NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » LOI GéNéRALE » Le concept de droit Le droit naturel
"On peut dire qu'aujourd'hui, qu'en l'absence d'une référence possible A la nature, c'est A travers les principes généraux du droit que la société se déclare elle-mASme ce qu'elle institue comme dent la lier A elle-mASme", constate F. Ewald. Tout se passe donc comme si aujourd'hui, et depuis le XIXe siècle, la pratique juridique et plus encore la théorie du droit se trouvent tenues de combler une absence : celle de la notion, traditionnelle depuis Aristote, de droit naturel. La nature serait devenue une référence muette. Or pourquoi, pendant des siècles, a-t-on jugé nécessaire de réfléchir le droit dans la catégorie du droit "naturel" ? A quelles exigences de l'expérience juridique occidentale cette interrogation peut elle bien répondre ?, demande encore F. Ewald. En effet la notion de droit positif, comme ensemble des énoncés juridiques effectifs, explicites et pris dans leur diversité, voire dans leur contingence historique, politique et sociale, n'a pu prendre tout son sens que par référence A la règle de jugement A laquelle est supposé obéir un système juridique ; c'est le droit naturel comme droit du droit. Mettant en évidence une sorte de réflexivité juridique, le droit naturel énonce les principes qui permettent de reconnaitre, d'élir, d'interpréter et de juger les normes du droit positif. L'un des traits constants permettant de distinguer le droit naturel du droit positif et de concevoir leur nécessaire articulation serait sans doute (outre le caractère universel et inriable attribué au droit naturel par opposition au caractère particulier et changeant du droit positif) que l'un est non-écrit alors que l'autre n'acquiert d'existence que par l'acte d'énonciation que constitue l'écriture de la loi et de la jurisprudence. A étudier la longue histoire des théories du droit naturel, on s'aperA§oit qu'il convient de distinguer, comme cela deviendra explicite avec Hobbes, le droit naturel de la loi naturelle. Les différentes conceptions du statut de la loi naturelle éclairent bien les transformations historiques des théories du droit naturel. Pour le droit naturel classique, chez Aristote et Saint Thomas d'Aquin (voir chapitre 1, Jus et Justifia), la justice étant "l'ame et l'essence mASme du droit" (Villey), la loi naturelle est insaisissable en elle-mASme, dans sa consistance propre : nous ne pouvons la connaitre qu'indirectement, par l'intermédiaire de ses effets, par l'obsertion de la nature. Aristote parlait de lois "selon la nature" (kata physin). On ne peut, A proprement parler, attribuer au droit la forme déductive et la nécessité d'une science : il est affaire de prudence (phronèsis), d'une recherche souple qui s'exerce empiriquement, dans le contingent. Pour le droit naturel dit moderne, avec Grotius et Pufendorf, Hobbes puis Locke par exemple, la loi naturelle est l'objet d'une méthodique recherche, mais aussi d'une stricte détermination : elle est inhérente A la "nature humaine", telle que Dieu l'a voulue, et procède d'une définition, quasi axiomatique, de l'AStre humain. La loi naturelle, dans son contenu mASme, se détermine A partir d'une anthropologie métaphysique, qui n'est d'ailleurs pas sans implications théologiques : pour Hobbes par exemple la loi naturelle qui, comme toute loi, détermine, lie et donc oblige, est divine et rationnelle : précepte que découvre la raison dans sa marche déductive. Le droit naturel s'y oppose en tant qu'il est "la liberté de faire une chose ou de s'en abstenir". Les textes rassemblés dans ce chapitre appartiennent tous les trois au XVIIe siècle : ils illustrent l'exigence théorique, pour fonder la légitimité de la loi civile ou du droit positif, d'une référence A la naturalité du droit mais montrent en mASme temps un certain éclatement de la doctrine classique du droit naturel. Les théories du droit naturel moderne sont-elles l'annonce du dépassement, voire de la destruction de la notion mASme de droit naturel ? On sait qu'au XVIIIe siècle avec Rousseau et Burke par exemple, s'ouvre une crise du droit naturel (cf. Léo Strauss - Droit naturel et histoire). Mais ce n'est qu'au XIXe siècle, avec Savigny et l'école historiciste allemande, que se développe une critique radicale des thèses jurisnaturalistes. Le fondement du droit positif est alors recherché, non plus dans une norme naturelle ou mASme dans une rationalité métaphysique, mais dans les coutumes : le droit positif est compris comme l'expression vinte ou l'émanation spontanée de "l'esprit d'un peuple". |
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