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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Les insuffisances du droit

Les insuffisances du droit

1 L'ambiguïté des textes

La lecture des documents internationaux. - Les textes négociés et ratifiés ne sont pas interprétés de la même façon par les deux partenaires. Ainsi, il fut affirmé à Téhéran : « Les droits de l'homme et les libertés fondamentales étant indivisibles, la jouissance complète des droits civils et politiques est impossible sans celle des droits économiques, sociaux et culturels ». On pourra, sur ce fondement, exiger, au nom de l'indivisibilité, le respect immédiat des droits civils et politiques. Mais, à l'inverse, on excusera les violations dont ils font l'objet en expliquant que leur jouissance complète est impossible tant qu'un niveau de développement suffisant n'est pas atteint.

La Déclaration universelle des droits de l'homme. - Si remarquable qu'elle soit par ailleurs, la Déclaration universelle des droits de l'homme, du 10 décembre 1948, n'est pas à l'abri de ces ambiguïtés. On sait qu'elle fut élaborée à l'issue de la deuxième guerre mondiale afin de traduire la foi en la dignité humaine en réaction « à des actes de barbarie qui révoltent la conscience ». Le Français, René Cassin, y prit une part déterminante et c'est au Palais de Chaillot à Paris qu'elle fut adoptée, comme pour marquer sa filiation avec l'esprit de 1789.
Elle ne se confond pourtant pas avec les déclarations libérales de la fin du xvine siècle. Il fallait tenir compte de leurs limites et de leurs lacunes. On souhaitait, en outre, obtenir une adhésion aussi large que possible, ce qui supposait un minimum de concessions.
Pour l'essentiel, la Déclaration universelle se situe dans la mouvance libérale. On en veut pour preuve le début de son Préambule : « Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde » On est très proche de la philosophie des droits naturels, inaliénables et sacrés de 1789. En revanche, en se déclarant résolus « à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande », et surtout en présentant la déclaration « comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations par des mesures progressives d'ordre national et international », les rédacteurs de ce texte faisaient une place à la théorie marxiste pour laquelle la liberté réelle sera la conséquence de la transformation sociale.
Les mêmes divergences se retrouvent au niveau des articles eux-mêmes. L'individualisme les inspire encore largement. L'individu dispose d'un certain nombre de droits subjectifs : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits ». Mais ce n'est plus, comme en 1789, un individu égoïste et abstrait, ou, du moins, plus au même degré. Les êtres humains « sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». La pensée chrétienne n'est pas étrangère à cette évolution. Il en va de même lorsque l'article 16 voit dans la famille « l'élément naturel et fondamental de la société ». Ayant droit à la protection de la société et de l'Etat*1, l'homme se voit enfin reconnaitre des droits collectifs.
La consécration du droit de propriété s'éloigne tout à fait de la philosophie libérale. Mais que signifie l'article 17, ainsi libellé, pour ne pas heurter les marxistes : « Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété »? On notera, aussi, l'absence de mention du droit de grève. Quant aux droits politiques, ils auraient pu constituer une pomme de discorde : « Toute personne a droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis », la volonté du peuple étant appelée à « s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté de vote ». N'était-ce pas là ériger en droit fondamental le principe de la démocratie libérale? Peut-être pour les Occidentaux. Mais les représentants des pays de l'Est ne furent nullement embarrassés par ces formules. Les élections ne sont-elles pas, dans leur conception, libres et honnêtes, seulement dans les Etats socialistes, grace à la transformation de la société qui y est opérée ?

Les pactes de 1966. - L'absence de valeur juridique de la Déclaration de 1948 allait limiter les conflits. En revanche, lorsque furent élaborés les pactes de 1966 ouverts à la ratification des Etats membres de I'onu, on distingua soigneusement le pacte « relatif aux droits civils et politiques » de celui « relatif aux droits économiques et sociaux ». Chaque Etat pourra aisément les dissocier.
Il n'empêche que beaucoup d'ambiguïtés s'y retrouvent. Dans les deux préambules, identiques, les droits « découlent de la dignité inhérente à la personne humaine », mais, est-il précisé immédiatement, « l'idéal de l'être humain libre, jouissant des libertés civiles et politiques et libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si des conditions permettant à chacun de jouir de ses droits civils et politiques, aussi bien que de ses droits économiques, sociaux et culturels, sont créées ». Les Etats pourraient-ils, sous ce dernier prétexte, se dispenser de remplir leurs obligations? De plus, les deux pactes contiennent le même article 1 : « Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel »*'. Or, de nombreuses violations des droits individuels découlent précisément de ce droit des peuples.
N'est-ce pas au nom des choix du développement que l'on refuse à telle ou telle personne le droit de préférer telle culture ou de ne pas adhérer à la pensée dominante? Le droit au développement, expression de plus en plus utilisée, est inconteslement un droit essentiel. Le premier des droits de l'homme est le droit à la vie. Il suppose un certain niveau de développement économique. Sa reconnaissance présente pourtant des dangers réels. En effet « la tentation est grande » de le « considérer comme la condition d'accès aux autres droits ». Elle l'est d'autant plus que les autres droits ne sont pas protégés de façon efficace.

