les vériles causes du sous-développement derrière des - rideaux de fumée - : le manque de capital alors que le surplus potentiel est important si le surplus actuel est faible, l'absence d'esprit d'entreprise qui aboutit A  une sorte de racisme anglo-saxon, la surpopulation, alors qu'elle n'est pas sans relation, pour Charles Bettelheim inspiré peut-AStre par A. Sauvy (61), avec le progrès ttchnique.
L'attention apparemment généreuse que les économistes capitalistes accordent aux problèmes de développement ne serait donc qu'une forme subtile d'impérialisme qui consiste A  sauvegarder avec une sollicitude patriotique les sources de matières premières stratégiques du monde libre, A  prAScher la patience aux peuples sous-développés dont les niveaux de vie ne peuvent s'élever que lentement, A  aider des régimes opposés aux réformes économiques et sociales sous prétexte que le développement économique nécessite la silité des institutions sociales, ire A  se demander si le développement économique est désirable au point de vue philosophique.
Dans une conception très isine de celle de Baran. Charles Bettelheim estime que le sous-développement est - une mystification de l'idéologie bourgeoise - et une - idée scientifiquement fausse -, car elle suggère que les pays seraient plus ou moins avancés sur une mASme ie qu'ils devraient tous emprunter, sur laquelle ils seraient poussés A  coup d'investissements étrangers. L'originalité de Bettelheim tient A  la technicité et A  l'optimisme de ses solutions. Il a élaboré des modèles de croissance formulés en termes de surplus et non d'investissements, tenant compte de ce que certaines dépenses de consommation ont un effet de développement et introduisant avec réalisme une limite A  l'absorption du capital. Mais son optimisme laisse sceptique. Il suffirait d'une rélution socialiste pour que l'écart entre le surplus actuel et le surplus potentiel se comble et que s'amorce ce que Rostow appelle le - décollage - et Baran, - la montée escarpée -. Grace A  la ification, il suffirait d'évaluations raisonnées et de regroupements pour étayer celle-ci malgré l'insuffisance statistique générale des pays en ie de développement. Mettant ses idées en application, Ch. Bettelheim a participé A  l'élaboration des 2' et 3' s quinquennaux indiens auxquels il a fixé des objectifs jugés trop ambitieux (62).
Ainsi entre l'optimisme un peu abstrait des néo-libéraux et le pessimisme, sans autre espoir que le don, des néo-keynésiens, le marxisme offre A  l'intelligentsia des pays en ie de développement une version tragique et un remède simple, deux caractères qui expliquent l'audience d'un thème relevant, selon nous, plus que la doctrine que de la théorie.
Les années 70 ont entrainé un renouveau de la pensée économique marxiste parce que les Trente glorieuses remettaient en question la vision catastrophique du capitalisme. Aussi le renouvellement théorique a-t-il approfondi la loi de la baisse des taux de profit tant sur le national qu'international.
Sur le national, on peut distinguer deux courants complémentaires : l'analyse anglo-saxonne et la nouvelle approche franA§aise. Les économistes anglo-saxons ont expliqué comment le capitalisme concurrentiel du xixc siècle s'était profondément transformé. L'accumulation intensive du capital et l'accroissement de l'intensité du travail et de sa productivité se sont accomnés de profonds changements dans les relations d'emploi, telles que les négociations collectives et la hausse des salaires réels.
Un capitalisme monopoliste d'Etat, caractérisé par des firmes géantes et des politiques d'intervention d'inspiration keynésienne a été longuement décrit tant par Baran et Sweezy aux Etats-Unis (Morwpoly Capital, 1966) que par E. Mandel au Royaume-Uni (hate capitalisme 1975. ' Long wages ofcapitalism development, 1980) mais aussi en France par P. Boccara (Etudes sur le capitalisme monopoliste d'Etat, sa crise, son issue, 1974).
