Les sources juridiques des peuples orientaux qui viennent d'AStre mentionnés sont particulièrement nombreuses : nous disposons non seulement de textes législatifs (habituellement intitulés Codes), mais aussi de dizaines de milliers de lettes contenant des contrats, des décisions judiciaires ou des lettres officielles qui nous permettent de connaitre ac un luxe de détails, inhabituels pour l'antiquité, la vie sociale et économique de ces peuples.
Malgré le nombre impressionnant des sources, il nous est impossible de reconstruire la pensée
juridique de ces anciennes civilisations. La grande difficulté A laquelle se heurtent les historiens du droit, c'est l'absence de tout système et de toute construction théorique. Il n'existe aucun traité dogmatique exposant les principes généraux de ces anciens droits. Comme l'a signalé un éminent orientaliste récemment disparu, G. Boyer (1), l'idée mASme de ces traités semble avoir été étrangère aux esprits de l'Orient ancien.
Nous ne trouvons pas dans les institutions et dans les lois de l'Orient cette logique abstraite qui dominera par la suite les décisions des juristes romains. Que nous étudiions le recueil de lois appelé Code de Hammurabi, de mASme que les Codes trouvés A une date plus récente (Code de Ur-Nammu, Code de Lipit-Ishtar, Code de Bilalama), ou les textes de l'Ancien Testament (Code de l'Alliance, Code sacerdotal), nous ne rencontrons pas de principes juridiques généraux ou abstraits qui guident l'interprète dans la solution de cas concrets : ils ne contiennent que des règles de détail, visant des hypothèses précises, qui se suint sans ordre systématique. Le législateur, pour exposer sa volonté, n'adopte pas un rationnel ou ' pour AStre plus exact ' correspondant A notre logique moderne. A nos yeux, selon l'expression très heureuse de M. Boyer, récemment reprise par un de nos collègues italiens. M. Volterra (2), les lois semblent suivre le mécanisme instinctif de l'association des idées.
Le nom mASme de Code, que nous donnons A ces recueils A la suite des premières traductions anglaises qui en ont été faites est très inexact, car ce terme a dans le langage
juridique moderne une signification très précise, alors qu'il ne peut AStre question de voir dans ces recueils le produit d'une activité de consolidation des textes antérieurs ou d'une codification proprement dite. En langue babylonienne, les règles du premier recueil sont appelées dinat misharim, c'est-A -dire jugements de droit. De mASme, en hébreu, le mot torah a une signification qui ne correspond pas A la lex romaine ou A la loi moderne : il désigne plutôt direction, enseignement, dans le sens de guider, d'indiquer le chemin.
Au total, dans ces dirs textes juridiques appliqués pendant de nombreux siècles, il n'y a aucune trace d une élaboration théorique de principes forgés sur les règles qu'ils contiennent ou d'un
travail d'interprétation extensi ou analogique dû A des juristes ou A des praticiens. Mais leur apport est cependant précieux dans deux domaines que nous allons étudier rapidement.