L'universalisme des droits de l'homme semble a priori s'opposer A toute discrimination, en matière de libertés fondamentales, entre nationaux et étrangers. Mais l'exacerbation des nationalismes, les conflits internationaux, l'ampleur des mouvements migratoires ont joué contre la logique de 1789 : la condition des étrangers au regard des
libertés publiques est allée en s'aggravant depuis l'Ancien Régime, où elle était particulièrement libérale. Deux ordres de préoccupations n'ont cessé d'accélérer cette aggravation. Les premières, sensibles dès les années qui ont précédé la seconde guerre mondiale, tiennent A la sécurité de l'Etat et au souci de l'ordre public. Elles se sont récemment développées A l'extrASme, avec l'exacerbation des antagonismes idéologiques qui débordent les frontières et s'affrontent, par la violence et le terrorisme, sur le territoire national. Les facteurs économiques ont joué dans le mASme sens : durant la période de
croissance qui a suivi 1945, l'insuffisance de la main-d'ouvre nationale pour faire face A l'augmentation de la production a amené la France, comme les autres pays industrialisés, A s'ouvrir largement aux travailleurs en provenance des pays sous-développés. Malgré des conditions d'hébergement plus que médiocres, d'importants noyaux d'immigrés portugais, maghrébins, noirs, turcs, yougoslaves se sont constitués. La
crise économique, A partir des années soixante-dix, a conduit les gouvernements, dès 1974, A suspendre l'immigration officielle de nouveaux travailleurs et A lutter contre l'immigration clandestine. Beaucoup de ceux qui étaient entrés en France dans les années précédentes se sont trous réduits au chômage. La crise, de plus, a développé dans de larges secteurs de la population une hostilité latente A l'égard de ces étrangers, accusés contre l'évidence de - prendre des emplois aux FranA§ais - alors que ceux qu'ils occupent le plus souvent correspondent A des travaux pénibles et mal rémunérés dont les nationaux ne veulent pas. Cette hostilité s'est aggrae jusqu'A la xénophobie dans les agglomérations qui ont accueilli d'importants regroupements d'immigrés, tout naturellement attachés A un style de vie propre, différent A bien des égards de celui de la population autochtone. Enfin, la montée de la délinquance (supra, p. 17) a été portée, malgré le démenti des faits, au passif des immigrés : la peur a développé un racisme diffus. Tous ces éléments ont fait, de l'accueil et du séjour des étrangers en France, un des problèmes qui ont dominé et dominent encore les mouvements de l'opinion et les préoccupations des gouvernements.
L'ordonnance du 2 novembre 1945, qui reste la base du
droit positif, a adopté, dès sa version initiale, un régime préventif largement discrétionnaire, dans lequel le procédé de l'autorisation préalable joue le rôle principal. Dans ce cadre, c'est, A partir des débuts de la crise économique, une politique systématique de refoulement et d'expulsion qui s'est poursuivie, aggrae par des pratiques arbitraires auxquelles les condamnations répétées du juge administratif ne pouvaient suffire A mettre fin.
Cette politique a culminé avec la loi du 11 janvier 1980, modifiant dans le sens de la rigueur l'ordonnance de 1945. Elle subordonnait l'accès au territoire national A des conditions strictes, sanctionnées par le refus d'accès, ou refoulement. Sur le séjour, elle faisait er la menace d'une expulsion largement discrétionnaire. Dans les deux cas, l'exécution de la décision, lorsque le renvoi du refoulé ou de l'expulsé hors du territoire n'était pas possible immédiatement, autorisait une - rétention -, qui constituait une pure et simple détention administrative.
Encore le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 9 janvier 1980, a-t-il amputé la loi de la disposition qui permettait de prolonger cette détention durant sept jours avant toute intervention de l'autorité judiciaire, - gardienne de la liberté individuelle - d'après l'article 66 de la Constitution.
