La qualité des requérants revASt une grande importance dans le contentieux de l'annulation.
Cas pratique
Les institutions communautaires ont
marqué depuis longtemps leur volonté d'harmoniser la législation relative aux croupions de dindes. Dans ce but, une directive publiée au JOCE du 23 mars 1992 prévoyait qu'au 1er janvier 2000 les Etats deient adopter la définition du croupion de dinde contenue dans la directive. Compte tenu de l'inaction des Etats, le Conseil et le Parlement européen, sur proposition de la Commission, sont en cours de discussion pour adopter conjointement un règlement visant A renforcer la législation communautaire dans ce domaine.
La législation communautaire dans le domaine du croupion de dinde fait l'objet de multiples contestations. L'entreprise Dinde & Co considère que ce règlement, s'il était adopté, lui porterait préjudice dans la mesure où la définition
donnée du croupion de dinde est trop restrictive. Elle préférait la définition donnée par la directive. Elle a d'ailleurs intenté une action dent le juge administratif franA§ais contre la République franA§aise pour défaut de transposition de cette directive. Elle demande au tribunal de considérer que cette directive a un effet direct et qu'elle est opposable entre entreprises.
La République franA§aise, quant A elle, souhaite contester ce règlement car elle estime qu'il ne respecte pas le principe d'égalité contenu dans la
constitution franA§aise. Elle considère par ailleurs que la proposition de la Commission qui a été A l'origine du règlement a été signée uniquement par le Commissaire responsable de la
politique commerciale ce qui contrevient au principe de collégialité de la Commission. La République Italienne, quant A elle, souligne que ce règlement n'est pas conforme au protocole sur la protection et le bien AStre des animaux et A la déclaration relative A l'éluation de l'impact environnemental, annexés au traité d'Amsterdam. Le Comité
économique et social indique son intention d'introduire un recours car il estime qu'il n'a pas été consulté alors qu'il aurait dû l'AStre. Enfin le Parlement européen a été saisi par une pétition, signée par 300 employés du secteur de l'abattage des dindes, qui lui demande expressément d'intenter un recours contre ce règlement dans la mesure où il contrevient A l'article 2 du traité sur l'Union européenne qui dispose que l'Union se donne pour objectif de - promouvoir un progrès économique et social équilibré et durable -.
Indiquez les voies de recours offertes A chacun des protagonistes et la qualité de leur argumentation
Analyse du sujet
Ce cas pratique vise A vous faire recenser les différentes voies jundictionnelles offertes en fonction de la qualité des requérants. Il a également pour objet de tester vos
connaissances sur les différentes sources de la légalité communautaire.
Point méthode
Il n'y a pas d'ordre précis A respecter en matière de cas pratique, si ce n'est le choix d'une présentation la plus claire possible des questions juridiques soulevées. Ici, compte tenu de l'existence de différentes actions envisagées, il parait préférable de classer ces actions en fonction de la qualité des requérants. Faites bien la part des choses et notamment prenez garde A distinguer l'existant la directive publiée non transposée, et ce qui est en cours d'adoption, le règlement.
Exemple de détaillé
I. L'action des particuliers
A. L'entreprise Dinde & Co
1. Contre le règlement en discussion
Théoriquement, les particuliers n'ont pas qualité pour attaquer un règlement par la voie du recours en annulation. Voir thème 1.
2. Contre la directive
L'entreprise fait deux demandes distinctes dent le juge administratif franA§ais :
a. la mise en cause de la responsabilité de la République franA§aise pour défaut de transposition
Assurément la non-transposition d'une directive est une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'état aussi bien dans l'ordre communautaire que dans l'ordre national. L'entreprise aurait pu saisir la Commission pour que cette dernière engage une procédure de recours en manquement. On peut rappeler cependant que la Commission est libre d'apprécier s'il y a lieu ou non d'engager des poursuites. Il est également tout A fait possible d'engager une action en responsabilité dent le juge administratif franA§ais (CE 28 février 1992, Soc. Arizona Tobacco Products). La non-transposition d'une directive constitue une illégalité fautive : cette illégalité est susceptible d'engager la responsabilité de l'état si un préjudice en est résulté. L'entreprise Dinde & Co devra donc prouver que cette illégalité lui au causé un préjudice direct, réel et certain.