La nouvelle approche franA§aise préfère analyser la transformation du capitalisme sous l'effet de l'accumulation en termes de régulation, définie comme - la manière selon laquelle un système fonctionne comme un tout, la conjonction de mécanismes économiques associés A  un certain ensemble de relations sociales, de formes institutionnelles et de structures - (R. Boyer, Cambridge journal of économies, sept. 1979, p. 100) ou encore comme - une alternative globale A  la théorie de l'équilibre général - (Aglietta, Régulation et crises du capitalisme, 1976, p. 11). Ils montrent que la régulation du capitalisme monopolistique, version améliorée des relations entre l'infrastructure et la superstructure, repose sur l'indexation des salaires sur les prix, les prestations sociales, l'abandon de la concurrence, l'immigration, le néo-colonialisme, etc. et synthétise les explications marxistes des crises en termes de sous-consommation, de déséquilibres sectoriels et de suraccumulation.
La nouvelle approche franA§aise se distingue de l'analyse anglo-saxonne en ce qu'elle oppose des crises de régulation (ou récession) A  des crises de mutation telles que celles des années 30 ou 70. Man-del ramène la crise actuelle A  n'AStre que - la 20' crise de surproduction depuis la formation du marché mondial - (The second slump, Londres, 1978, p. 34) alors que la nouvelle approche franA§aise l'explique par la baisse des taux de profit A  la fin des années 60 et au début des années 70 pour les principaux pays européens et les Etats-Unis. La supra-accumulation du capital, concept développé par Boccara et repris par Aglietta, aboutit A  la crise financière et A  l'inflation. Mais, la crise qui a commencé en 1974, n'est pas seulement une crise de suraccumulation sur le national, c'est aussi une crise de reproduction du capital sur le international.
La théorie de la régulation constitue un courant de la pensée économique franA§aise qui part, sur le théorique, d'une critique du marxisme orthodoxe et de la théorie walrasienne de l'équilibre général et, sur le des faits, de la nécessité d'expliquer la crise qui a suivi les Trente glorieuses.
La notion de régulation a été introduite par G. Destanne de Ber-nis pour réactualiser grace A  l'analyse des systèmes, la théorie marxiste et se rattache A  la définition très générale du philosophe Canguilhem - l'ajustement, conformément A  quelques règles ou normes, d'une pluralité de mouvements ou d'actes et de leurs effets ou produits que leur diversité ou leur succession rend d'abord étrangers les uns des autres -. Par la suite la régulation a fait l'objet d'une bonne dizaine de définitions plus ou moins teintées de marxisme selon qu'elles équent la chute du taux de profit, les contradictions du capitalisme et la valeur-travail, ou plus neutres mais statiques comme celle de J.-P. Benassy : - l'ensemble des processus qui régissent l'allocation des facteurs de production, leur utilisation et la répartition des revenus -.
L'histoire économique et sociale récente des Etats-Unis (Aglietta, 1974) de la France (H. Bertrand, 1978) et d'autres pays européens (R. Boyer, 1986) a donc été étudiée dans cette optique.
L'apport de la théorie de la régulation a consisté A  articuler une méthode globalisante et élutive des phénomènes économiques et sociaux autour des notions suivantes :
' le régime d'accumulation que H. Boyer (La théorie de la régulation, une analyse critique, 1986) explique en ces termes : - l'ensemble des régularités assurant une progression générale et relativement cohérente de l'accumulation du capital, c'est-A -dire permettant de résorber ou d'étaler dans le temps les distorsions et déséquilibres qui naissent en permanence du processus lui-mASme - (p. 46) ;
' les formes institutionnelles, qui sont, si l'on se souvient que les institutions sont des armistices sociaux, la monnaie (Aglietta et Orléan, La violence de la monnaie, 1982), le régime salarial, la concurrence, l'insertion internationale et l'Etat ;
' une typologie des crises distinguant quatre niveaux, les crises accidentelle, d'apuration, de régulation (1929 et 1975 A  1985) et de changement de développement économique.