Dès son arrie au pouvoir, le gouvernement issu des élections de 1981 a entendu réagir contre une politique de défiance systématique, et largement inhumaine, A l'égard de l'étranger. La volonté de lutter contre la montée du racisme, qu'il soit anti-arabe ou anti-sémite, le souci du Tiers Monde et de son
développement l'ont, dans un premier temps, conduit, de faA§on générale, A atténuer la rigueur antérieure des pratiques et des textes : d'où l'abrogation des dispositions sévères qui s'appliquaient aux associations étrangères (loi du 9 octobre 1981, infra, p. 389), la suspension des expulsions (circulaire du 6 juillet 1981), les mesures prises pour régulariser la situation des travailleurs clandestins. Mais la persistance de la crise et du chômage, celle du terrorisme international constituent des
données de fait, dont le législateur a dû tenir compte dans l'élaboration du texte appelé A remplacer la loi du 11 janvier 1980. La loi du 29 octobre 1981, modifiant A nouveau l'ordonnance du 2 novembre 1945, et les décrets qui l'ont suivie reflétaicnl A la fois l'inspiration libérale initiale et le souci des réalités actuelles : sévères en ce qui concerne Vaccès au territoire national, le régime, au contraire, entendait soustraire A l'arbitraire le séjour en France des étrangers en situatiou régulière. Il entourait de garanties les procédures d'exclusion : refus d'accès par le refoulement, ou expulsion. Le retour au pouvoir de la majorité précédente en mai 1966 entraine un nouveau revirement : la loi du 9 septembre 1986, dite - loi Pasqua -, du nom du ministre qui l'a préparée, renoue avec la rigueur, quant aux conditions d'accès et de séjour, et A l'expulsion. Mais, depuis l'élection d'une majorité socialiste au printemps de 1988, diverses circulaires en ont modifié dans un sens libéral les modalités d'application, et son abrogation est annoncée. Elle n'en définit pas moins, jusqu'A nouvel ordre, le droit en vigueur.
1A° La qualité d'étranger. ' L'étranger, c'est celui qui ne possède pas la nationalité franA§aise, soit qu'il possède celle d'un autre Etat, soit qu'il n'en possède aucune : il s'agit alors d'un apatride.
D'où la relation étroite entre le problème de l'accès A la nationalité franA§aise et le statut des étrangers. Une réforme du Code de la nationalité dans un sens restrictif, envisagée par la majorité de 1986, a été abandonnée ; une Commission a étudié en profondeur l'ensemble du problème et proposé des solutions beaucoup plus libérales. Cf. Etre franA§ais aujourd'hui et demain. rapport de la Commission de la nationalité, 2 vol.. 1988.
Cette définition uniforme recouvre en réalité des situations très différentes, selon les nationalités d'abord : les ressortissants des Etats de la CEE bénéficient d'un régime de faveur qui les soustrait A la plupart des dispositions applicables aux autres étrangers (d. 5 janvier 1970) ; de mASme pour ceux de certains Etats africains francophones. En outre, la France a conclu avec nombre d'autres Etats des conventions bilatérales qui modifient le
droit commun. Les frontaliers, ressortissants d'Etats voisins résidant A proximité de la frontière, jouissent de facilités d'accès A la région franA§aise voisine.
D'autres distinctions tiennent, non A la nationalité, mais aux motifs de la venue en France : les membres des missions diplomatiques et des
organisations internationales jouissent des privilèges et immunités consacrés par le
droit international. Les réfugiés politiques ' de plus en plus nombreux ' bénéficient du droit d'asile qui leur est reconnu par les conventions internationales, et a valeur de principe constitutionnel (ce 17 juillet 1980, Rec, p. 36). Des règles particulières s'appliquent aux touristes, aux étudiants. Surtout, les travailleurs étrangers posent des problèmes spécifiques : leur nombre ' plus d'un million et demi ', leur place dans l'économie nationale, leur faible intégration dans la société, la précarité de leur condition qui les expose souvent A l'exploitation expliquent que leur situation soit réglée A la fois par les dispositions communes A tous les étrangers et par le Code du Travail (art. L. 341 et s.).
Sur les - dispositions spéciales A la main-d'ouvre étrangère -, qui relèvent du droit du
travail et ne seront pas analysées ici, cf. RivehO et Savatier, Droit du travail, 1989, p. 495 et s.
