Ce modèle communautaire, dont les contours ont été définis de faA§on progressive A partir des années 1950, a connu une silité remarquable. Toutes les tentatives de modification radicale ont échoué, qu'elles visent A accélérer l'évolution vers un modèle plus fédéral ou au contraire A restaurer la primauté des états, comme le - Plan Fouchet - ancé par la France du temps du général de Gaulle. Certes, les réformes se sont succédé A un rythme rapide A partir de l'Acte unique européen (1986) : les possibilités de recours au vote ont été accrues et les pouvoirs législatifs du Parlement étendus de faA§on progressive. Tous ces changements ont cependant été introduits avec une volonté manifeste de ne pas bouleverser l'équilibre général du système, notamment en ce qui concerne les droits de la Commission.
Depuis le début des années 1990, toutefois, l'intégration européenne est entrée dans une nouvelle phase. L'environnement dans lequel sont abordées les questions européennes a sensiblement changé, ce qui n'a pas été sans incidence sur le fonctionnement du système politique européen. Sans entrer dans le détail, on mentionnera ici quelques éléments qui paraissent essentiels pour comprendre les difficultés auxquelles l'Europe est aujourd'hui confrontée.
1. UNE CRISE DE LéGITIMITé
L'Union européenne traverse depuis le début des années 1990 une
crise de légitimité sans précédent. Le traité de Maastricht a fait office de révélateur, ce qui explique les difficultés qui ont entouré sa ratification. Les enquAStes consacrées A l'opinion publique européenne ont unanimement confirmé le constat : le - consensus permissif - qui ait permis le lancement de l'aventure européenne n'est plus qu'un souvenir1. MASme s'ils restent globalement demandeurs d'Europe, les citoyens font aujourd'hui preuve d'une grande méfiance A l'égard d'un système politique qu'ils comprennent mal, et qui leur semble parfois menacer des modes de vie auxquels ils sont attachés. D'où, notamment, leur tendance A bouder les urnes au moment des élections européennes. Ce phénomène de désaffection a été fort
marqué au cours des années 1990, où l'opinion publique a commencé A s'émouvoir de l'emprise grandissante de l'Europe dans une série de domaines, dans le mASme temps qu'elle manifestait ses craintes A l'égard de la récession
économique et de la montée du chômage. On peut bien sûr se réconforter en soulignant que l'Europe est victime de ses propres succès, et que c'est parce qu'ils ont appris que les décisions prises A ce niveau pouient avoir un impact sur leur vie quotidienne que les citoyens européens ont commencé A s'intéresser A ce qui se décidait A Bruxelles ou A Strasbourg. Reste cependant que ce contexte de méfiance est porteur de difficultés pour les institutions européennes, qui ne peuvent s'appuyer que sur un
capital de légitimité relativement faible au moment mASme où elles sont appelées A intervenir dans des domaines de plus en plus délicats.
2. Des gouvernements nationaux plus méfiants
A€ la mASme époque, les gouvernements nationaux ont commencé A montrer des signes d'impatience grandissante face A ce qui leur apparaissait comme une
croissance illimitée des pouvoirs de la Communauté ' donc de la Commission. De lA découle notamment la multiplication des contre-pouvoirs qui a caractérisé ces dernières années.
La - structure en piliers - du traité de Maastricht est sans doute la première manifestation de cette nouvelle tendance. Elle doit son existence A un compromis ambigu. D'un côté, les Etats-membres ont marqué leur volonté d'action commune dans des domaines comme la politique étrangère, la sécurité et la justice, apanage traditionnel de l'Etat. Ce pas vers l'unité n'a été accepté qu'au prix d'un changement radical des règles du jeu. Le rôle des institutions supranationales a été délibérément réduit dans ce que l'on a appelé les deuxième (politique étrangère) et troisième piliers (justice et affaires intérieures) : la Commission n'y jouit ni du monopole d'initiative législative ni des pouvoirs de surveillance qui sont les bases de son autorité dans le modèle communautaire ; le Parlement est dépourvu de toute possibilité effective de contrôle ; quant A la cour de Justice, elle a dans un premier temps purement et simplement été exclue2. En d'autres termes, dans ces domaines, les seules formes d'action envisagées sont A l'enseigne du plus classique des inter-gouvernementalismes, le
leadership étant en principe exercé par le Conseil européen, qui réunit les chefs d'Etat et de gouvernement.
