On distingue le contrôle des pratiques qui faussent le jeu de la concurrence, comportements collectifs d'entente et abus de position dominante, et la surillance, plus prénti, en amont, des processus qui peunt conduire à la constitution d'acteurs faussant le jeu de la concurrence.
Du point de vue conceptuel, l'analyse
économique montre qu'une entente englobant tous les acteurs a les mêmes effets négatifs qu'un monopole :
les prix sont plus élevés, les quantités échangées plus faibles, d'où résultent un transfert des consommateurs rs les producteurs et une perte nette pour l'économie. Au-delà de ce cadre restrictif, les conclusions usuelles de l'analyse
économique sont les suivantes : a) plus les barrières à l'entrée sont élevées, plus les effets négatifs sont forts ; b) dans une situation oligopolistique, la
concurrence hors prix (concurrence de produits par la différenciation) peut être génératrice de gaspillage ; c) l'absence de concurrence peut favoriser des situations d'« inefficience X » ; d) les effets de l'oligopole sur l'innovation sont ambigus. Enfin, ces accords nuisent à l'intégration des
marchés et tendent à restreindre le commerce entre les États membres.
Le système engendré par l'article 81 (ex art. 85) repose sur une interdiction et un système de dérogations.
D'une part, le dispositif aboutit à une interdiction des ententes et pas seulement à une prohibition des abus. « Sont incompatibles ac le
marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun », en particulier : a) en fixant les prix ; b) en limitant ou en contrôlant la production, les débouchés, les instissements ou le déloppement technique ; c) en répartissant les
marchés ou les sources d'approvisionnement ; d) en appliquant des pratiques discriminatoires ; é) en imposant aux partenaires des prestations supplémentaires n'ayant pas de rapport ac l'objet des contrats.
Les pratiques interdites peunt ainsi prendre la forme d'ententes horizontales - accords de fixation de prix en commun ou de partage des
marchés - ou d'accords rticaux comprenant, en particulier, des clauses discriminatoires ou des interdictions d'importations. Toutefois, comme non seulement les accords formels sont interdits, mais aussi les pratiques concertées, la charge de la preu en la matière n'est pas toujours évidente à administrer, et la Commission a pu considérer la simultanéité des ajustements de prix comme un indice de collusion.
D'autre part, le dispositif comporte un système de dérogations : la politique de concurrence n'empêche pas les accords et les pratiques concertées qui « contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équile du profit qui en résulte et sans : a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ; b) donner à ces entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d'éliminer la concurrence » (art. 81, ex art. 85).
On considère donc que peunt être acceptés certains accords parce qu'ils permettent un progrès ; en d'autres termes, l'objectif est le bon fonctionnement du système économique, et la concurrence est un moyen de réaliser cet objectif qui peut être aussi poursuivi par d'autres biais, moins respectueux des canons concurrentiels. Cette conception souple de la politique concurrentielle est toutefois fortement balisée, puisque trois conditions sont posées à cette possibilité de s'affranchir des règles concurrentielles :
- le bénéfice ne doit pas être accaparé par le producteur mais doit être partagé ac les acheteurs ;
- il ne doit pas exister d'autre moyen d'obtenir ce progrès qu'une entorse à la concurrence ; en d'autres termes, il ne suffit pas de montrer que l'entra à la concurrence est un moyen d'obtention d'un gain, encore faut-il apporter la preu que c'est le seul (principe classique de proportionnalité) ;
-la concurrence peut être atténuée, mais elle ne doit pas être totalement éliminée.
Cette possibilité de dérogation aux règles de l'article 81.1 (ex art. 85.1) a été maintes fois utilisée. Ainsi des ententes qui visaient la réduction de capacités de production excédentaires dans le secteur de la chimie ou bien l'installation d'entreprises dans le Sud du Portugal n'ont pas été jugées illégales. Surtout, l'article 81.3 (ex 85.3) a donné naissance à des « exemptions en bloc », non pour des ententes particulières, mais pour des types d'ententes, en particulier dans le domaine de la recherche et du déloppement. Ainsi, un règlement de 1984 ' prévoit de larges dérogations pour les accords de recherche et déloppement qui peunt comporter des clauses telles que l'interdiction de poursuivre des recherches indépendantes, ou de conclure ac des tiers des formes de coopération de recherche sur le domaine de l'accord. De même, certaines exemptions en bloc existent en matière de propriété intellectuelle pour les licences, de brets, et en particulier accordées pour la
coopération scientifique entre les firmes. La Commission réprime les ententes et inflige des amendes dissuasis, mais elle encourage la coopération entre firmes européennes.