La qualité d'étranger n'est donc pas homogène ; le droit commun, dont on va exposer les grandes lignes, ne s'applique en pratique, qu'avec de fréquentes modifications dans le sens soit d'une plus grande rigueur, soit d'un certain libéralisme.
2A° L'accès au territoire franA§ais. ' Il est subordonné pour tous A la possession des documents résultant, dans chaque cas, des conventions conclues avec le pays d'origine : au minimum, sectiune d'identité ; normalement, passeport délivré par les autorités du pays d'origine et, depuis 1986, visa apposé par les autorités consulaires franA§aises sur le passeport. Ces documents ne peuvent AStre exigés des demandeurs d'asile politique, qui ont fui leur pays le plus souvent clandestinement, et dont l'accueil pose un problème distinct.
Pour les apatrides, le passeport est remplacé par un titre de voyage, dit passeport Nansen, délivré sous le contrôle du Haut Commissariat des Nations Unies.
Mais en outre, et surtout, la loi du 29 octobre 1981 subordonne l'entrée en France A la présentation de documents relatifs A trois ordres d'idées : l'objet et les conditions du séjour, les garanties de rapatriement, les moyens d'existence.
Les décrets des 27 mai 1982 et 30 juillet 1987, qui ont dressé la liste de ces documents, distinguent selon qu'il s'agit d'un séjour touristique, professionnel, ou d'une visite prie. Dans ce dernier cas, l'étranger doit présenter un - certificat d'hébergement - signé par la personne qui l'accueille et vise par le maire de la commune, qui doit rifier le caractère - normal - des conditions d'hébergement, ce qui lui confère un pouvoir largement discrétionnaire, facile A mettre au service d'une politique municipale de rejet systématique. Les moyens d'existence (espèces, chèques, sectiunes de crédit) doivent permettre de faire face aux frais de séjour. Quant aux - garanties de rapatriement -, les exigences très strictes que le décret énumère tendent A éviter qu'un - séjour - se transforme en un élissement plus ou moins clandestin ; en sont toutefois dispensés, outre les personnalités officielles, les étrangers titulaires d'une sectiune de séjour d'un an, et aussi ceux qui viennent rejoindre un père, une mère, ou un époux régulièrement installés en France : on retrouve ici le droit, pour les étrangers comme pour les nationaux, de mener une vie familiale normale, que le Conseil d'Etat avait déjA reconnu sur la base du Préambule de 1946 (ce, 24 novembre et 8 décembre 1978, AJDA, 1979, nA° 3, p. 38).
La présentation des documents requis confère A l'étranger un droit d'accès au territoire franA§ais. Mais ce droit peut AStre mis en échec A l'égard de ceux dont la présence menacerait l'ordre public, ou qui ont fait l'objet antérieurement soit d'une interdiction du territoire prononcée par le juge, soit d'un arrASté d'expulsion.
Le refus d'entrée fait l'objet d'une décision écrite et motie, immédiatement exécutoire sauf demande par le consulat du pays de l'intéressé d'un délai d'un jour franc.
3A° Le séjour.
a I Les titres de séjour. Ils varient selon la durée et l'objet du séjour :
' au-dessous de trois mois, aucun titre n'est requis ;
' si le séjour se prolonge au-delA de trois mois, sans que l'étranger ait l'intention de fixer en France sa résidence ordinaire, il doit obtenir une sectiune de séjour temporaire, délivrée pour un an, renouvelable ;
' s'il désire s'élir en France, il peut, après trois ans de résidence ininterrompue, et moyennant justification de moyens d'existence, demander l'octroi d'une sectiune de résident, pour dix ans, renouvelable ; elle peut AStre refusée en cas de menace pour l'ordre public. Sous cette réserve, la sectiune de résident est délivrée de plein droit A certaines catégories d'étrangers (mariage avec un conjoint franA§ais, enfants ou ascendants d'un ressortissant franA§ais, parents d'un enfant franA§ais résidant en France, anciens combattants, etc.).
