NAVIGATION RAPIDE : » Index » ECONOMIE » POLITIQUE éCONOMIQUE » Des marchés au système de l économie de marché internationalisée La mondialisation et la gauche
La gauche réformiste et la mondialisation Soulignons d'abord un point fondamental. MASme si, quand ils parlent de mondialisation, beaucoup pensent A la mondialisation économique, celle-ci n'est qu'un aspect - le principal, certes - de la mondialisation. On peut aussi parler d'une mondialisation technologique, politique, culturelle et sociale. Cela dit, le terme - mondialisation - ne me parait pas adapté A la forme actuelle de l'économie de marché. Il y a mondialisation lorsque existe une économie mondiale sans frontière, dont le nationalisme économique a été extirpé, et où la production elle-mASme a été internationalisée : les grandes firmes n'ont plus de lien ac un état et mettent en œuvre une division du travail interne intégrée, répartie dans de nombreux pays. L'internationalisation est une situation différente : les marchés ont été internationalisés, au sens où les frontières se sont ourtes A la libre circulation des capitaux et des marchandises (et, A l'intérieur de blocs économiques comme l'Union européenne, A celle de la main-d'œuvre aussi), mais les états-nations existent encore et partagent le pouvoir ac les firmes transnationales, dans le cadre d'un système où le rôle de l'état se trou progressiment réduit A une mission centrale : assurer un cadre sle au fonctionnement économiquement efficace du marché. Il est évident que la forme actuelle de l'économie de marché ne peut AStre qualifiée d'économie - mondialisée -, puisque la mondialisation, au sens que l'on vient d'indiquer, reste limitée55. J'appellerai - gauche réformiste - tous les intellectuels, mouments et partis de gauche qui donnent une explication - non systé-mique - de la mondialisation. Elle leur parait due A des changements exogènes dans la politique économique, et ils la jugent donc rérsible, mASme au sein du système de l'économie de marché. Relènt de la gauche réformiste tous ceux qui suggèrent dirses réformes pour améliorer le fonctionnement de l'économie de marché internationalisée (ne plus la fonder sur l'entreprise privée, abolir la déréglementation néo-libérale des marchés, etc.) ou qui lui adressent toute une série de critiques sans proposer A sa place une autre forme d'organisation sociale - parce qu'ils se rallient au rejet postmoderne de l'unirsalisme56, ce qui revient A tenir implicitement pour naturel le système actuel de l'économie de marché et de la - démocratie - représentati. On trou dans cette gauche réformiste sur la mondialisation les postmarxistes, les sociaux-démocrates et bien d'autres (Pierre Bourdieu, Immanuel Waller-stein, Noam Chomsky, Samir Amin, John Gray, Léo Panitch en font partie) : ils prennent enrs la mondialisation une position hostile mais réformiste. Plusieurs théories peunt AStre classées sous la rubrique - gauche réformiste -. Toutes ont un élément commun : A la différence des sociaux-libéraux bien plus réalistes, leurs auteurs estiment que la mondialisation n'est pas un phénomène nouau, qu'elle a déjA existé au XIXe siècle, puis réfléchissent aux moyens de lui résister (sans remettre en cause le système), généralement au motif que la mondialisation, outre ses effets négatifs sur les travailleurs et l'environnement, est aussi incompatible ac l'actuelle - démocratie -. Le postulat explicite (ou parfois implicite) que partagent les penseurs de la gauche réformiste, c'est qu'un retour A une forme d'étatisme reste possible : ils font cette hypothèse de base parce qu'ils voient simplement dans la mondialisation le produit d'une politique néo-libérale (voire une idéologie pour justifier cette politique), et non l'aboutissement d'un boulersement structurel fondamental. Ainsi, Bourdieu, ayant affirmé d'emblée que le néo-libéralisme est une utopie, essentiellement imposée par l'élite américaine, conclut qu'il faut se tourner rs - l'état national ou, mieux encore, supranational, c'est-A -dire européen (étape rs un état mondial), capable de contrôler et d'imposer efficacement les profits réalisés sur les marchés financiers ; capable aussi et surtout de contrecarrer l'action destructrice que ces derniers exercent sur le marché du travail57 -. De ce point de vue, - la mondialisation est plus un impératif politique qu'un fait économique58 - : c'est une stratégie qui vise A étendre au monde entier le modèle économique américain : La - globalisation - économique n'est pas un effet mécanique des lois de la technique ou de l'économie, mais le produit d'une politique mise en œuvre par un ensemble d'agents et d'institutions []. Le -marché mondial- est une création politique [], le produit d'une politique plus ou moins