On aboutit A  une analyse plus sociologique que celle des néo-libéraux ou des post-keynésiens, un peu dans la tradition de Malthus, Mrs. Joan Robinson et Schumpeter.
Ces conceptions ont autrefois soulevé deux critiques principales.
La théorie de la régulation, par son approche descriptive, ne serait qu'un avatar de l'institutionnalisme et ne débouche sur aucune vérile théorie puisque, comme l'écrit l'historien E. Labrousse - chaque société a les crises et la conjoncture de sa structure -.
Cette théorie n'offre, au-delA  de recettes empiriques, aucun programme de politique économique. Objection A  laquelle H. Boyer répond que la politique régulationniste privilégie le moyen-long terme en vue de - cerner la compatibilité structurelle de l'ensemble des mutations en cours et d'éclairer le choix de société -.
Pas plus que Schumpeter ou Keynes, Marx ne s'est beaucoup préoccupé d'économie internationale. Les marxistes contemporains ont donc dû, A  partir de Lénine et de Rosa Luxemburg préciser leur vision des relations entre le tiers monde et les pays industrialisés.
Samir Amin, l'un des trop rares théoriciens de l'économie issu du tiers monde a tiré de sa thèse soutenue A  Paris en 1957 et de nombreuses études concrètes sur divers pays africains un ouvrage au titre ambitieux : L'Accumulation A  l'échelle mondiale, critique de la théorie du sous-développement, 1970. Il y élit que le tiers monde n'est pas un monde encore partiellement précapitaliste, mais la périphérie d'un ensemble capitaliste dont les pays industrialisés sont le centre. Le sous-développement marqué par les inégalités sectorielles de productivité, la désarticulation du système économique et la domination n'est que - le résultat de la persistance de phénomènes relevant de l'accumulation primitive au bénéfice du centre - (p. 32). Comme A. Emmanuel (L'Echange inégal, 1969) S. Amin montre que l'échange inégal est un caractère fondamental de la spécialisation internationale et l'expression de l'exploitation des nations prolétaires. Une telle transposition de la lutte des classes a soulevé une vive controverse entre Ch. Bettelheim pour lequel la classe ouvrière des pays du centre reste le noyau principal du prolétariat et A. Emmanuel pour qui les nations prolétaires s'opposent aux nations bourgeoises portant la lutte des classes A  l'échelle internationale, thème repris par S. Amin dans un ouvrage plus récent et plus philosophique (Classe et Nation dans l'histoire et la crise contemporaine, Paris, 1979).
L'urgence de la lutte contre le sous-développement appelle l'action. S. Amin préconise un développement auto-centré car - la rupture avec le marché mondial est la condition première du développement - (L'Accumulation, p. 43). A. Emmanuel est farable A  un relèvement des salaires dans le tiers monde, A  rencontre des avantages atifs, ce qui est plus discule. Tous s'accordent A  ir dans les investissements étrangers l'expression de l'échange inégal et non, comme les théoriciens néo-classiques, un remède aux inégalités et une meilleure allocation des ressources.
Au cours des années 70, la pensée marxiste semble donc s'AStre dégagée des controverses stériles sur la transformation des valeurs en prix pour essayer d'expliquer le capitalisme contemporain et proposer des mesures de politique économique. On peut lui reprocher de n'air pas réussi A  utiliser la théorie de la valeur-travail dans les travaux économétriques et de s'AStre banalisé sur le philosophique, laissant A  Kostas Axelos le soin de souligner le rôle de Marx, penseur de la technique, Paris, 1961.
Les marxistes restent cependant minoritaires parmi les économistes occidentaux, car le marxisme soulève une triple objection : sur le philosophique, son matérialisme historique, sur le théorique, son opposition au marginalisme et A  l'analyse keynésienne, malgré les essais de conciliation tentés par Mrs. Joan Robinson (63) et Oscar Lange (64) , et sur le des faits, l'élution du capitalisme si différente de celle prédite par Marx.




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