Les titres de séjour délivrés par le préfet sont des autorisations préalables. Les textes précisent les conditions requises pour chacun d'eux, selon l'objet du séjour : l'étudiant étranger, par exemple, doit, pour obtenir une sectiune de séjour, produire un titre d'inscription dans un élissement d'enseignement et justifier de moyens d'existence. Le décret du 15 janvier 1976 fait obligation aux résidents ordinaires de ne pas rester plus de six mois, de leur fait, sans emploi ni ressources. Lorsque ces conditions cessent d'AStre remplies, la sectiune peut AStre retirée A tout moment.
L'étranger qui ne peut justifier d'un titre de séjour régulier encourt une sanction pénale, que le juge peut assortir d'une interdiction de séjour.
b I Les déplacements en territoire national pendant le séjour. Ils sont, en principe, libres, sous trois réserves :
' l'étranger qui change de résidence doit en faire la déclaration au commissariat ou A la mairie de sa nouvelle résidence ;
' toute personne qui loge un étranger doit le déclarer dans les quarante-huit heures de son arrie ;
' le ministre de l'Intérieur peut limiter la liberté de déplacement des étrangers, soit en subordonnant pour tous l'installation dans les
départements désignés par arrASté ministériel A une autorisation préalable, soit en interdisant A ceux qui justifient - une surveillance spéciale - l'accès de certains départements, ou mASme en leur interdisant de sortir de celui qui leur est assigné.
4A° La sortie du territoire national.
Lorsqu'elle n'est pas volontaire, elle peut prendre quatre formes : le refoulement, la reconduite A la frontière, l'expulsion, l'extradition.
a / Le refoulement. Il s'applique aux étrangers auxquels l'accès au territoire national a été refusé (supra, p. 132) : il constitue, dans ce cas, une décision administrative immédiatement exécutoire, ce qui rend théorique le droit reconnu au refoulé d'avertir la personne qui devait l'accueillir, un avocat et son consulat, et, pour celui-ci, la possibilité de demander un sursis A exécution d'un jour.
b I La reconduite A la frontière s'applique aux étrangers en situation irrégulière. La loi de 1986 a transféré de l'autorité judiciaire A l'autorité administrative ' le préfet ' le pouvoir de prendre cette décision qui doit AStre motie, et est immédiatement exécutoire. Les mASmes possibilités sont reconnues A celui qu'elle frappe, et A son consulat, que pour le refoulement. La reconduite A la frontière est également applicable A l'étranger qui a fait l'objet d'une condamnation en raison de sa situation irrégulière par le juge pénal si celui-ci assortit la sanction d'une interdiction d'accès au territoire pour trois ans. Mais la reconduite ne peut AStre prononcée A l'égard des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une expulsion, infra, p. 136.
c / L'expulsion. LA encore, la loi de 1986 est revenue sur les garanties que la loi de 1981 avait introduites dans un régime jusque-lA très largement discrétionnaire en dépit des efforts du Conseil d'Etat pour en sanctionner l'arbitraire.
' Quant au fond, elle peut AStre prononcée contre tout étranger dont la présence constitue - une menace pour l'ordre public -, alors que, dans la loi de 1981, elle était subordonnée A l'existence d'une condamnation définitive A une peine d'au moins un an de prison, ou A une peine moindre pour quelques délits particuliers et, de plus, A une menace grave pour l'ordre public.
En sont toutefois exemptés, sous certaines réserves, les mineurs de 18 ans, le conjoint d'un ou d'une FranA§aise après un an de vie commune, les parents d'un enfant franA§ais résidant en France, l'étranger non condamné résidant en France depuis six ans, la victime d'un accident du travail.
' Quant A la procédure, la décision est prise par le ministre de l'Intérieur, après ution de l'étranger devant une commission composée de magistrats, qui se prononce après audition de l'intéressé et de son avocat. La Commission, malgré son caractère quasi juridictionnel, n'émet qu'un avis, qui ne lie pas le ministre, alors que, dans le régime antérieur, il ne pouvait prononcer l'expulsion en cas d'avis défavorable.
' Toutes les garanties précédentes disparaissent lorsque le ministre de l'Intérieur estime que la présence de l'étranger fait peser sur l'ordre public une menace - d'une particulière gravité - et que - l'urgence absolue - commande l'expulsion, qui prend ainsi un caractère totalement discrétionnaire.
