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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Droits des peuples et droits des etats

Si la population d'un Etat est constituée par un peuple unique, on pourrait penser que la cohabitation du peuple et de l'Etat ne devrait pas poser de grave problème. Les droits de l'Etat devraient se confondre avec ceux du peuple. Dans la pratique, cependant, il est rare qu'il y ait coïncidence entre l'Etat et le peuple. Parfois un peuple est disé en plusieurs Etats. En sens inverse, un Etat peut regrouper plusieurs peuples. Ces situations sont génératrices de conflits. En effet, faire cohabiter les Etats et les peuples c'est, d'une certaine manière, marier l'eau et le feu. Il arrive pourtant que les Etats remplissent leurs devoirs à l'égard des peuples. Mais, bien te, on observe une primauté de fait des premiers sur les seconds.

1. Les devoirs des Etats à l'égard des peuples. — La Communauté internationale et les Etats qui la composent ont l'obligation de ne pas s'opposer ni de faire obstacle à l'exercice du droit à l'autodétermination des peuples. Les Etats parties aux Pactes internationaux du 16 décembre 1966, « y compris ceux qui ont la responsabilité d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce droit, conformément aux dispositions de la Cbarte des Nations Unies ». La Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre Etats conformément à la Charte des Nations Unies (24 octobre 1970), dispose, de son côté : « Tout Etat a le devoir de s'abstenir de recourir à toute mesure de coercition qui priverait les peuples de leur droit à disposer d'eux-mêmes, de leur liberté et de leur indépendance. »
H. Gros Espiell en tire la conclusion (35, p. 10) que « ce droit des peuples crée, pour tous les Etats, le devoir de le reconnaitre et de le promouvoir mais aussi l'obligation positive d'aider à rendre ce droit effectif, en en favorisant l'exercice et en contribuant par tous les moyens à faire en sorte que les peuples soumis à une domination coloniale et étrangère obtiennent leur indépendance et que ceux qui y ont déjà accédé par l'exercice de leur droit à l'autodétermination parennent à leur pleine souveraineté et à leur complet développement ». Dans la pratique, cependant, il existe une primauté de fait exercée par l'Etat sur les peuples.