À plusieurs reprises, la Commission européenne s'est attaquée à la formation de sectiunels entravant le fonctionnement du marché commun. Ainsi, en nombre 2001, la Commission statue sur l'un des plus grands sectiunels de l'industrie pharmaceutique. Grace aux aux du groupe français Antis, Bruxelles a démantelé un sectiunel qui perdurait depuis une dizaine d'années. Cette entente se composait d'entreprises de nationalités différentes : suisse (Roche, 50 % du marché mondial des vitamines, 462 millions d'euros d'amendes) allemande (BASF, 20 % du marché, 296 millions d'euros), française ou encore japonaise. La Commission européenne a sévèrement condamné cette entente en infligeant la plus forte amende (855 millions d'euros). Selon Mario Monti, « il s'agit de la série d'ententes la plus préjudiciable sur laquelle la Commission ait jamais enquêté : elle couvre en effet toute une gamme de vitamines que l'on retrou dans une multitude de produits allant des céréales, biscuits et* autres produits alimentaires aux produits pharmaceutiques et cosmétiques en passant par les aliments pour animaux Du fait de leur comportement collusoire, les entreprises ont pu appliquer
des prix supérieurs à ceux qu'elles auraient pu appliquer si le jeu de la concurrence avait été respecté, ce qui a porté préjudice aux consommateurs et a permis à ces sociétés d'empocher des profits illicites. Il est particulièrement inacceple que ce comportement ait concerné des substances vitales pour la nutrition2 ». C'est une façon de dissuader les entreprises à former d'autres sectiunels. Afin de lutter contre l'existence de ces sectiunels, la Commission est plus indulgente face aux entreprises qui dénoncent des ententes auxquelles elle participe. C'est pour cela que le groupe Antis a bénéficié d'une immunité totale pour avoir aidé au démantèlement du sectiunel. Ainsi, tout comme aux États-Unis, l'Union européenne encourage les dénonciations d'ententes en accordant l'immunité aux entreprises dénonciatrices si elles ne sont pas les leaders.
En cas de sanction financière, les entreprises concernées ont la possibilité de faire appel auprès de
la Cour européenne de justice dans un délai de deux mois et dix jours. En 1998, la Commission européenne avait reproché au groupe Volkswagen d'entrar la libre concurrence en appliquant des menaces contraignant la réimportation de véhicules d'Italie. L'amende décidée par la Commission européenne a été revue à la baisse par la Cour européenne de justice.
En 2001, Daimler-Chrysler est sanctionné pour entra aux règles de concurrence, et le groupe est condamné à une amende qui s'élè à 72 millions d'euros. Selon la Commission européenne, Daimler-Chrysler exerce un contrôle abusif sur son réseau
de distribution Mercedes. Une garantie de 15 % est exigée pour les acheteurs étrangers pour une commande passée en Allemagne. Par ailleurs, le groupe a participé à une entente sur les prix en Belgique. Suite à ces accusations, Daimler-Chrysler souhaite faire appel auprès de la Cour de justice européenne. De façon plus générale, la Commission remet en cause les pratiques d'exclusivité propres à la distribution des automobiles et décide, en février 2002, d'une dérégulation partielle de la distribution automobile.
Les abus de position dominante (art. 82)
Selon l'article 82 (ex art. 86), « est incompatible ac le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusi une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ». L'article évoque, ensuite, de façon non exhausti, des pratiques abusis (qui reprennent quatre des cinq pratiques citées dans l'article 81.1, ex art. 85.1) : a) la fixation de prix non équiles ; b) la limitation ou le contrôle de la production, des débouchés ou du déloppement technique au détriment du consommateur ; c) la mise en œuvre de pratiques discriminatoires ; d) l'obligation faite aux partenaires de prestations supplémentaires n'ayant pas de rapport ac l'objet des contrats. Ce sont les abus et non les positions dominantes qui sont interdits ; de surcroit, ces pratiques doint affecter les échanges entre États membres. À la différence de la législation américaine, la Communauté n'interdit pas le monopole ou la situation dominante, mais seulement l'exploitation abusi qui peut en être faite.