' Enfin, le ministre peut A tout moment abroger l'arrASté d'expulsion. L'abrogation est de droit, sur demande de l'intéressé, au bout de cinq ans, sauf avis contraire de la Commission.
d j Si les décisions de refoulement, de reconduite A la frontière ou d'expulsion ne peuvent faire l'objet d'une exécution immédiate, l'étranger peut AStre maintenu par décision du préfet dans un local non pénitentiaire pendant le temps - strictement nécessaire A son départ -. Si cette rétention excède vingt-quatre heures, le président du tribunal de grande instance est obligatoirement saisi ; il statue, par ordonnance, sur les mesures A prendre pour assurer le départ : maintien en détention, ou autres formes de surveillance. La durée de ces mesures ne peut excéder six jours. Si l'étranger se trouve dans l'impossibilité d'AStre accueilli dans son propre pays ou dans tout autre, il peut AStre astreint A résidence sous surveillance dans une localité déterminée. L'administration, en toute hypothèse, ne peut le renvoyer dans un pays où sa vie serait menacée.
e / L'extradition. Elle peut AStre demandée au gouvernement franA§ais A l'égard d'un étranger ayant commis hors de France un acte délictueux, par le gouvernement dont relève la juridiction compétente pour juger cet acte, sur la base de la convention d'extradition conclue entre la France et le pays intéressé. La décision est prise par décret, sur avis de la Chambre des mises en accusation, qui apprécie la conformité de la demande aux dispositions nationales et internationales en vigueur. Si l'avis est négatif, l'extradition ne peut AStre prononcée. Elle est toujours refusée si le délit est de nature politique.
5A° Le droit d'asile. ' Il apporte d'importantes modifications aux règles précédentes. Le Préambule de 1946 l'élève au niveau constitutionnel, les conventions internationales en imposent le respect. Il concerne les étrangers qui, redoutant d'AStre persécutés dans leur pays en raison de leurs opinions politiques, religieuses, ou de leur race, ont pu le quitter et demandent A la France de les accueillir. La demande d'asile est adressée A un élissement public créé en 1952, l'Office franA§ais pour la protection des réfugiés et apatrides (ofpra), chargé d'en rifier le bien fondé et de statuer sur elle. En cas de refus, un recours, auquel le préfet peut reconnaitre le caractère suspensif, peut AStre formé devant une Commission des recours qui annule ou confirme le refus par une décision juridictionnelle, susceptible d'AStre A son tour déférée au Conseil d'Etat par un recours en cassation.
La qualité de réfugié entraine de plein droit l'octroi de la sectiune de résident. Elle permet A celui qui fait l'objet d'une décision de reconduite A la frontière ou d'expulsion de saisir la Commission des recours, mais, dans ce cas, elle ne donne qu'un avis que l'administration peut ne pas suivre. Enfin, I'ofpra est chargé, de faA§on générale, de protéger les réfugiés et de faciliter leur existence.
Ces dispositions ne suffisent pas, en pratique, A régler l'ensemble des problèmes posés par le droit d'asile. Le nombre des demandeurs s'accroit sans cesse du fait de la multiplication A travers le monde des conflits interethniques, politiques, religieux. De plus, certains cherchent, en se prétendant menacés, A tourner les règles normales d'accès au territoire. Enfin, la preuve des menaces ou des persécutions est parfois malaisée. L'ofPRA, du fait de la masse des demandeurs, statue avec une lenteur qui les laisse dans une situation précaire. Le droit d'asile, composante essentielle de l'idéologie des pays libres, appelle des règles plus précises et des moyens propres A le rendre effectif.
