NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » LOI GéNéRALE » Le concept de droit L'esprit et la lettreLe droit est tributaire, dans son existence mASme, de la capacité A AStre écrit. C'est dans la pierre que les premiers commandements de Dieu furent gravés. En passant de la tradition orale A l'écriture, les lois ont changé de statut : si Antigone est porteuse d'une loi que sa seule conscience suffit A garantir, Créon a besoin, lui, de s'appuyer sur une loi que la cité tout entière cautionne. Le droit s'installe et se pose dans l'écriture. Il se dit non plus A la manière d'un oracle mystérieux dont il faudrait saisir le sens dans l'intuition immédiate de son audition mais dans une écriture qui appelle un trail de lecture et de déchiffrement. - Puis donc, qu'on nous permet, de prendre, Haleine, et que l'on nous défend, de nous, étendre, Je is, sans rien obmettre et sans prériquer, Compendieusement énoncer, expliquer, Exposer, A vos yeux, l'idée universelle De ma cause, et des faits, renfermées, en icelle.- La réaction de l'opinion en face d'un langage juridique hermétique se comprend d'autant mieux qu'un tel langage apparait comme la confiscation par des intérASts privés d'une propriété non seulement publique mais universelle en son essence. Si un droit n'existe qu'en tant qu'il est effectivement exercé, comme le rappelle Hegel, il ne peut l'AStre qu'A partir du moment où il est pensé et par conséquent compris. Rendre le droit simple et populaire dans son expression, ce n'est pas le "vulgariser", c'est réaliser sa destination universelle. Mais la simplicité ne saurait se confondre avec une réduction au formalisme, comme si le droit, insouciant de sa propre réalité substantielle, se bornait A juger des apparences, assuré qu'il serait que la seule conformité A la loi détermine ce qui est juste. Le risque du formalisme que court le droit se retrouve lA encore dans la parodie que propose Racine de la procédure ou de ce que l'on appelle parfois le goût de la chicane : il y a un engrenage inhérent au droit qui conduit A "poursuivre" indéfiniment sans jamais atteindre une décision équile. Parce qu'il n'y a pas de vérité dans le droit, mais seulement une certaine interprétation de la loi, l'esprit est toujours tenté d'aller au-delA de l'arrASt et le devoir de la justice est de rappeler A l'ordre celui qui s'enferme dans la sphère du droit, perdant de vue que la finalité du droit ne saurait AStre une pure finalité interne. On peut d'ailleurs dénoncer, comme le fait Beccaria, le caractère toujours approximatif de la justice A partir du moment où se trouve reconnu l'écart inhérent A toute loi entre l'esprit et la lettre ; et penser, avec lui, que dès qu'il est fait référence A l'esprit de la loi, c'est que la subjectivité de celui qui avoir A l'interpréter et A l'appliquer peut devenir le critère déterminant. Mais comment souscrire, pour autant, A la conclusion qu'en tire Beccaria ? Inclure dans la loi elle-mASme, de faA§on immuable, la peine qu'encourt celui qui la transgresse, ce n'est pas simplement supprimer la nécessité du juge, c'est croire en la possibilité d'un droit parfait, qui pourrait dire ce qu'est le juste en soi, indépendamment des relations dans lesquelles il se réalise. Mais que dit le droit ? Dit-il, par exemple, ce que l'on doit faire ? Il se confondrait alors avec la morale dont la lettre mASme est parfois si proche des impératifs sous lesquels se véhicule la religion. Non, le droit se dit simplement lui-mASme, sur le mode indicatif. Comme le montre Michel Villey, le droit dit le juste, il dit ce qui est juste pour chacun dans la répartition des fonctions, des biens et des responsabilités sans qu'il n'invite A aucun acte particulier. H dit l'AStre-juste plutôt que le devoir-AStre. Il se donne sous la forme d'un présent actuel, universel et mASme intemporel puisque le droit se veut par définition inconditionné. Peut-on, pour autant, faire du droit le simple constat de ce qui est juste, sans rapprocher cette idée de justice d'une leur qui la détermine ? Trop souvent, l'on situe l'arbitraire de la décision de justice du côté de celui qui a jugé, c'est-A -dire dans l'expression de la subjectivité du magistrat ; et comment, en effet, ésectiuner l'"ame et conscience" au nom desquelles le jugement est prononcé ? Mais si le droit dépend, comme le montre Perelman A la suite de Kelsen, d'une norme ou d'une leur fondatrice, comment ne pas voir que le choix de cette leur est bien dantage arbitraire que le raisonnement qui fixe la loi et la peine A partir de cette leur ? Autant la rationalité interne du droit peut AStre élie, ne serait-ce que d'un point de vue formel, autant l'articulation du droit A la leur morale ou politique qui est censée le légitimer sera toujours contesle, si le droit n'inclut pas cette leur dans ses propres principes. Aporie indépassable du droit : un droit sans morale est illégitime ; un droit moral n'est plus un droit. |
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