L'
entreprise qui possède une puissance économique lui donne « le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effecti sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses
clients et finalement des consommateurs » (arrêt United Brands de février 1978). Pour déterminer si une entreprise est en situation de position dominante, on tient compte de la part de marché qu'elle détient et de facteurs tels que la puissance économique des concurrents, l'existence d'une concurrence latente ainsi que l'accès aux ressources et à la technologie. Parmi les abus sanctionnés, on peut évoquer des prix ou des conditions de transactions non équiles {United Brands), la discrimination géographique (United Brands), les primes de fidélité qui empêchent les clients d'obtenir des livraisons de la part de fournisseurs concurrents (sucre), des pratiques de prix différents à l'égard de clients semblables (sucre), des prix éliminatoires ou faibles visant à éliminer un concurrent (AZCO), des refus de livraison injustifiés risquant d'éliminer toute concurrence, des limitations des débouchés, des refus de nte, des pratiques discriminatoires, des prix non équiles
Du point de vue théorique, on peut distinguer les approches traditionnelles qui s'intéressent aux parts de marché et l'approche de la théorie des marchés contesles, qui privilégient la libre entrée sur le marché. Ainsi, selon J. Pelkmans (1997), l'article 82 (ex art. 86) vise les comportements mais se réfère, en fait, aux parts de marché et donc aux structures de marché, ce qui n'est pas sans rapport ac l'analyse dite « SCP » (Structure, Comportement, Performance) qui relie les comportements aux structures. D'une certaine façon, cet article 82 est conforme à l'analyse traditionnelle qui voit, dans toute part de marché prépondérante, un effet de domination. L'analyse en termes de marchés contesles est radicalement différente : ce n'est pas la part de marché qui exprime une domination, mais sa plus ou moins grande « contesilité ». La proposition de base de la théorie des marchés contesles ' est, en effet, la suivante : une entreprise, en situation de monopole sur un marché, mais menacée par la possible entrée de concurrents, n'a pas intérêt à faire des superprofits qui attireraient ces entrants potentiels ; un monopole contesle, à la différence d'un monopole non contesle, ne fait pas de superprofits. En l'absence de barrières à l'entrée, les entreprises qui entrent sur le marché menacent l'entreprise en place et la contraignent à partager ses profits et à baisser ses prix. La condition pour qu'existe une position dominante, ce sont les barrières à l'entrée. Les politiques de concurrence, plutôt que de rechercher un mythique marché de concurrence pure et parfaite, respectant l'hypothèse d'atomicité, doint s'assurer simplement de l'existence d'une libre entrée sur le marché. Les barrières à l'entrée sont liées à des économies d'échelle, à des différenciations de produits et/ou à des licences et des brets. Un marché est contesle si les instissements nécessaires pour entrer sur le marché sont « récupérables » ; en revanche, s'il s'agit de coûts « non récupérables » (sunk), il existe une barrière à la sortie, qui est aussi une barrière à l'entrée. Par ailleurs, le degré de contesilité du marché dépend de la capacité de réaction de l'entreprise en place qui peut mener une guerre des prix ou toute autre
stratégie dissua-si à l'égard des entrants potentiels. Si l'on prend en compte l'ensemble des
stratégies des entreprises et pas seulement celles qui touchent la fixation des prix, on aboutit à une autre conception de la notion de position dominante dans un contexte de plus ou moins grande contesilité, mais il est alors plus difficile de séparer la position dominante de son abus.
Dans les faits, la Commission s'est également attaquée à des grandes firmes non européennes comme, par exemple, le géant de l'informatique Microsoft. En effet, certaines pratiques commerciales de ce groupe américain ont été condamnées par la Commission européenne. En juin 1998, Microsoft a été accusé d'étendre sa position dominante concernant ses systèmes d'exploitation : le poste de
travail de Windows 2000 fonctionne mal ac les serurs des concurrents en informatique ; Mediaplayer a été intégré illégalement dans le système d'exploitation bloquant par là la concurrence ; enfin, le groupe est également accusé de faire obstruction à l'enquête.
Le contrôle des concentrations (règlement de 1989)
A la fin des années 1980, alors que le marché unique tend à favoriser les opérations de concentration, l'Europe est démunie d'un instrument permettant de suriller le processus de concentration lui-même : comme les articles 81 et 82 (ex art. 85 et 86) ne permettent pas de contrôler les modifications structurelles, seuls les comportements faussant le jeu de la concurrence sont sanctionnés '. Le contrôle des concentrations repose sur une idée relatiment simple : les entorses au jeu du marché doint être appréhendées en amont, au moment de l'émergence de noulles structures, d'où une différence fondamentale entre le contrôle des comportements considérés comme illicites (art. 85 et 86) et le contrôle des structures qui sanctionne une présomption de comportement illicite.
