Les avantages de la monnaie unique sont de différents ordres : commercial, financier, international et politique.
L'impact sur les échanges commerciaux
L'intérêt de l'euro comme monnaie unique se situe principalement sur le commercial, en supprimant les coûte de_conver-sion, en éliminant les risques de change et en farisant la transpa-rence.
Le premier avantage de la monnaie unique est, en effet, d'éliminer les coûts de conversion des monnaies les unes dans les autres. Une monnaie unique supprime tous les frais encourus par les entreprises et par les particuliers pour convertir une monnaie communautaire dans une autre. Les coûts de conversion comprennent les coûts externes, qui correspondent à des versements des entreprises aux intermédiaires financiers, et les coûts internes, assumés par les entreprises et qui tiennent à l'existence de plusieurs monnaies. Les économies qui peuvent être réalisées ont été estimées, par les services de la Commission, à plus de 15 milliards d'euros par an, soit 0,4 % du PIB communautaire. Mais la disparition des coûts de transaction doit être ée aux coûts d'adaptation qui sont toutefois des coûts transitoires.
Un autre avantage commercial fondamental tient à l'élimination de l'incertitude de changes. En effet, la variabilité exerce un effet néfaste sur le commerce, puisque les agents, réticents à prendre des risques, réduisent leur activité dans leur domaine si le risque s'accroit. Toute opération d'exportation fait courir un risque à l'exportateur, en raison du décalage existant entre la date de la conclusion du contrat et la date du paiement. L'exportateur peut éliminer ce risque en n'acceptant de conclure que des contrats libellés dans sa propre monnaie ; mais ce comportement ne fait Ijùe déplacer le risque vers l'importateur, et le moyen d'éliminer ce nouveau risque consiste à reçpjjrir aux
marchés à terme ; mais ces marchés ne permettent de couvrir, ni toutes les échéances (en particulier celles qui sont supérieures à un an), ni toutes les devises, ni tous les risques. La monnaie unique élimine radicalement cette incertitude. Bien évidemment, l'incertitude n'est réduite qu'à l'intérieur de la zone euro, elle reste intacte pour les rapports avec les monnaies tierces.
Enfin, l'utilisation d'une monnaie commune facilite les aisons internationales de prix et accentue la concurrence sur les marchés.
Les effets sur le système financier
En matière financière, la monnaie unique est génératrice d'économies d'échelle et permet d'éliminer les effets néfastes de la libre circulation des capitaux. D'une part, une monnaie unique farise la fusion des marchés des instruments financiers de même catégorie, ce qui permet aux entreprises et aux institutions financières de réduire certains coûts de gestion et qui rend les marchés plus larges, plus liquides et plus attractifs ; la monnaie unique élimine de nombreux obstacles à l'unicité et à la fluidité des marchés de capitaux, et farise ainsi la diffusion des innovations. Le
développement d'un système de paiements transfrontaliers (Target) constitue aussi un facteur farable à l'intégration des marchés financiers. D'autre part, les attaques spéculatives de 1992-l993 ont montré que, dans le cadre du SME, des parités fixes avec de faibles marges de fluctuation ne résistaient pas à une totale liberté de circulation : une attaque massive des spéculateurs contre une monnaie, même si les « fondamentaux » de celle-ci sont satisfaisants, aboutit à une remise en cause des parités et des gains pour les opérateurs. La monnaie unique supprime toute possibilité de spéculation entre monnaies européennes.
L'euro et les relations internationales
Pour ce qui est des relations internationales, les conséquences de l'union monétaire sont loin d'être négligeables. L'utilisation croissante de l'euro dans les transactions commerciales, comme instrument de facturation et comme monnaie de règlement, est de nature à réduire l'insilité induite par les variations du cours de dollar. La détention de l'euro par des non-résidents donne à la zone euro un droit de «seigneuriage » : celui-ci provient du
financement (des dépenses du « seigneur ») ou d'une
économie par émission de monnaie, par une dette non rémunérée ' ; le montant total des billets en écus qui seraient détenus en dehors de l'Europe est estimé à 35 milliards de dollars. La réallocation des portefeuilles financiers en faveur de titres en euros devrait permettre une baisse des taux d'intérêt : les capitaux attirés par la crédibilité de l'euroacceptëront une rémunération moindre. La disparition de besoin en réserves pour ce qui est des échanges intracommunautaires entrainera des économies de réserves. Enfin et surtout, l'avènement de l'euro devrait permettre des progrès dans la coordination monétaire internationale et, peut-être, dans la création d'un système monétaire international plus sle et mieux régulé.
Les effets bénéfiques sur les politiques économiques
Concernant les politiques économiques, l'union monétaire induit trois conséquences2 : elle fait disparaitre une forme de « contrainte extérieure » ; elle élimine la possibilité de dévaluation compétitive ; elle permet l'exercice d'une forme de souveraineté monétaire.
a) L'argument de la contrainte extérieure : pour un pays disposant d'une monnaie propre, un déficit de la balance des opérations courantes, non compensé par des entrées de capitaux à long terme, crée des tensions sur le
marché des changes qui se traduisent par une dépréciation de la monnaie, ou bien par une silité du taux de change, acquise grace à des interventions de la Banque centrale sur le marché des changes ou par des hausses de taux d'intérêt de nature à attirer les capitaux. Cette possibilité de déficit extérieur crée une forme de contrainte extérieure : une politique de relance peut aboutir à une dégradation du solde commercial et, partant, à des problèmes de change. Dans le cadre de l'union monétaire, disparaissent les balances de paiement nationales, les marchés des changes nationaux et donc une forme de contrainte extérieure. Une augmentation de la demande dans une économie nationale ne peut pas se traduire par une dégradation de la balance des paiements ni par une dépréciation du taux de change ; de plus, il n'est plus possible que des opérations spéculatives sur le marché des changes aboutissent à la désilisation d'une monnaie. On ne peut en déduire pour autant que disparait toute contrainte extérieure : pour le pays considéré, la contrainte monétaire devient une contrainte financière (ir annexe II) ; par ailleurs, cette contrainte se déplace de l'économie nationale à la zone euro qui subit toujours une contrainte extérieure, mais d'autant plus faible que la zone euro est large, et donc moins ouverte '.
bl La monnaie unique élimine - à l'intérieur de la zone euro - la possibilité de dévaluations ou de dépréciations compétitives, qui ont pour inconvénients de fausser la concurrence, de perturber les flux commerciaux et de semer la discorde entre les États membres.
cl Les pays européens - en dehors de l'Allemagne - récupèrent une forme de souveraineté monétaire : la libre circulation des capitaux a fait disparaitre les souverainetés monétaires nationales au profit du mark, monnaie européenne de fait ; la monnaie unique remet en cause cette domination et permet à tous les États membres de participer à une souveraineté partagée ; selon l'expression de J.-P. Fitoussi et P.-A. Muet, « mieux vaut copiloter un navire libre de son chemin que d'être seul à la barre d'un navire téléguidé par d'autres2 ».
Deux remarques pour conclure. D'une part, l'euro, au-delà de ses effets économiques, participe à la dynamique de la
construction européenne, et, impliquant des décisions de
politique économiques et donc des décisions politiques, il devrait créer des effets d'entrainement, des effets de spill over sur l'intégration communautaire." D autre part, la question des avantages de la monnaie unique suscite celle des coûts. Ils sont de deux ordres : des coûts, nécessairement transitoires, de passage à la monnaie unique, supportés par les entreprises, les institutions financières et les ménages; des coûts de régulation macroéconomique, les États perdant pour une part des instruments de régulation conjoncturelle (ir supra, I et II).