MASme dans des domaines classiques d'intervention communautaire, comme la gestion du marchéintérieur, on relève A partir de la mASme époque un décalage croissant entre l'ampleur des taches assignées A l'Europe et la faiblesse des
moyens administratifs et financiers que l'on était disposé A concéder A la Commission. LA aussi, les gouvernements semblent souscrire A l'idée d'interventions européennes plus régulières, sans pour autant accepter que celles-ci passent par un renforcement de la structure communautaire. A€ plusieurs reprises, cette tension n'a pu AStre surmontée que grace A la mise en place de structures administratives autonomes. On compte maintenant au niveau communautaire une dizaine d'agences administratives qui assurent l'interface entre la Commission et les administrations nationales, dans des secteurs qui vont de la lutte contre les toxicomanies A la sécurité alimentaire, en passant par la
santé et la sécurité sur les lieux de trail. Dans d'autres domaines, le décalage entre les taches de gestion et les ressources attribuées A la Commission a engendré le recours systématique A des sous-traitants, facilitant les cas de fraude et de mauise gestion qui ont amené la chute de la commission Santer3.
De faA§on symptomatique, quand des besoins fonctionnels semblables A ceux qui ont présidé A la création de la Commission se font sentir, on met un point d'honneur A y répondre par la mise en place de structures ad hoc. Ainsi, lorsqu'il s'est avéré que la politique étrangère européenne souffrait d'un manque cruel de structures d'analyse et de prévision capables d'inspirer une vision commune des problèmes internationaux, de définir des possibilités d'action conjointe et de piloter leur mise en œuvre, on a choisi de mettre en place une cellule spéciale, placée sous l'autorité d'une personnalité autonome, le haut représentant pour la PESC (politique étrangère et de sécurité commune). Et, pour s'assurer que l'ancien secrétaire général de l'OTAN, M. Javier Solana, auquel a été confié ce poste, ne fasse pas trop d'ombre aux ministres des Affaires étrangères, les moyens d'agir lui ont été comptés chichement : il ne dispose que d'une administration et d'un budget réduits, et aucun droit d'initiative ne lui a été reconnu.
Un scénario analogue se profile en matière de
politique économique. LA aussi, les compromis de Maastricht se sont révélés insles. Pour éviter toute menace sur l'indépendance de la Banque centrale européenne, A laquelle a été confiée la
politique monétaire, on a écarté l'idée d'un gouvernement économique, laissant du mASme coup dans le flou les contours institutionnels de la politique économique européenne. Dans les années qui ont suivi, ce vide a été progressivement comblé par des initiatives qui ont précisé les règles applicables A la
politique budgétaire (le - pacte de silité et de croissance - arrASté en 1997) et mis en place une structure de délibération informelle pour les ministres de l'Economie des pays qui ont accepté la monnaie unique (l'- Eurogroupe -). Mais A ce niveau aussi, les difficultés structurelles évoquées plus haut se sont fait sentir : définir les bases d'une coopération harmonieuse entre Etats n'est pas chose facile. Pour assurer l'efficacité des traux de l'Eu-rogroupe, on a choisi de donner une meilleure assise a sa présidence. Comme un interlocuteur qui change tous les six mois pouit difficilement offrir un contrepoint réel A la Banque centrale ou aux interlocuteurs internationaux de l'Eurogroupe, les membres de celui-ci, anticipant sur une des réformes prévues par le projet de traité constitutionnel, ont décidé de porter A sa présidence le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker pour un mandat de deux ans et demi. Ici aussi, la volonté de définir une alternative intergouvernementale viable au transfert de pouvoirs A la Commission, qui caractérise la méthode communautaire, est manifeste.