Le règlement de 1989 met en place un contrôle communautaire a priori des concentrations et des fusions d'entreprises importantes. Doint être autorisées par la Commission européenne les opérations de « dimensions communautaires », qui remplissent trois conditions concomitantes :
- le chiffre d'affaires total réalisé sur le mondial par toutes les entreprises concernées doit dépasser 5 milliards d'euros. Ce premier critère est un critère de taille et on peut être surpris que la taille soit définie par le chiffre d'affaires global de la firme et non par sa part de marché sur* un marché particulier : une opération peut menacer la concurrence sur un marché spécifique par la taille relati des partenaires sans que leur taille globale soit élevée ;
- le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux entreprises doit représenter un montant supérieur à 250 millions d'euros ;
- chacune des entreprises ne doit pas réaliser plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même État membre.
Un règlement du 30 juin 1997 a modifié le règlement de 1989 en fixant de nouaux seuils qui complètent les précédents et qui devraient engendrer une hausse de 20 % du nombre d'affaires : une concentration peut aussi être de dimension communautaire, si elle remplit de façon cumulati quatre critères dont les deux plus importants sont un chiffre d'affaires mondial de 2,5 milliards d'euros et 100 millions d'euros dans au moins trois États membres par les mêmes entreprises.
Pour donner satisfaction aux Allemands qui souhaitaient maintenir le rôle de leur instance nationale, le Conseil national des sectiunels, il a été décidé que la Commission peut renvoyer aux autorités nationales une décision d'interdire ou d'autoriser une concentration qui serait en principe du ressort de la Commission ; il faut toutefois que la concurrence soit affectée sur un marché local ou national. De plus, la Commission peut internir dans un État membre à la demande de celui-ci, au-dessous du seuil de 5 milliards d'euros, pour évaluer si une concentration transnationale n'entra pas la concurrence.
La procédure est donc la suivante : le projet de concentration doit être notifié à l'exécutif communautaire dans un délai d'une semaine à compter de la conclusion de l'accord. Si la Commission estime que l'opération ne pose pas de problèmes gras, elle la déclare compatible ou elle l'assortit de conditions. Si elle estime que la décision projetée risque de porter atteinte à la concurrence, elle engage une procédure d'enquête et sa décision doit internir dans un délai maximal de quatre mois. La procédure crée donc un « guichet unique », ce qui présente un double avantage : la garantie d'un contrôle identique pesant sur les différentes entreprises européennes et une réduction des risques juridiques et des coûts de transactions.
Le contrôle des concentrations pose, en des termes analogues, le problème du conflit concentration/concurrence : d'un côté, la disparition des entras à la circulation des marchandises favorise les économies d'échelle et les opérations de concentration, mais la concentration peut exercer un effet défavorable sur la concurrence effecti qui exerce une pression sur les coûts compétitifs et sur l'innovation.
Les effets dépendent des caractéristiques du secteur : les inconvénients de la concentration sont d'autant plus faibles que la demande s'accroit rapidement, que le progrès technique est intense et que le marché est ourt. Il faut donc tenir compte des barrières à l'entrée (menace de nouaux entrants, des parts de marché, puissance des concurrents restants), de la dynamique du marché (concurrence potentielle, menace de la substitution des biens ou des services, rapports de force par rapport aux fournisseurs et aux clients). L'opération de concentration est interdite si elle tend à entrar de façon importante la concurrence, ce qui se mesure sur un marché particulier à partir des rapports de force entre entreprises concurrentes, entre concurrents et fournisseurs et par rapport à la contesilité du marché. La première étape de la procédure consiste dans la détermination du marché pertinent des produits, à partir de critères de substituabilité (tous les produits estimés interchangeables du point de vue de l'acheteur), de conditions de la concurrence (essentiellement les conditions de distribution des produits) et du marché géographique. Dans un second temps, la Commission apprécie en général : a) la position sur le marché de la noulle entité résultant de l'opération de concentration ; b) la structure de l'offre et la puissance des autres concurrents ; c) la structure de la demande et la puissance d'achat des clients ; d) la concurrence potentielle par les possibilités d'entrée de nouaux concurrents ou les possibilités d'accroissement des capacités des concurrents existants.
