NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » ECONOMIE EUROPENEANA » Une harmonisation limitÉe des rÉglementations Les enjeux d'une réglementation commune de haut niveauSi une réglementation communautaire minimale est définie dans de nombreux domaines, elle reste, somme toute, limitée. Pourquoi ce refus implicite de création d'un espace social européen ? Non seulement parce que la Communauté rassemble des pays hétérogènes par leur niveau de développement et par leur législation nationale, mais aussi parce que la fixation d'un minimum social de haut niveau se heurte aux forces économiques et sociales qui y voient un facteur de coût et de rigidité. Cinq questions se posent concernant les fondements d'une telle politique. L'homogénéisation des statuts et des conditions de travail est-elle un facteur favorable A la mobilité du travail ? Est-ce un facteur favorable au dynamisme des entreprises ? Ses effets sur la spécialisation internationale sont-ils bénéfiques ? Quels en sont les impacts macroéconomiques ? Est-ce un moyen de lutte contre le dumping social ? a) L'argument selon lequel l'homogénéisation des statuts est un facteur de mobilité est un des moins convaincants. Selon le rapport Aubry, - la mise en place d'un marché unique ne pourra se faire sans un grand marché du travail. Celui-ci passe par l'élimination des barrières qui limitent encore l'exercice des libertés de circulation et d'élissement, mais celles-ci ne seront effectives que si les salariés ne peuvent se déplacer sans crainte pour leurs conditions de travail ou leur statut -. L'argument reprend la distinction entre liberté formelle et liberté réelle. La libre circulation des individus risque de n'AStre qu'une liberté formelle, si les salariés sont freinés dans leur volonté de déplacement par le risque de pertes d'avantages. L'affirmation d'un minimum social européen de haut niveau se justifierait, ainsi, par la volonté de créer un vérile marché sur lequel les individus seraient effectivement mobiles : les garanties données aux travailleurs sont considérées comme le corollaire d'un droit A la mobilité. En fait, cet argument ne doit pas masquer que, comme Adam Smith l'a montré, ce n'est pas la similarité mais la différence dans les situations qui est le moteur de la mobilité des travailleurs, les incitant A améliorer l'ensemble des avantages monétaires et extra-monétaires liés A un emploi : la mobilité est plus induite par les différences que par l'homogénéité. b) Le deuxième argument économique se réfère au dynamisme de l'entreprise. A€ l'inverse des libéraux, pour qui l'Europe sociale risque d'AStre source de rigidité et d'uniformité, d'autres soutiennent que le progrès social peut AStre un facteur de performance. A la différence de l'entreprise taylorienne, qui repose sur une obéissance passive des exécutants, l'entreprise aujourd'hui doit mobiliser les énergies et promouvoir l'amélioration des conditions de travail et de rémunération. Les performances économiques iraient de pair avec l'amélioration du statut des salariés. Ainsi, selon le rapport sur les coûts de la non-Europe (économie européenne, 1988, p. 178), - essentielle sera la capacité du management A utiliser ce nouveau contexte pour rendre les relations de travail moins conflictuelles, pour favoriser des processus de participation caractérisés par moins de hiérarchie, plus d'informations et de dialogues et, enfin, pour partager avec les travailleurs les gains de productivité résultant des efforts d'adaptation réalisés en commun -. En fait, cet argument a une portée d'autant plus limitée que, en période de fort chômage, le rapport de force, favorable aux employeurs, offre aux entreprises des moyens de pression sur les salariés sans qu'il soit nécessaire de recourir A une amélioration de leur situation. c) La troisième interrogation porte sur la relation entre l'existence d'un minimum social de haut niveau et la qualité de la spécialisation internationale de l'Europe et de ses composantes. Pour certains, l'espace social européen, en opérant un alignement sur le haut, aurait pour résultat de protéger les salariés des régions les plus riches et de se retourner contre les salariés des régions les plus paues, qui ne pourraient plus bénéficier de l'- avantage atif - que leur donne leur paueté ! En effet, la notion d'espace social européen, qui est soutenue avec plus de vigueur par les salariés des pays riches que par ceux des pays du Sud de la Communauté, pose ainsi un problème de stratégie de développement hier et aujourd'hui des pays du Sud (Grèce, Esne et Portugal) et demain des pays de l'Europe centrale et orientale (PECO). Selon un rapport de la Commission ', deux scénarios de développement sont possibles pour les pays du Sud de l'Europe. Selon un - scénario interindustriel -, les pays du Sud se développent en fonction de leurs avantages atifs, c'est-A -dire dans les industries - intensives en main-d'œue non qualifiée telles que les chaussures et l'habillement -, ce qui pourrait favoriser des délocalisations Nord-Sud ; cette stratégie comporte cependant des limites, en raison de la concurrence potentielle des pays en voie de développement : les coûts du travail sont cinq fois plus faibles en Inde qu'au Portugal. Toutefois, le scénario alternatif, le développement - intra-branche -, qui suppose que les pays du Sud de l'Europe développent des spécialisations analogues A celles des pays du Nord, exige un renforcement du capital humain et technique de ces pays. Il apparait clairement que l'espace social européen, pour ne pas engendrer une dégradation de la situation des salariés des pays du Sud de l'Europe, doit s'accomner d'une stratégie d'industrialisation et de transfert technologique A destination des pays du Sud. d) La quatrième question est celle des effets macroéconomiques d'une homogénéisation des règles sociales. D'un côté, l'analyse libérale voit dans l'existence d'un minimum social de niveau élevé un facteur d'augmentation de coût, de perte de compétitivité et de pression sur l'emploi. Au contraire, les analyses d'inspiration keyné-sienne considèrent que l'amélioration de la situation des travailleurs exerce un effet favorable sur la demande interne et pousse A la recherche d'une compétitivité reposant plus sur la qualité et la compétence des travailleurs que sur la compression des coûts. e) Le fondement le plus pertinent de l'Europe sociale se situe du côté de la lutte contre le - dumping social -, la surenchère pour assouplir les conditions de travail et de rémunération des salariés. Trois conditions sont nécessaires pour qu'il y ait une concurrence entre les travailleurs et donc un - dumping social - qui se traduise, soit par la délocalisation effective des entreprises, soit par une menace de délocalisation qui favorise une forme de concurrence entre les réglementations. D'une part, les entreprises doivent pouvoir librement se déplacer et rapatrier leurs profits, ce qui suppose le libre élissement et la libre circulation des capitaux. D'autre part, elles doivent pouvoir distribuer les produits A partir du centre de production délocalisé, ce qui implique la libre circulation des produits. Enfin, la main-d'œue doit AStre faiblement mobile, sinon les travailleurs des zones défavorisées se déplaceraient vers les zones mieux rémunérées, ce qui supprimerait l'avantage de la délocalisation. La délocalisation possible des entreprises limite les marges de manœue de chaque pays en matière de réglementation sociale et les incite A un alignement sur la réglementation la plus favorable aux entreprises. Les acteurs du dumping social sont ainsi les entreprises, lorsqu'elles se délocalisent ou lorsqu'elles font un chantage A la délocalisation, les syndicats lorsqu'ils négocient des accords de nature A attirer des entreprises, les états lorsqu'ils modifient la réglementation sociale pour la rendre plus favorable A des investissements étrangers. Le risque est donc double : des délocalisations au détriment de certaines régions et une course au - moins disant -, entrainant une régression de la situation des salariés. L'Europe sociale a donc, dans cette perspective, vocation A définir une protection minimale de nature A dissuader ce dumping et A éviter une harmonisation vers le bas. L'harmonisation des règles du jeu en matière sociale constitue la meilleure parade au dumping social. On imagine les difficultés de la tache : la délocalisation est d'autant mieux prévenue que l'alignement est réalisé - vers le haut -, ce qui risquerait de fragiliser les pays les plus paues. |
||||
Privacy - Conditions d'utilisation |