Si l'on passe des structures institutionnelles aux formes d'intervention, le constat n'est guère différent. L'air du temps est A la décentralisation. A€ la gue d'harmonisation qui a marqué l'achèvement du
marché intérieur a succédé une phase A l'enseigne de méthodes moins contraignantes pour les responsables politiques nationaux : étalonnage (-
benchmarking -), contrôle par les pairs et surveillance mutuelle. ConA§ue pour l'union monétaire, cette approche a par la suite été reprise au niveau de la politique de l'emploi avec ce que l'on a appelé le - processus de Luxembourg -. Le Conseil européen de Lisbonne, en mars 2000, a esquissé une approche semblable pour tout ce qui a trait aux réformes de structure destinées A améliorer la compétitivité de l'économie et A moderniser les systèmes de protection sociale. L'objectif de la -
stratégie de Lisbonne - a été défini avec emphase : faire de l'Europe - l'économie de la
connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d'une croissance économique durable accomnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale -. Sur le de la méthode, en renche, on a délibérément évité tout transfert de pouvoirs supplémentaires au niveau européen : la - méthode ouverte de coordination - définie A Lisbonne se caractérise ant tout par la mise sur pied de routines procédurales - définition de lignes directrices et d'indicateurs, examen périodique de rapports nationaux, recherche des meilleures pratiques ' qui visent A favoriser le
développement de phénomènes d'apprentissage. Les administrations nationales, acteurs-clefs du processus, doivent pouvoir identifier les forces et les faiblesses de leur action en ant les résultats qu'elles obtiennent A ceux de leurs homologues. Les choix définis dans ce contexte sont dépourvus de caractère contraignant. Pour assurer le succès de la nouvelle stratégie, on compte sur l'émulation entre les états-membres plutôt que sur les mécanismes communautaires de contrôle. La Commission y est réduite A un rôle secondaire, les chefs d'état et de gouvernement revendiquant un rôle général d'orientation et de contrôle4.
Pris ensemble, ces éléments sont autant d'indicateurs d'une volonté de rupture avec les délégations de pouvoir qui caractérisent le modèle communautaire. Faut-il y voir une innotion durable dans les techniques d'intégration, comme le laissent entendre certains obserteurs5, ou plutôt une tentative de retour A des formes ordinaires d'intergou-vernementalisme ? Nous aurons l'occasion d'y revenir.
3. La montée en puissance du Parlement européen
A€ cette contestation des terrains d'action naturels de la Commission par les gouvernements nationaux se sont ajoutées les pressions dont elle fait aujourd'hui l'objet de la part du Parlement européen. Au cours des deux dernières décennies, une forte dose de parlementarisme a été injectée au niveau européen. Pour apporter remède au fameux - déficit démocratique - qui est censé affliger le système politique européen, on a tour A tour renforcé les prérogatives budgétaires, les pouvoirs législatifs et les pouvoirs de contrôle du Parlement européen. En l'espace d'une douzaine d'années, celui-ci est ainsi passé du statut d'assemblée consultative A celui de colégislateur dans certains domaines.
Plus important encore pour notre propos, le Parlement a également acquis une influence considérable sur la nomination de la Commission. S'inspirant d'un usage qui remonte au début des années 1980, le traité de Maastricht a éli une sorte de vote d'investiture, le - vote d'approbation -, qui doit intervenir ant l'entrée en fonction de toute nouvelle Commission, tout en alignant la durée du mandat des commissaires sur celui du Parlement européen. Bien que ces réformes aient été introduites sans vérile débat, la combinaison de ces deux éléments indiquait inconteslement une volonté de renforcer les liens entre le Parlement et l'- exécutif -, A savoir la Commission. Les parlementaires européens n'ont pas manqué d'en tirer argument pour exiger la mise en place d'une procédure d'audition des candidats commissaires, inspirée par les hearings auquel recourt le Sénat américain afin de contrôler les nominations effectuées par le président. Après quelques hésitations, la commission Santer a fini par accepter de se prASter A l'exercice, qui deit se révéler redoule pour certains des candidats. Bien que ce - vote d'approbation - porte sur l'ensemble du collège et non pas sur le choix de l'un ou l'autre de ses membres, les pressions exercées par le Parlement A l'issue des auditions lui ont permis d'influencer la répartition des portefeuilles au sein de la Commission, voire sa composition. Les difficultés qui ont entouré la désignation de la Commission Barroso en octobre 2004 ont marqué une étape importante dans cette évolution. Pour la première fois, le Parlement a obtenu l'éviction de deux des commissaires pressentis, l'Italien Rocco Buttiglione et la Lettonne Ingrida Udre6.