La question fondamentale est celle de la prise en compte éntuelle du « bilan économique » d'une opération pour juger de sa légitimité. On retrou le clivage entre ceux qui ont une conception absolue de la concurrence et qui sont hostiles à un tel bilan («à défaut d'une concurrence effecti, il n'y a plus de garantie que les gains d'efficacité résultant des concentrations soient effectiment réalisés sur une base durable et partagés équilement ac les consommateurs ' ») et ceux qui préconisent une vision plus offensi dans laquelle s'inscrirait une politique de contrôle des concentrations qui viserait à créer des « champions » à l'abri de la concurrence : il est rationnel de favoriser des champions nationaux dans un contexte de concurrence internationale. Mais la politique européenne considère que la concurrence effecti sur le marché intérieur est une pré-condition d'une plus grande compétitivité internationale, qui ne prend pas en compte le bilan de l'opération de concentration et se réfère exclusiment à la concurrence en soi. Le règlement prévoit, dans son article 2, que la Commission tient compte, dans son appréciation, « de l'évolution du progrès technique et économique, pour autant que celui-ci soit à l'avantage des consommateurs et ne constitue pas un obstacle à la concurrence ».
Un gain d'efficience (en termes d'économies d'échelle, d'innovation..-) qui ne profiterait pas directement au consommateur ne peut être pris en compte. À la différence de l'article 81 (ex art. 85), qui effectue un bilan global des effets de l'opération sur la concurrence et sur l'efficience, le règlement privilégie le seul impact sur la concurrence et relè plus d'une logique de recherche de la concurrence que de recherche de l'efficience '. Cela est d'autant plus discule qu'une opération de concentration peut engendrer une amélioration de l'efficience en permettant la réalisation d'économies d'échelle.
Dans les faits, les interdictions sont rares et, dans 10 % des cas, la Commission soumet les concentrations à des conditions particulières. À la fin de 1991, la Commission oppose un refus, pour des raisons d'entra à la concurrence, au projet de rachat du constructeur canadien De Havilland par l'Aérospatiale (entreprise française) et Alénia (entreprise italienne) qui aurait permis à ces entreprises d'obtenir la moitié du marché mondial et les deux tiers du marché européen de la construction des avions de transport régional. En 1992, la fusion Nestlé-Perrier a été autorisée sous conditions.
La fusion de Vindi, Canal + et Seagram, réalisée au cours de l'année 2000, concerne trois grands acteurs sur le marché mondial de
la communication. Le 13 octobre 2000, la Commission européenne autorise la fusion, sous conditions, donnant ainsi naissance au deuxième groupe mondial de la communication : Vindi Unirsal. Cependant, la Commission a estimé que les droits cinématographiques initiaux cédés à Canal + affecteraient le marché dans la mesure où ceux-ci procureraient une position dominante au groupe dans le cinéma. Pour donner son avis sur la fusion, la Commission dispose de deux procédures : soit elle l'autorise, soit elle décide de procéder à une enquête plus approfondie sur les conséquences de la fusion. Afin de ne pas favoriser la position dominante de Canal +, la Commission a engagé une enquête approfondie, poussant ainsi le groupe à faire de noulles propositions garantissant qu'il n'y aura pas d'abus de position dominante. La Commission a donné son feu rt sous trois conditions. Premièrement, Vindi doit renoncer à la part détenue dans le bouquet satellitaire BskyB. Deuxièmement, l'usage des catalogues musicaux d'Unirsal Music ne sera pas réservé exclusiment au portail Vizzavi dont le contrôle est partagé entre Vindi et Voda-phone. Aucune discrimination et aucun changement de tarifs ne seront faits à l'égard des autres portails souhaitant utiliser ce catalogue. Enfin, la Commission a exigé de la part de Vindi Unirsal que les droits cinématographiques soient réservés à hauteur de 50 % aux concurrents de Canal + afin d'éviter tout abus de position dominante. Cette fusion est un moyen de répondre au regroupement de AOL et Time Warner '.