b. le caractère intégral de l'effet direct
Le juge communautaire admet, A l'expiration du délai de transposition prévu, l'in-vocabilité des dispositions d'une directive A partir du moment où cette dernière remplit les critères de l'effet direct et qu'elle n'a pas été ou a été mal transposée (voir chapitre 7, thème 3). Le juge national admet cette invocabilité A rencontre des mesures réglementaires mais non A rencontre des décisions individuelles. Qui plus est, on voit mal comment le juge administratif pourrait reconnaitre un effet direct entre particuliers alors qu'il n'est compétent que pour les litiges où intervient une personne publique. Enfin, la CJCE n'admet pas la reconnaissance d'un effet direct horizontal aux directives.
Point connaissance : l'effet direct horizontal
Lorsqu'une disposition normative a un effet direct horizontal, elle peut AStre invoquée
dent le juge national dans un litige entre particuliers.
Ainsi, si une disposition d'une directive non transposée ne peut pas AStre invoquée en tant quA§ telle A rencontre des particuliers,
la Cour refuse de statuer sur une question préjudicielle portant sur son effet direct (CJCE, 4 décembre 1997. Daihatsu-HA ndler. aff. 96/96). Il n'y aurait donc pas d'utilité pour le juge administratif A poser une question préjudicielle.
B. Les employés du secteur de l'abattage des dindes
Le droit de pétition des citoyens européens, prévu A l'article 194 du TCE (exarticle 138 D), constitue en effet un moyen d'attirer l'attention du Parlement européen sur les difficultés susceptibles d'AStre engendrées par une décision communautaire. Mais on doit préciser que le Parlement n'est d'aucune faA§on lié par une pétition et peut librement ne pas souhaiter y donner suite. L'argument invoqué par les pétitionnaires ne semble pas très efficace puisque les objectifs de l'Union font partie des dispositions qui échappent expressément A la compétence de la Cour (voir chapitre 8, thème 1).
II. Les états
A. La République franA§aise
A€ partir du moment où ce règlement sera adopté, la République franA§aise pourra, dans les deux mois de sa publication au JOCE, le contester directement dent la CJCE. Il lui faudra cependant s'appuyer sur des éléments de légalité communautaire (non respect de tel ou tel article des traités ou violation d'un principe général du
droit communautaire), la Cour n'ayant pas A prendre en compte des arguments tirés de la législation interne. L'argument du non respect du principe de collégialité est receble : les propositions de la Commission doivent en effet AStre adoptées de faA§on collégiale. Reste que le juge devra apprécier si la signature de la proposition par un seul membre est le signe manifeste que cette proposition n'a pas été débattue de faA§on collégiale. Enfin, on peut indiquer que la France peut s'opposer A l'adoption de ce règlement au sein du Conseil des ministres. Si elle réussit A réunir autour de son opposition une majorité, le règlement ne sera pas adopté.
B. La République italienne
En tant qu'état, la République italienne sera soumise aux mASmes conditions de recebilité que la République franA§aise (question des délais). L'invocation des dispositions d'un protocole ne pose pas de problèmes, les protocoles ayant mASme leur que les traités. En renche l'invocabilité des déclarations dent le juge communautaire pose plus de problèmes, celles-ci étant considérées généralement comme des déclarations interprétatives n'entrainant aucun effet de droit.
III. Les institutions
A. Le Comité économique et social
N'étant pas une institution mais un simple organe, le Comité économique et social n'a pas qualité pour introduire un recours dent la CJCE. En renche, si les traités prévoyaient une obligation de consultation de cet organe, ce défaut pourrait entrainer l'annulation du règlement. Le Comité doit donc faire reprendre cet argument par des opposants au règlement (état ou autres institutions) qui ont qualité pour le contester dent le juge.
B. Le Parlement européen
D'après l'article 230 du TCE (ex-article 173). le Parlement ne peut introduire de recours dent la CJCE qu'A partir du moment où il s'agit de sauvegarder ses prérogatives. Il ne peut donc reprendre A son compte les arguments développés dans la pétition adressée par les employés du secteur de l'abattage des dindes. En renche, si la procédure décisionnelle n'a pas été régulière (défaut de consultation, irrégularité dans la consultation), il pourra demander l'annulation du règlement.