Cette montée en puissance du Parlement s'est souvent accomplie aux détriments de la Commission. Le Parlement a tiré parti de ses nouvelles prérogatives et de l'affaiblissement de la Commission pour imposer A cette dernière un certain nombre d'exigences nouvelles dans l'exercice de ses fonctions : lors de son entrée en fonctions, Romano Prodi a dû s'engager A tenir - le plus grand compte - des desiderata du Parlement en matière d'initiative politique. L'assemblée cède parfois aux tentations du micromanagement ' on l'a vue se prononcer sur le bien-fondé de sanctions individuelles A l'endroit de certains fonctionnaires européens au lendemain de la crise de la che folle ' et il ne déplait pas toujours aux parlementaires de faire sentir A la Commission le poids politique qu'ils ont acquis, comme l'a montré l'offensive en règle lancée par la commission de contrôle budgétaire contre certains membres de la commission Prodi.
Certes, ce ne sont lA pour l'instant que des manifestations occasionnelles de l'autorité grandissante du Parlement. Pour qu'elles se traduisent par un déplacement durable du centre de gravité politique de l'Europe communautaire, il faudrait qu'il existe au sein de l'assemblée une majorité forte, soudée et cohérente. Or cela n'est pas le cas A l'heure actuelle : entre un socialiste franA§ais et un membre du New Labour britannique, on le sait, les sensibilités rient souvent. Et que dire du groupe PPE (Parti populaire européen), au sein duquel coexistent des fédéralistes déclarés, héritiers de la tradition démocrate-chrétienne européenne, et des conserteurs britanniques, qui ont fait de l'euro-scepticisme leur principal fonds de commerce ? Par ailleurs, le traité impose souvent la réunion de majorités larges, ce qui explique la relative silité de la - grande coalition -, qui unit les groupes politiques socialiste et PPE. Reste cependant que les pressions exercées par le Parlement sont parfois de nature A menacer le crédit de la Commission, tant aux yeux de ses interlocuteurs nationaux qu'A ceux des marchés, alors qu'elle est en butte A une série de défis structurels. On se trouve aujourd'hui dans une situation intermédiaire entre deux modèles, avec une Commission plus faible qu'elle ne l'était autrefois, sans pour autant que l'on soit passé A un vérile régime parlementaire.
4. La Commission dans le collimateur
La démission forcée de la commission Santer, les difficultés qui ont entouré la nomination de la commission Barroso et les critiques répétées dont l'institution fait aujourd'hui l'objet reflètent une évolution en profondeur de la gouvernance européenne. Moteur de l'intégration européenne dans la méthode communautaire, la Commission voit désormais son rôle remis en cause par ses principaux interlocuteurs, qu'il s'agisse des gouvernements nationaux, anxieux dent la perte de contrôle ' et donc de pouvoir politique ' que leur parait impliquer le poids grandissant de l'Europe dans nombre de
politiques publiques, ou du Parlement européen, désireux de pouvoir utiliser pleinement des prérogatives qu'il a mis longtemps a conquérir.
Faut-il en conclure que la méthode communautaire a fait son temps, comme l'annoncent depuis un certain temps les think tanks britanniques7 ? Sans anticiper sur une discussion sur laquelle on reviendra plus loin, on se limitera ici A trois remarques sur le diagnostic, qui devraient nous permettre de mieux traiter ces questions.
Premièrement, la crise que traverse actuellement la
construction européenne apparait ant tout comme une crise de la Commission. Les autres éléments du modèle communautaire ont été relativement épargnés. Les réformes des vingt dernières années ont progressivement élargi le champ du vote A la majorité qualifiée, tout en renforA§ant l'autorité du Parlement, et l'on n'a pas assisté A une levée de boucliers contre le - gouvernement des juges -. Naturellement, étant donné le rôle central de la Commission dans le système communautaire, son affaiblissement ne peut qu'avoir des répercussions considérables sur l'ensemble de la machine. Néanmoins, il est important de bien distinguer, tant sur le du diagnostic que sur celui des remèdes éventuels, le niveau de la Commission de celui de l'ensemble du - modèle communautaire.
