NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » POLITIQUE éCONOMIQUE » La crise multidimensionnelle Y a-t-il une issue a la crise ?
La réponse de la droite : encore plus de marché A€ droite, la solution de la nouvelle droite20 pour surmonter la crise multidimensionnelle consiste A pousser plus loin la marchéi-sation. Mais, si nous examinons les effets possibles de cette politique, il devient clair qu'aucun des aspects de la crise multidimensionnelle que nous ans passés en revue n'est susceptible d'AStre résolu par le marché. Lorsqu'elle préconise de libérer totalement les forces du marché en privatisant davantage et en ramenant l'état A des proportions minimales, la droite ne propose donc rien d'autre que l'organisation rationnelle de l'inégalité. La nouvelle droite prétend que la libéralisation des marchés entraine une décentralisation du pouir économique, mais c'est manifestement faux. En réalité -j'ai essayé de le montrer dans ce livre -, c'est le contraire qui est vrai. Plus les marchés sont libéralisés, plus grande est la concentration du pouir économique en termes de revenus et de richesses. Il est révélateur que les états-Unis, qui ont toujours été le pays modèle de l'économie de marché, sont aussi -le pays industrialisé où l'inégalité des revenus et des richesses est la plus grande21 -. De plus, non seulement l'économie de marché ne comporte aucun mécanisme intrinsèque qui empAScherait les dégats écologiques, mais tous les contrôles sociaux efficaces pour protéger l'environnement sont de fait incompatibles avec sa logique et sa dynamique. La réponse de la gauche : renforcer la - société civile - A€ gauche, on cherche l'issue A la crise dans un renforcement de la - société civile -, c'est-A -dire les divers réseaux qui ne dépendent pas de l'état (syndicats. églises, mouvements civiques, coopératives, quartiers, écoles de pensée)- Cette perspective, grace au travail théorique des sociaux-démocrates modernes de l'école d'Habermas22, exerce aujourd'hui une influence considérable sur les sociaux-démocrates, les écosocialistes, et mASme les sociaux-libéraux et les partisans du projet de démocratie - radicale -. La solution A la crise multidimensionnelle qu'avancent les penseurs de la - société civile - parait radicalement différente de celle de la droite. Loin de uloir encore plus de marché, ils souhaitent que des limites (c'est-A -dire des contrôles sociaux) soient imposées aux marchés et A l'état par les réseaux de la - société civile -. Au lieu des privatisations, ils proposent une sorte de - pluralisme de marché - qui pourrait comprendre une large gamme d'acteurs intervenant sur le marché : entreprises familiales, firmes municipales ou A propriété publique, coopératives ouvrières, coopératives de consommateurs, organisations A but non lucratif, etc.23 Enfin, concédant que - la société civile laissée A elle-mASme engendre des rapports de pouir inégaux que seul le pouir d'état peut défier -, ils concluent : - Seul un état démocratique peut créer une société civile démocratique -24. Il est donc évident que l'approche de la - société civile- suppose une forte dose d'étatisme, exercé au niveau national ou transnational. Il est clair aussi que ses partisans, qui traitent d'utopistes les socialistes radicaux et les tenants du projet démocratique, sont en fait beaucoup moins réalistes qu'eux quand ils suggèrent qu'on pourrait remonter le temps pour retrouver l'époque de l'éta-tisme, période où l'économie de marché était nettement moins internationalisée qu'aujourd'hui. Manifestement, la théorie de la - société civile - est A la fois utopique, au sens négatif du terme, et anhistorique. De plus, la théorie de la - société civile - est fondamentalement anhistorique puisqu'elle ignore les changements structurels qui ont conduit A l'actuel consensus néo-libéral et A l'économie de marché internationalisée. Elle ne veut pas ir que la tendance A réduire au minimum les contrôles sociaux sur le marché, qui aujourd'hui l'emporte partout, n'est pas une simple politique mais le reflet de changements fondamentaux dans la forme de l'économie de marché. Toute tentative d'imposer un contrôle social effectif au marché entre donc nécessairement en conflit avec les exigences, en termes de compétitivité, de la reproduction de l'économie de croissance actuelle. Qu'est-ce qui pose problème chez les partisans de la - société civile - ? Sûrement pas leur refus de fonder leur stratégie sur la prise du pouir (la tactique étatiste traditionnelle) et leur choix d'une transformation sociale - par le bas -25. Le problème, c'est que leur théorie juge tout A fait naturel l'ensemble du cadre institutionnel de l'économie de marché, de la - démocratie - représentative et de l'état-nation : elle est donc aussi inefficace que celle de la droite pour analyser la crise multidimensionnelle. Que signifie l'acceptation de l'économie de marché? Que toute tentative des institutions autonomes (syndicats ouvriers, mouvements écologiques, etc.) pour contrôler effectivement le marché - afin d'atteindre des objectifs sociaux, écologiques et autres - va se briser contre la logique et la dynamique de l'économie internationalisée. Chaque essai d'introduire des contrôles de ce type aboutira inévilement A l'adoption de demi-mesures insignifiantes, compatibles avec le cadre institutionnel. Pensons par exemple au fiasco des conférences mondiales contre l'effet de serre. Et que signifie l'acceptation de la -démocratie- représentative ? Que les - injections - de démocratie directe proposées par ce courant serviront en réalité de vaccin contre la démocratie directe. Le préalable fondamental pour que s'instaure une conscience de citoyen actif, c'est que les citoyens eux-mASmes gèrent le processus politique (et pas d'autres - en leur nom -). Ces prétendus projets d'- extension de la démocratie - ne feront donc que renforcer la passivité des citoyens, en leur laissant croire qu'ils exercent le pouir politique, alors qu'en réalité celui-ci reste fermement aux mains d'une élite privilégiée et que la majorité en est réduite A jouer les - groupes de pression -, rebaptisés - contre-pouirs - ! Bref, il n'y a pas la moindre chance qu'un renforcement des institutions de la - société civile - mette fin A la concentration du pouir, ni qu'il permette de surmonter la crise multidimensionnelle en cours. Ce qui fonde cette conclusion, c'est que l'objectif-sinon toujours explicite, du moins implicite ' des adeptes de la théorie de la - société civile - est d'améliorer le fonctionnement des institutions existantes (l'état, les partis, le marché) afin de les rendre plus réceptives aux pressions venues d'en bas, alors qu'en réalité la crise vient de la nature mASme des institutions et pas de leur mauvais fonctionnement ! Mais, dans l'actuelle économie de marché internationalisée, réduire au minimum le rôle socio-économique de l'état ne constitue plus une option parmi d'autres pour ceux qui ont le contrôle de la production. C'est une condition nécessaire A leur survie. C'est particulièrement vrai pour le capital européen, qui doit rivaliser avec des capitalismes opérant A partir de bases où la tradition social-démocrate n'a jamais été puissante (les états-Unis, l'ExtrASme-Orient).
En dépit de l'immensité de la crise -objective- que nous venons de décrire, et qui a conduit A une situation où le système économique ne peut mASme pas répondre aux besoins essentiels d'un quart au moins, et peut-AStre d'un tiers, de la population mondiale27, l'économie de marché internationalisée n'est pas massivement contestée. De toute évidence, l'effondrement de l'économie de croissance - socialiste -, suivi du ralliement de la - gauche - au social-libéralisme, a constitué au niveau subjectif un facteur de pacification décisif. Le besoin d'un nouveau projet de libération, qui dépassera A la fois l'économie de marché et l'étatisme - socialiste -, n'en est que plus pressant. |
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