Au cours de cette même année en février 2000, la Commission européenne a autorisé la fusion des deux géants du pétrole Total-Fina et Elf sous certaines conditions visant à éviter l'élimination de la concurrence sur des marchés spécifiques. Le nouau groupe, qui aurait eu les deux tiers des stations-service sur les autoroutes, marché spécifique aux prix élevés, a dû renoncer à soixante-dix stations-service sur les deux cent quatorze dont il disposait. Le projet initial renforçait la position du nouau groupe lui permettant ainsi de représenter 55 % des capacités de raffinage et de contrôler les dépôts d'importation français. Pour que la fusion soit autorisée, le groupe a dû renoncer au contrôle de ces dépôts qui alimentent le réseau d'oléoducs, l'objectif étant de préserr, en aval, au niau de la nte de détail de carburant et de fioul domestique, la possibilité pour les concurrents de ne pas être prisonniers d'un seul fournisseur. Par ailleurs, sur le marché, Elf Antargaz doit être cédé afin d'éviter tout risque de contrôle des prix, d'élimination de la concurrence.
En l'espace de dix ans, une dizaine de fusions ont été refusées par la Commission européenne. Depuis 2000, la Commission a fait sentir un durcissement de sa politique de concurrence en interdisant quatre fusions sur une courte période (un an et demi). Ce durcissement serait justifié, aux yeux de certains, par le niau élevé de la concentration sur les marchés.
À la fin 2001, Schneider et Legrand, deux grands géants français dans le secteur d'équipements électroniques, ont déposé devant la Commission européenne un projet de fusion. Selon la procédure habituelle, Bruxelles a choisi de suspendre la fusion afin de mener une enquête approfondie. Pour obtenir un avis favorable, Schneider envisageait de céder 400 millions d'euros d'activité. À l'issue de la phase de l'enquête approfondie, le commissaire chargé de la concurrence, Mario Monti, s'est opposé au projet le 10 octobre 2001 . Selon lui, cette fusion conduirait à une situation d'abus de position dominante. Ce refus a mis en péril la survie des deux entreprises. En effet, Schneider, n'ayant pas attendu l'avis de la Commission, avait déjà procédé à une opération publique d'échange et avait acquis 98 % du
capital de Legrand. Le délai imparti pour rendre ces titres déjà acquis étant court, Schneider pouvait faire l'objet d'une offre publique d'achat par son principal concurrent. Par ailleurs, cette fusion a soulevé des questions sur les procédures de la Commission européenne pour juger de la viabilité ou non d'un projet de fusion.
En nombre 2001, la Commission a interdit à nouau une fusion. Cette dernière concernait deux entreprises de l'emballage, Tetra Laval (groupe suisse d'origine suédoise, détenteur de 80 % du marché des emballages en carton en Europe) et Sidel (entreprise française produisant des machines à souffler les bouteilles en plastiques). Ce regroupement aurait eu pour conséquence de renforcer une position dominante, d'autant que, d'ici 2005, les emballages en carton et en plastique seraient substituables, argument contesté par le ministère français de l'Économie et des Finances. Au moment du refus de la fusion, le groupe Tetra Laval détenait déjà 94 % du capital du groupe français. Cela place ce dernier dans une position fort peu conforle. En effet, certaines entreprises commencent à acheter des actions en vue des projets de fusion qu'elles déposent devant la Commission européenne sans attendre le feu rt de celle-ci. En cas de refus, ces entreprises se retrount dans des situations délicates '.
Les interntions de la Commission européenne s'étendent également aux projets de fusions d'entreprises non européennes dans la mesure où elles peunt avoir des conséquences sur le marché européen. L'affaire Mac Donnel Douglas Boeing confirme que l'Union européenne peut être compétente pour juger de la légalité d'une opération de concentration concernant deux entreprises extracommunautaires, si l'opération de concentration affecte le marché communautaire : après les menaces du président Bill Clinton d'une guerre commerciale en cas de refus, la Commission a exigé des concessions qui peunt paraitre mineures (séparation des entreprises durant dix ans et annulation des contrats d'exclusivité ac les comnies de transport aérien) et a autorisé l'opération.
En juillet 2001, la Commission européenne oppose pour la première fois son to à une fusion américaine. General Electric, dont le chiffre d'affaires est de 130 milliards de dollars, et Honeywell avaient pour objectif de fusionner. Leurs positions sur le marché européen et le niau de leur chiffre d'affaires mondial donnent la possibilité à la Commission de statuer sur la possibilité ou non d'autoriser l'opération de fusion entre ces deux géants. Les interntions du président George Bush et du président de la Commission du commerce du Sénat américain Ernest Hollings concernant l'anir des relations commerciales entre les États-Unis et l'Union européenne, n'ont pas suffi cette fois-ci à convaincre la Commission européenne d'autoriser le projet de rapprochement des deux groupes. En effet, cette dernière a estimé que la fusion aurait des impacts trop lourds pouvant leur procurer une position dominante. Chacune des entreprises possède déjà une forte position sur des marchés parallèles. Un rapprochement aurait eu des effets négatifs pour le consommateur concernant la qualité des produits, du service et les prix. Par ailleurs, le groupe Honeywell pourrait imposer aux comnies aériennes leur moteurs d'avions. Cette décision de la Commission européenne ne sera donc pas sans conséquence sur les relations commerciales entre les Quinze et les États-Unis.