2. La primauté de fait des Etats sur les peuples. — Les

rapports entre les Etats et les peuples ne sont pas uni-voques. Ils varient en fonction des circonstances. Parfois l'Etat tient les peuples en respect ; il les vassalise. Dans d'autres circonstances, il les suspecte. Enfin, il peut leur reconnaitre certains droits.
A) Les Etats vassalisent les peuples. — Dès sa naissance, l'Etat cherche à se calfeutrer à l'intérieur de ses frontières. Il se cadenasse au sein de sa forteresse. Il va même jusqu'à la transformer en caserne. Pour mieux se défendre, il se militarise. Dès lors, plus rien ne lui échappe. L'Etat récupère tout, aspire tout. L'Etat-forteresse et l'Etat-caserne participent ainsi à l'entreprise de vassalisation des peuples.
a) L'Etat-forteresse. — L'Amérique latine a fait ure de pionnière. Au XIXe siècle, elle a inventé la théorie de l'uti possidetis juris. Les nouveaux Etats du sous-continent ont été considérés, à l'heure des indépendances, comme coïncidant géographiquement avec les anciennes colonies. L'Afrique indépendante en fit autant, après avoir, il est vrai, hésité. Elle avait, elle-même, subi la loi du plus fort. Les terres avaient été délimitées au hasard des conquêtes ou des caprices des envahisseurs. Les frontières traduisaient un profond mépris des peuples ; le colonisateur ne s'était guère préoccupé de préserver leur unité.
Où en est-on aujourd'hui ? La frontière a-t-elle pour vocation d'unir les peuples ou de les enchainer ? Est-elle un lien qui les assemble ou un rempart qui protège les Etats ? Au fil des années, le courant « résionniste », particulièrement actif dans les années 60, a perdu de sa talité. Lors de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement africains, Modibo Keita avait proposé de prendre l'Afrique telle qu'elle est. Il avait suggéré de renoncer aux prétentions territoriales, faisant observer :
« L'unité africaine exige de chacun de nous le respect intégral de l'héritage que nous avons reçu du système colonial. C'est-à-dire le maintien des frontières actuelles de nos Etats respectifs. » Le message fut entendu. Pourtant, c'est seulement au sommet du Caire (21 juillet 1964) qu'une résolution de I'oua liera le respect de l'intégrité territoriale et le maintien des frontières tracées par le colonisateur. Ce texte « déclare solennellement que tous les Etats membres s'engagent à respecter les frontières existant au moment où ils ont accédé à l'indépendance ». Une position semblable avait également été adoptée par les non-alignés.
L'Etat est donc bien à l'abri, à l'intérieur de frontières sûres, reconnues par ses pairs. Pour couler des jours heureux, il n'hésite pas à se protéger contre son peuple. Il le fait en se militarisant. Il deent un Etat-caserne.
b) L'Etat-caserne. — Avec l'idéologie de la « sécurité nationale », l'Amérique latine est, là encore, aux avant-postes. Après avoir éclos aux Etats-Unis, à la fin de la seconde guerre mondiale, cette doctrine a été diffusée par l'Ecole supérieure de Guerre de Rio de Janeiro. Le maréchal Castelo Branco, quand il présidait aux destinées du Brésil, considérait que « développement et sécurité sont liés par une causalité réciproque ». Le général Golbery de Couto e Silva, conseiller du président Geisel et fondateur du Serce national de renseignement, a donné à cette théorie, dans sa Géopolitique du Brésil, en 1967, sa forme la plus achevée.
Par la suite, les écrits consacrés à ce thème se sont multipliés. En 1974, le général Pinochet publie une Géopolitique où il expose ses vues sur la guerre moderne. Il définit la géopolitique comme « la branche des sciences politiques qui, en se fondant sur la connaissance historique, économique, stratégique et politique du passé et du présent, étudie l'ensemble de la e humaine organisée sur un espace terrestre afin d'obtenir dans l'avenir le bien-être du peuple ». En 1975, José Alfredo Amaral Gurgel fait paraitre Sécurité et démocratie. La même année sort, signé par le général Meira Mattos, Brasil, Geo-politica e destino. Pour cet ancien capitaine du corps expéditionnaire brésilien en Italie durant la seconde guerre mondiale, l'idéologie de la sécurité nationale repose sur deux piliers : prospérité et paix sociale. Elle se veut l'expression politico-militaire d'une solidarité sant à protéger les bastions de la cilisation « occidentale et chrétienne » et a réduire 1' « ennemi intérieur », c'est-à-dire le marxisme.
La « sécurité nationale » a donné naissance, en matière institutionnelle, à la « démocratie » autoritaire. En général, le Parlement — suspendu ou dissous — est remplacé par des organes de type consultatif. L'exécutif prend souvent la forme d'une junte, parfois avec une façade démocratique. Un chef d'Etat cil est parfois mis en avant, mais les militaires agissent dans les coulisses et l'appareil judiciaire fonctionne sous un régime de liberté surveillée. C'est le règne de l'Etat-roi. Lui seul compte. Le peuple n'a pas voix au chapitre. Si les indidus résistent, ils sont éliminés. L'Etat parle et agit pour eux. Il détourne à son profit les aspirations les plus profondes des populations. L'Etat-minotaure veut donc tout régenter. Mais, à la longue, son appétit insatiable provoque un réveil des peuples. Les suspectant a priori, les Etats prennent une série de précautions pour se prémunir contre leur action.
B) Les Etats suspectent les peuples. — L'Organisation mondiale, issue des Etats, avait le choix entre deux solutions : ruser avec eux ou prendre leur défense. Elle parait avoir retenu la première formule. Cette situation permet de comprendre que certaines dispositions de la Charte puissent être considérées comme en contradiction avec le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. C'est le cas du paragraphe 4 de l'article 2 de la Charte qui énonce : « Les membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout autre Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies, n