Deuxièmement, la crise en question est-elle conjoncturelle ou structurelle ? Comme tous les pouvoirs publics, les institutions européennes voient souvent leur légitimité mise en cause en période de difficultés économiques. Rien n'interdit de penser que cela est le cas A l'heure actuelle et qu'une Commission plus en phase avec les attentes de la population pourrait retrouver un crédit important auprès de ses interlocuteurs institutionnels. Après tout, l'impopularité, mASme profonde, d'un Jacques Chirac ou d'un Gerhard Schrôder n'est pas nécessairement le signe d'une crise de régime. Néanmoins, au niveau européen, le nombre et la riété des indices plaident plutôt en faveur de la seconde thèse. Tout semble indiquer que la construction européenne a produit ses propres anticorps. A€ mesure que grandissait l'emprise de l'Europe sur les Etats et sur les sociétés européennes, ceux-ci ont réagi en remettant en cause un modèle dans lequel un grand nombre de choix politiques est confié A un petit nombre de responsables nationaux et européens. De lA les pressions qui ont abouti A la mise en place de contre-pouvoirs, par le canal des gouvernements nationaux ou du Parlement européen, et A l'exploration de nouvelles formes de légitimation, par le biais des Parlements nationaux ou d'un contrôle direct des citoyens. Ces demandes - diverses et partiellement contradictoires ' de renforcement des mécanismes de contrôle sur la décision politique européenne devront AStre prises en compte dans les réflexions sur l'avenir de l'Europe.
Enfin, quelles sont A ce niveau les implications de l'élargissement ? Celui-ci pose en effet une série de défis structurels A l'Union. Le passage de quinze A vingt-cinq membres, avec en prime la perspective d'adhésions supplémentaires A brève échéance, ne peut qu'alourdir un système institutionnel déjA passablement complexe ' et donc opaque. De surcroit, le subtil équilibre entre grands et petits états mis au point au cours des années 1950 est menacé puisque tous les nouveaux membres, A l'exception nole de la Pologne, entrent dans la catégorie des - moyens - et des - petits -. Si la difficulté concerne l'ensemble des institutions, elle revASt une importance particulière en ce qui concerne la Commission. La multiplication du nombre des acteurs ne fait qu'accroitre le besoin d'organes d'impulsion, de coordination et de contrôle, d'autant que l'élargissement aggrave considérablement l'hétérogénéité de l'Union européenne. Mais la concentration de pouvoirs aussi considérables dans les mains d'une seule institution n'est possible que si celle-ci apparait A la fois suffisamment représentative pour répondre aux attentes d'intérASts très différents, et suffisamment impartiale pour n'AStre la proie d'aucun d'entre eux. La synthèse entre ces exigences contradictoires était déjA ardue dans l'Europe des six pays fondateurs, elle est singulièrement plus complexe dans l'Union A vingt-cinq que nous connaissons aujourd'hui.
Ces questions ont été au centre des débats qui ont agité l'Europe au cours des dix dernières années. A Amsterdam d'abord, A Nice ensuite, les délégués des gouvernements des pays membres ont essayé d'apporter une réponse A ces différents problèmes ' sans grand succès, de l'aveu mASme des participants. De lA est née l'idée d'un exercice d'un nouveau genre. Pendant dix-huit mois, la convention sur l'avenir de l'Europe a réuni des délégués des parlements nationaux et du Parlement européen, en plus des représentants des gouvernements qui aient conduit les négociations antérieures. A€ l'issue de ses délibérations, la convention a adopté un projet de - traité ébssant une
constitution pour l'Europe -, qui comportait une série de réponses aux questions qui viennent d'AStre évoquées. C'est ce texte, légèrement remanié par les représentants des Etats-membres au cours d'une conférence intergouvernementale plus classique, qui a été soumis au peuple franA§ais, puis A celui des Pays-Bas, avec le succès que l'on sait. Ant d'examiner son contenu, il est cependant nécessaire d'aborder une question plus générale : pourquoi une constitution ?