Jurisprudence. ' Celle du Conseil d'Etat est particulièrement abondante, sur l'ensemble des problèmes relatifs au statut des étrangers, depuis quelques années, et témoigne, dans l'ensemble, d'un prudent libéralisme dans l'interprétation des textes successifs. Cf. notamment, en matière d'extradition, ce, 30 mai 1952, dame Kirkwood, RDP, 1952, p. 781 ; 24 juin 1977, Astudillo Calleja, AJDA, 1977, p. 516 ; 7 juillet 1978, Croissant, AJDA, 1978, p. 579 ; en matière d'expulsion, 3 février 1975, Pardov, AJDA, 1975, p. 143, qui sanctionne une erreur manifeste d'appréciation ; 11 décembre 1970, demoiselle Benz, AJDA, 1971, p. 243, qui rifie la réalité de 1' - urgence absolue - invoquée par le ministre ; 21 janvier 1977, Dridi, AJDA, 1977, p. 154 ; 23 juillet 1974, Ferrandiz Gil Ortega, AJDA, 1974, p. 438 ; 4 février 1981, Konaté, D., 81, p. 353 ; 27 juillet 1981,Belasri, AJDA, p. 473 ; 6 novembre 1987, Mantumona Buayi, RFDA, 1988, p. 86 ; 13 janvier 1988, Belkacem Abina, AJDA, 1988, p. 225 ; 20 janvier 1988, Elfenzi, AJDA, p. 224 ; 25 mai 1988, plusieurs arrASts A propos de l'expulsion des moudjahidins du peuple ; pour une analyse d'ensemble de cette jurisprudence : A. Roux, L'expulsion des étrangers dans la jurisprudence administrative franA§aise, in Liberté de circulation des personnes en droit international, p. 145, Economica, 1989 ; en matière de refoulement : 27 janvier 1978, Association des Marocains de France, D, 1979, p. 52 : 10 mars 1978, époux Vat-nikaj, AJDA, 1979, nA° 6. p. 44 ; dans le mASme sens, des circulaires ministérielles restreignant les droits des étrangers ont été annulées pour incompétence (7 juillet 1978. Essaka, AJDA, 1979, n" 1, p. 47).
Il faut souligner, et déplorer, l'insilité chronique du régime qu'on vient d'analyser, liée moins A des changements objectifs ' les
données socio-économiques n'ont guère évolué depuis 1974 et la fin de l'appel A la main-d'ouvre étrangère ' qu'A la succession des alternances politiques amenant au pouvoir des idéologies opposées, l'une mettant l'accent sur le respect des droits de l'homme, fût-il étranger, l'autre voyant dans celui-ci une menace pour l'ordre public, la sécurité, et au-delA l'identité nationale. De ces alternances contradictoires résulte, pour les étrangers, mal informés en général des changements qui affectent leur statut, une insécurité permanente. Plus largement, la situation des étrangers, qu'on a étudice ici sous l'angle de la liberté de circulation, la déborde et a des aspects multiples. Il faut distinguer le problème de l'accueil, et celui de la condition des étrangers qui en ont bénéficié. Celui de l'accueil ne peut se régler que par des distinctions : autant il est nécessaire de prévenir l'entrée en France de candidats A un emploi que la crise ne leur permettra pas de trouver, et qui seront condamnés soit au chômage, soit A une exploitation scandaleuse comme travailleurs clandestins, autant l'accueil doit AStre large pour les étudiants, les touristes, et surtout les réfugiés politiques chassés de leurs pays par les divers totalitarismes. Une seconde série de problèmes concerne la condition des étrangers élis en France, notamment des travailleurs. Elle englobe, outre les étrangers proprement? dits, les immigrés dits de la seconde génération qui. nés en France de parents étrangers, tiennent de la loi la nationalité franA§aise, mais qui, coupés de leur pays d'origine, et sa culture et de son mode de vie, sont souvent mal acceptés par la communauté nationale. Au-delA mASme de la nécessité évidente d'assurer aux uns et aux autres des conditions de vie décente (logement, emploi, protection sociale, regroupement familial), le choix, dès lors qu'on ésectiune une politique de rejet A la fois inhumaine et irréaliste, est entre l'acceptation d'une société multi-cthnique où chaque groupe conserverait sa spécificité, solution incompatible avec le maintien de l'unité nationale, et une politique d'assimilation progressive, notamment grace A la scolarisation, qui intégrerait A la culture franA§aise les valeurs propres aux différentes ethnies, selon un processus que l'histoire a déjA rifié.