Les résolutions déjà citées contiennent, elles aussi, des dispositions restrictives pour les peuples. Selon la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, « toute tentative sant à détruire partiellement ou totalement l'unité nationale et 1 intégrité territoriale d'un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations Unies Tous les Etats doivent observer fidèlement et strictement les dispositions de la Charte des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la présente Déclaration, sur la base de l'égalité, de la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et du respect des droits souverains et de l'intégrité territoriale de tous les peuples ». « Tout Etat doit respecter le droit des peuples et des nations à l'autodétermination et à l'indépendance et ce droit sera exercé librement en dehors de toute pression extérieure et dans le respect absolu des droits humains et des libertés fondamentales. »
On a, à juste titre, qualifié de « conservateurs » les espaces occupés par les organisations régionales. Qu'importent les peuples ! Ce sont les Etats qu'il faut sauver. L'oua n'échappe pas à la règle. C'est d'ailleurs à elle et à la Ligue arabe — on le sait — que s'en remet I'onu pour la qualification des mouvements de libération admis en son sein. C'est donc à ces instances d'ésectiuner certains mouvements et de décider que d'autres sont aptes à représenter leurs peuples. Les chartes de ces institutions n'accordent pas toujours la place qu'il mérite au droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Les signataires du pacte de la Ligue arabe (22 mars 1945) se déclarent, avant tout, « soucieux de cimenter et de renforcer » leurs liens sur le fondement « du respect de l'indépendance et de la souveraineté de ces Etats ». Mieux, « tout Etat membre s'engage à respecter le régime de gouvernement éli dans les autres Etats membres en le considérant comme un droit exclusif de chaque Etat. Il s'engage à s'abstenir de toute action tendant au changement de ce régime » (art. 8). Cependant, selon une annexe au pacte, « si la Palestine n'a pu disposer de ses destinées, il n'en est pas moins vrai que c'est sur la base de la reconnaissance de son indépendance que le Pacte de la Société des Nations de 1919 a réglé son statut ». Donc, si pour des raisons indépendantes de sa volonté, cette existence n'a pu s'extérioriser, « cette circonstance ne constitue pas un obstacle à la participation de la Palestine aux travaux du Conseil de la Ligue ». Ainsi, les Etats multiplient-ils les précautions. Celles-ci prises, ils peuvent plus facilement tolérer les peuples.
C) Les Etats tolèrent les peuples. — A partir du moment où ils sont sûrs d'eux-mêmes, où ils s'estiment invulnérables, les Etats se donnent le beau rôle. Us accordent leur bénédiction au principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Le rôle joué par I'onu a été décisif. Selon l'article 1er de sa Charte, elle reçoit mission de « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde ». De plus, l'article 55 évoque les « relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes ». Le caractère très général de ces formules appelait des précisions. Elles découleront de la pratique de la décolonisation et de l' « idéologie en action » qu'elle contenait. Il suffira de l'expliciter « pour lui conférer toute sa force révolutionnaire » (76, p. 224). Ce fut l'objet de la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960 — la Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux — et du Comité de décolonisation. Créé par la résolution 1654 (XVI) du 27 novembre 1961, il deendra l'organe essentiel de I'onu en matière de décolonisation.
Qu'en est-il dans la pratique ? On prendra d'abord comme exemple le cas de I'olp et la position de la France à son égard. A petits pas, M. Giscard d'Estaing lui a fait mener une politique d'ouverture. Le 21 octobre 1974, M. Sauvagnargues rencontre M. Arafat à l'ambassade de France au Liban. Un an après, le gouvernement français autorise « l'Organisation de la libération de la Palestine à ouvrir à Paris un bureau d'information et de liaison ». Le 8 novembre 1975, à Tunis, le Président de la République française évoque « le droit des Palestiniens à disposer d'une patrie ». François Mitterrand franchit un degré de plus le 4 mars 1983. « Le dialogue suppose — déclare-t-il — que chaque partie puisse aller jusqu'au bout de son droit, ce qui, pour les Palestiniens comme pour les autres, peut, le moment venu, signifier un Etat. »
Autre exemple significatif : celui de El Salvador. Deux Etats — la France et le Mexique — ont eu, à l'égard du Front Farabundo Marti pour la libération nationale et le Front démocratique révolutionnaire, une attitude particulièrement originale. Selon la Déclaration du 28 août 1981, « conscients de leurs responsabilités en tant que membres de la Communauté internationale et s'inspirant des buts et des principes de la Charte des Nations Unies », « les gouvernements français et mexicain reconnaissent que l'alliance du Front Farabundo Marti pour la libération nationale et du Front démocratique révolutionnaire constitue une force politique représentative, disposée à assurer les obligations et à exercer les droits qui en découlent », celui, en particulier, de participer « à l'instauration des mécanismes de rapprochement et de négociation nécessaires à la solution politique de la crise ».
Ce document consacre donc la légitimité de l'action menée par des mouvements de libération. Les pays signataires ont ainsi remédié à une carence de la Communauté internationale. L'Amérique latine, en effet, ne dispose pas d'organisation internationale « habilitée » — comme la Ligue des Etats arabes et I'oua — à accorder son label aux mouvements de libération les plus représentatifs. Devant la pression des événements, les gouvernements français et mexicain, se sont institués porte-parole de la société internationale pour dénoncer « l'extrême graté de la situation » à El Salvador. Le texte du 28 août 1981 est particulièrement encourageant pour les mouvements de libération dans leur ensemble. Ceux-ci savent, désormais, qu'il se trouvera peut-être, dans le monde des Etats, des hommes politiques pour légitimer leur action.
Ainsi, droits des peuples et droits des Etats sont intimement liés. Les droits des peuples et les droits des indidus sont tout aussi imbriqués.



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