La politique de contrôle des fusions par la Commission fait l'objet de critiques, critiques qui deviennent particulièrement vis en 2001 '.
-La première reproche à la Commission d'empêcher l'émergence de champions nationaux, européens de nature à affronter les concurrents tiers. Mario Monti répond à cet argument par un postulat, certes discule : « La meilleure manière d'avoir des entreprises compétitis en Europe, c'est d'avoir un environnement concurrentiel. »
- La deuxième critique porte sur l'utilisation de la théorie dite « du portefeuille » invoquée par la Commission selon laquelle un groupe ayant des produits dirsifiés utilise sa position dominante sur un marché pour forcer les achats sur d'autres produits. Cette attitude met en cause nombre de fusions de type conglomérai.
- La troisième critique porte sur l'approche plus nationale que mondiale de l'analyse des positions dominantes : la fusion Scania-Volvo a été refusée parce qu'elle menacerait le marché du poids lourd en Scandinavie et celle de Schneider Legrand à cause des positions dominantes en France ou en Italie. Au nom de positions dominantes locales, on risque de bloquer l'émergence d'entreprises compétitis ; les pays Scandinas dont les marchés initiaux sont étroits, considèrent qu'ils sont victimes d'une discrimination les empêchant de créer des champions.
- La quatrième critique porte sur la nature même de la décision, ée à celle qui est en vigueur outre-Atlantique. En Europe, on autorise les fusions ; aux États-Unis, on ne les interdit pas. Les autorités américaines peunt ainsi avoir une attitude plus attentiste et plus souple que celle de l'Union européenne : elles n'interdisent pas les fusions dans un premier temps, quitte à sanctionner ultérieurement des positions dominantes. La Fédéral Trade Commission a ainsi moins tendance à condamner les projets de fusion à l'origine que les abus de position dominante consécutifs à des rapprochements entre des entreprises. La Commission européenne, quant à elle, donne ou non le droit de réaliser un projet de fusion. Il lui est donc plus difficile de renir en arrière sur un avis favorable en cas d'abus de position dominante.
- Selon la cinquième critique, la politique américaine parait plus favorable aux concentrations que celle de l'Union européenne. De façon schématique, on a pu dire que l'Union européenne protégeait la concurrence, alors que les États-Unis privilégient le consommateur. Si, pour la théorie classique, protection du consommateur et concurrence vont nécessairement de pair, dans la réalité industrielle, il peut exister des conflits. Supposons une opération de concentration qui aboutit simultanément à la disparition ou à l'affaiblissement de concurrents et à des économies d'échelle qui permettent au groupe concerné de produire moins cher : la défense de la concurrence incite à interdire la concentration parce qu'elle affaiblit la concurrence et les concurrents, alors que la défense du consommateur l'autorise, au nom des effets bénéfiques sur le consommateur. C'est ainsi que la fusion General Electric-Hon-neywell a été interdite en Europe, au nom de la part de marché trop forte, alors qu'elle avait été autorisée aux États-Unis en raison des économies d'échelle induites ' : ce sont les abus de position dominante et non les positions dominantes qui sont sanctionnés aux États-Unis. Dans la procédure, les plaintes et les arguments des concurrents, victimes potentielles de la fusion, sont plus écoutés en Europe qu'outre-Atlantique 2.
- Le sixième argument, qui synthétise des arguments précédents, consiste à reprocher à la Commission d'être trop focalisée sur les parts de marché, au détriment des autres critères.
- Enfin, il est reproché à la Commission de favoriser les reprises par des groupes extra-européens en freinant les fusions européennes. Ce à quoi Mario Monti répond que « la politique européenne ne doit pas faire de discrimination vis-à-vis des groupes non européens Si elle devait le faire, nous perdrions notre crédibilité dans les cas où nous sommes appelés à nous prononcer sur des opérations ac des parties non européennes ».