NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » ECONOMIE GéNéRALE » Emploi Une société de services comment gérer des biens invisibles ?Communication, santé, éducation, transports, finances, tourisme les services représentent aujourd'hui 70% des emplois. A la différence du produit matériel, le service est intangible : on ne peut ni le voir, ni le toucher, ni le stocker. Dès lors, comment mesurer sa qualité, sa valeur? Comment gérer des biens invisibles? COMME EN TéMOIGNENT les archis et la littérature, les services ne sont pas une inntion du XXe siècle. Ils ont toujours accomné les activités agricoles et industrielles, A quelque époque que ce soit, pour transporter, pour prASter, pour combattre et pour prier, ou pour agrémenter la vie des plus riches. Dans les faits comme par étymologie, les services sont nés dans la servitude il y a fort longtemps. Un fait s'impose cependant. A l'aube du XXT siècle, les services comptent pour environ 70 % de l'emploi ou de la valeur ajoutée des sociétés déloppées, alors que, A la fin du siècle passé, ils n'en représentaient que 30 %. En cent ans, la proportion des actifs travaillant, d'une part dans l'agriculture et l'industrie, d'autre part dans les services, s'est inrsée. Aujourd'hui, l'emploi agricole représente 5 % du total, et celui de l'industrie 25 %. Les services font le reste. Cette évolution quantitati signifie que l'on est passé en quelques décennies d'une société de l'effort physique et du travail direct sur la matière, principalement agricole, A une société de l'effort mental et de la charge neruse, où l'information tient une grande place. Cette croissance est A ce point prononcée qu'elle s'apparente A une rupture. Cela explique le concept de société postindustrielle, innté voici vingt-cinq ans par le sociologue Daniel Bell. Essayons, en tout cas, de comprendre A très grands traits la société déloppée contemporaine et ses exigences, avant d'analyser ce que sont les services A trars l'observation des pratiques des prestataires et des attentes des clients ou usagers. C'est dans la première moitié du xxA° siècle que l'attention fut dirigée sur les services, par l'intermédiaire de la notion de -secteur tertiaire-, avancée pour la première fois par Allan G.B. Fisher en 1935. Reprise par Colin Clark, puis par Jean Fourastié, elle servit A désigner un phénomène nouau : l'envahissement de l'économie par un ensemble hétérogène d'activités, rassemblant globalement ce que l'on nomme aujourd'hui les services (commerce, transports, administration, éducation, etc.). Le caractère résiduel de la notion - le secteur tertiaire rassemble tout ce qui n'est pas du secteur primaire (agricole) ou secondaire (industriel) - la rendait cependant impropre A un usage scientifique. Les éléments d'explication de cette croissance sont multiples. Tout d'abord, l'usage de services, permis par des objets de plus en plus performants, apparait comme leur prolongement normal : l'existence de l'automobile suppose des réseaux de commercialisation, des modes de financement, de la publicité, des cours de conduite, une police de la circulation, etc. Mais les services ne sont pas seulement la suite naturelle des objets, fls en sont aussi l'accomnement. Pour produire et consommer des objets de plus en plus compliqués, il faut des services de plus en plus nombreux et de niau intellectuel sount élevé. De ce fait, les sociétés contemporaines se sont sans cesse enrichies en infrastructures et en connaissances. Le nombre des relations entre les agents s'est accru. Les opérations que ces agents engagent sont de plus en plus coûteuses, de plus en plus étendues dans l'espace, de plus en plus liées dans le temps par le crédit. On peut dire, ac Orio Giarini, que les services sont le moyen, pour les sociétés, de gérer leur complexité. Ces activités sont autant nécessaires au fonctionnement social que le sont les vAStements pour un individu. Leur étude spécifique apparait comme une exigence de l'analyse des sociétés contemporaines et de la compréhension de leur denir. Un produit intangible, mais pas immatériel La montée des services a conduit A des interrogations sur les acteurs. Ces derniers sont A l'origine du déloppement d'une offre A la fois plus étendue et plus variée, A destination des ménages ou des entreprises. Le management des entreprises de services, incluant principalement le marketing des services, s'est progressiment constitué, A partir des années 70 aux Etats-Unis et plus tardiment en France, autour de la question des spécificités du produit service et de ses implications en termes mana-gériaux. Il a contribué A cerner les caractéristiques principales des activités de services. Au-delA de la dirsité des organisations prestataires (entreprises, administrations, associations, professions libérales), deux caractéristiques sont classiquement distinguées : l'intan-gibilité du service, et la simultanéité de sa production et de sa consommation. » Le service est intangible dans la mesure où il ne peut pas AStre touché : l'enseignement, l'acte médical, le crédit financier, le transport, le conseil ne sont pas des produits physiques. Cène intangibilité ne signifie pas cependant l'absence de supports matériels A la prestation, tels que les moyens de production (avion dans le transport aérien) ou la cible du service (véhicule réparé par le garagiste). » La simultanéité de la production et de la consommation, mise en avant dès 1803 par Jean-Baptiste Say dans son Traité d'économie politique, traduit le fait que la consommation du service se fait en mASme temps qu'une partie plus ou moins importante de sa production : c'est le cas, par exemple, de l'enseignement, du transport aérien ou de la location immobilière. Le client, cible et ressource de la production de services L'élément majeur du management des services est l'existence du client dans le système : l'usager fournit l'information nécessaire A la conception et A la production du service, et il coopère en prenant en charge certaines activités de production (réservation de transport sur Minitel, manipulation des produits dans un hypermarché). Sans sa participation, un grand nombre d'activités de services n'ont pas lieu. Le client a deux statuts non exclusifs l'un de l'autre : il peut AStre cible ou ressource. » Il est une cible du système de production dans la mesure où le service élaboré par le prestataire amène A sa transformation physique, intellectuelle, psychologique : soins médicaux, enseignement, activités de conseil, loisirs, transport de passagers. Toutes les activités de services ne prennent cependant pas en charge des transformations