2 Le manque d'effectivité

La diversité des conventions internationales. - La Déclaration universelle n'ayant pas de valeur juridique, il a fallu assurer la mise en oue des principes qu'elle contient par le biais de conventions internationales. Elles sont très diverses et visent soit à assurer la protection d'une catégorie de personnes, soit à prévenir la réalisation de certains actes. Dans le premier groupe, on peut citer, à titre d'exemples, les conventions relatives à la protection des réfugiés ou apatrides, aux droits des femmes2", aux droits des travailleurs. Dans le second, on mentionnera les conventions relatives à l'esclavage, à la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Leurs limites. - La principale limite à leur effectivité tient au caractère volontaire des adhésions. Les conventions n'entrent en
vigueur qu'à la suite d'un certain nombre de ratifications. Elles n'ont de force obligatoire que pour les Etats qui les ont ratifiées et dans la mesure où ceux-ci n'ont pas fait de réserves. Par ailleurs, si certaines d'entre elles mettent en place un mécanisme de contrôle plus ou moins efficace, les autres ne comportent aucune sanction juridique particulière.

Les pactes de 1966. - Attachons-nous, à titre d'illustration, au système à vocation générale, le plus élaboré, tel qu'il résulte des
deux pactes de 1966. Les droits mentionnés dans le second (économiques, sociaux et culturels) ne bénéficient d'aucune protection particulière. Le premier relatif aux droits civils et politiques met en place un Comité des droits de l'homme.

Le Comité des droits de l'homme. - Il est composé de dix-huit membres. Ceux-ci de nationalités différentes sont choisis, pour quatre ans, parmi des personnalités « de haute moralité et possédant une compétence reconnue dans le domaine des droits de l'homme » en tenant compte d'une « répartition géographique équile » et d'une « représentation des diverses formes de civilisation ainsi que des principaux systèmes juridiques ».

Le rôle du Comité. - Il reçoit des rapports des Etats sur la façon dont ils appliquent le pacte. Il peut être saisi de plaintes
des Etats. Elles sont examinées par le comité qui peut, en outre, créer une commission de conciliation plus restreinte chargée de faire un rapport contenant des constatations et des recommandations. Si elles ne sont pas acceptées par l'Etat intéressé, elles sont transmises aux autres Etats parties. Un protocole facultatif prévoit enfin, pour les Etats qui y ont adhéré, la saisine du Comité par des particuliers victimes de violations de leurs droits individuels. La sanction consiste alors dans les « constatations », communiquées à l'Etat concerné et au requérant, reprises éventuellement dans le rapport annuel. « Le consentement des Etats demeure nécessaire aussi bien pour le déclenchement de la procédure que pour l'exécution des mesures proposées, et le Comité n'a pas de pouvoirs de décision ».

Droit humanitaire et droits de l'homme. - Tout comme les droits de l'homme, le droit humanitaire est, pour l'essentiel, fondé
sur des traités.
Dans les deux cas, on a pour ambition d'assurer un certain respect de la personne humaine. Certains traités relatifs aux droits de l'homme envisagent l'hypothèse du temps de guerre. A l'inverse, l'intérêt porté aux droits de l'homme a été un stimulant pour améliorer le droit humanitaire. La Conférence sur les droits de l'homme réunie par les Nations Unies en 1968 à Téhéran a officiellement envisagé leur respect « en période de conflit armé ».
« Il n'en reste pas moins opportun que les droits de l'homme et le droit humanitaire fassent l'objet de traités distincts. Les circonstances d'un conflit armé exigent des mesures plus précises, et en partie différentes de celles qui valent pour le temps de paix. De plus, il faut que les dispositions de droit humanitaire soient complétées par des règles relatives à la conduite de la guerre, qui sont étrangères au domaine des droits de l'homme et doivent, par conséquent, faire l'objet d'un traitement séparé. Il est, en outre, souhaile que le contrôle de l'application des conventions des droits de l'homme et des conventions humanitaires soit exercé par des organes différents ».
Peut-on avoir l'espoir d'une évolution simultanée de ces deux branches complémentaires des droits de l'homme?

Les espoirs d'évolution. - Les violations des droits de l'homme au international demeurent nombreuses et graves. Elles ne le sont sans doute pas plus que dans le passé, mais elles sont beaucoup mieux connues, ce qui peut conduire à la résignation ou au découragement. Pourtant, d'autres considérations deaient logiquement conduire à un optimisme mesuré et à l'action.
La dénonciation des violations des droits de l'homme est devenue un thème relativement mobilisateur d'une partie de l'opinion publique internationale. Elle peut intervenir de façon ponctuelle, mais aussi à travers l'action patiente d'associations qui se fixent pour objectif de dénoncer les atteintes aux droits de l'homme".
On ne saurait trop insister sur le caractère indispensable des organisations internationales privées de soutien, d'aide, de rencontre ou à vocation humanitaire. Les organisations non gouvernementales (ong) ne disposent que de moyens limités, même s'ils sont loin d'être négligeables pour les bénéficiaires. Mais elles permettent à des communautés humaines de connaitre leurs ais problèmes, hors du prisme déformant des gouvernements. Elles ont très souvent découvert aussi les méthodes les plus adaptées aux besoins réels des populations démunies, servant de modèles aux organisations gouvernementales. Elles contribuent à créer des liens de solidarité qui, un jour, s'imposeront aux pouvoirs publics.
En schématisant la pensée de Léon Duguit et de Georges Scelle, on peut avancer que la règle morale se transforme en règle de droit lorsqu'une collectivité prend conscience de la nécessité de la respecter, d'une part, de la nécessité de sanctionner juridiquement sa violation, d'autre part. Beaucoup d'actions désintéressées contribuent à faire reculer les limites des droits de l'homme au international. N'est-ce pas également ai au national?



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