sur des cibles humaines : certaines traitent directement des transformations sur des cibles matérielles (service après-nte) ou immatérielles (production, stockage, diffusion d'informations). » Le client est une ressource du système de production dans la mesure où il intervient, de manières et A des degrés différents, pour produire le service. La définition des activités nécessaires A la production incorpore de facto celles qui lui sont confiées. Certaines études le voient mASme comme un -employé partiel- de l'entreprise de services. C'est une spécificité remarquable du management des services, mASme si l'on trou des exemples de production industrielle associant le client A la conception et A la production du bien. Dans les services, cette coproduction, quand elle existe, est quotidienne et récurrente. Elle conditionne la réalisation et les performances du service. Le délai d'obtention s'allonge si le client ne comprend pas les informations demandées, ou est confronté A un système de production nouau et complexe. La qualité se dégrade pour le client en cause, mais aussi éntuellement pour les usagers présents simultanément dans le système de production du service. Qui n'a pas fait l'expérience de ce genre de situation dans une gare SNCF, aux caisses d'un hypermarché ou dans une salle de cours ? Les connaissances, l'expérience, l'histoire personnelle du client affectent directement les performances du système de production. Ces deux caractéristiques - l'intangibi-lité et la coproduction - rendent problématique l'appréciation de la qualité d'un service. Comment le client peut-il juger avant l'achat des caractéristiques d'un bien intangible comme un enseignement ou un conseil informatique ? D est donc confronté A une incertitude de fait sur ce qu'il obtiendra finalement. Du point de vue du prestataire, l'intan-gibilité du service rend complexe l'identification des attentes des clients (qualité de conception). Le prestataire est par ailleurs confronté A la difficulté de reproduire le service A l'identique au cours du temps : ce produit est hétérogène, car mASme si la fonction marketing a éli précisément ses spécifications, sa production peut varier d'un client A l'autre, ou d'un jour sur l'autre pour le mASme client. La production est soumise A des aléas, liés notamment au profil des usagers et aux compétences du personnel en contact (qualité de production). Enfin, la qualité du service est une qualité en temps réel, dans la mesure où les produits ne sont pas stockables. Ce phénomène confronte depuis longtemps les entreprises de services A des productions en juste-A -temps. Elles utilisent des techniques de gestion de capacités permettant un ajustement de l'offre et de la demande, en illant A préserr la qualité pour le client et l'utilisation optimale des ressources par l'entreprise (rendez-vous, réservations, tarification différenciée, informations, yield management). La coproduction explique que la relation entre l'entreprise et le client soit un facteur clé de performance. Elle recouvre la relation ponctuelle qui se noue lors de la prestation. Cette relation entre le personnel en contact et le client constitue ce que Richard Normann appelle le -moment de vérité-, l'instant où le service se concrétise effectiment et où sont mobilisées compétences du personnel en contact, -compétences- du client et performances du système de production en général. Elle renvoie également A la relation s'instaurant plus généralement entre le prestataire et le client, qui s'inscrit dans une durée plus large, de manière éntuellement continue, et où se construit une connaissance réciproque des besoins et des compétences du client et du prestataire. La coproduction implique donc de s'interroger sur les systèmes de gestion des ressources humaines, sur les compétences des salariés opérationnels et de l'encadrement, sur tout ce qui est susceptible de favoriser la relation de service. Elle soulè par ailleurs la question de la gestion du client, élément A part entière du système de production : l'information, la formation, la fidélisation de l'usager, la prise en compte de ses réactions lors d'innovations organisa-tionnelles ou techniques du système de production, etc., en sont des axes importants. La relation de service n'est cependant pas, comme on a parfois tendance A le croire, le seul facteur de performance, dans la mesure où cette coproduction est plus ou moins intense, et où la performance de la production en back office - c'est-A -dire hors de la présence du client - conditionne très largement la relation. La production de services suppose aussi la standardisation de certains processus en back office et l'amélioration de processus industriels, dans la mesure où ils traitent de transformations physiques d'objets matériels (processus de réparation et de transport des objets confiés aux entreprises de service après-nte, mise en ceuvre de réseaux). Elle suppose aussi de réfléchir aux liens existant entre back office et front office - personnel en contact ac le client -afin que la coproduction ne soit pas du seul ressort du front office, mais soit intégrée dans l'organisation mASme du système de production.
L'ensemble de ces problèmes managé-riaux est A replacer dans un cadre plus large d'évolution des services et de leurs modes de production. Les noulles technologies de l'information et de la communication sont un exemple de ces mutations. En transformant les modes de gestion de l'information dans les entreprises, elles induisent des changements de l'offre et des systèmes de production. Elles permettent tout d'abord l'offre de nouaux services (télésurillance, radioguidage) et l'élargissement de la gamme des services offerts par les entreprises (réservation A distance, banque A domicile). Ces services sont offerts en complément de services existants. Ils ne se substituent pas A l'offre traditionnelle. Ces noulles technologies transforment ensuite les systèmes d'information sur - et A l'intention de - la clientèle : elles rendent possible l'existence de systèmes d'information interactifs A destination des clients sur les services offerts, mis A jour en temps réel et accessibles en permanence. Corrélatiment, elles permettent la mise en œuvre de systèmes sophistiqués d'information sur la clientèle (informations sur les expériences passées de l'usager ac le service, évaluation de la qualité de la cible et de la ressource client) qui accroissent la réactivité de l'offre aux évolutions des caractéristiques de la demande globale, ainsi que le degré de personnalisation du service. |
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