consciemment concertée. [] Ce qui est proposé et imposé de manière unirselle comme la norme de toute pratique économique rationnelle est en réalité l'unirsalisation des caractéristiques particulières d'une économie immergée dans une histoire et une structure sociale particulières, celles des états-Unis59. De mASme, Immanuel Wallerstein, qui adopte une position semblable A celle de Hirst et Thompson - sur laquelle nous reviendrons -, considère explicitement que la mondialisation en cours est de nature exogène (sinon idéologique) : Ce discours [de la mondialisation] est en fait un contresens gigantesque sur la réalité actuelle - une illusion que nous ont imposée des intérASts puissants, pis, que nous nous sommes imposée nous-mASmes, sount ac l'énergie du désespoir. [] En réalité, les processus dont il s'agit généralement quand nous parlons de mondialisation n'ont rien de nouau. Ils existent depuis cinq cents ans60. D'autres auteurs de la gauche réformiste adoptent une position analogue, par exemple Léo Panitch61 et Noam Chomsky62. Ils soutiennent aussi que la mondialisation n'est pas une nouauté, qu'elle constitue une sorte de conspiration néo-libérale d'origine américaine visant A promouvoir les intérASts du capitalisme américain. Ils conseillent au - moument - antimondialisation d'exercer une pression maximale sur les élites, pour forcer l'état-nation A résister A la mondialisation néo-libérale. Enfin, une autre thèse, soutenue par des sociaux-démocrates comme le professeur John Gray63, de la London School of Economies, dresse, A l'instar d'Eric Hobsbawm, l'acte de décès du néo-libéralisme64! La prétendue - fin de la mondialisation - est fondée, cette fois, sur l'actuel ralentissement de l'économie américaine et sur l'élection de George Bush A la présidence des états-Unis. Mais examinons d'un peu plus près les arguments qui amènent la gauche réformiste A conclure que la mondialisation est un - mythe - ou une idéologie, en nous référant spécifiquement A leur exposé probablement le plus systématique A ce jour, l'étude de Paul Hirst et Grahame Thompson67. Ces deux auteurs affirment que l'état-nation conser son importance dans le cadre de l'économie de marché internationalisée néo-libérale et défendent habilement leur thèse. Leur raisonnement peut AStre résumé ainsi : 1. L'actuelle économie très internationalisée n'est pas sans précédent : le degré d'ourture était d'ailleurs plus élevé en 1913 que dans /'après-Seconde Guerre mondiale68. Cet argument n'est pas confirmé par les chiffres. Certes, une importante internationalisation de l'économie de marché était déjA manifeste au début du xx siècle, mais celle d'aujourd'hui est bien différente, quantitatiment et qualitatiment. Elle est quantitatiment différente parce que le marché n'a jamais été aussi ourt : les affirmations contraires sont sans fondement. Ce n'est d'ailleurs pas surprenant, car les firmes transnationales sont bel et bien un phénomène nouau ! Les principaux indicateurs qu'utilisent Hirst et Thompson pour démontrer qu'il y aurait moins d'ourture aujourd'hui sont les taux d'ourture commerciale et financière au reste du monde. Mais, pour l'ourture financière, les travaux qu'ils citent A l'appui de leur thèse - ourture plus grande avant la Première Guerre mondiale qu'aujourd'hui - se fondent sur un outil statistique dont la validité n'est pas unirselle, puisqu'il donne des résultats absurdes dans le cas du pays détenteur de la principale monnaie de réser, les états-Unis69. Or d'autres indicateurs font apparaitre un accroissement spectaculaire de l'ourture financière. Alors que l'instissement direct étranger calculé en pourcentage du PIB des pays capitalistes avancés a presque doublé durant les vingt premières années de l'internationalisation en cours70, ce n'est mASme pas la composante principale de la gigantesque augmentation actuelle de la circulation des capitaux ! Le premier rôle revient aux mouments spéculatifs. Les flux spéculatifs/transactions sur les devises ont été multipliés par quatorze en quinze ans de mondialisation (ils sont passés d'environ 25 000 milliards de dollars par an en 1983 A plus de 350 000 en 1998), tandis que les mouments de capitaux liés au commerce mondial et A l'instissement direct étranger n'ont fait que doubler pendant la mASme période (en passant d'un peu moins de 3 000 milliards de dollars en 1983 A près de 7 000 en 1998). Bref, aujourd'hui environ 1 000 milliards de dollars changent de main chaque jour. Quant A l'ourture commerciale, contrairement aux chiffres avancés par Hirst et Thompson, elle est loin d'AStre inférieure aujourd'hui A ce qu'elle était avant la Première Guerre mondiale, et elle a très sensiblement augmenté dans le dernier quart du xxe siècle (la période de la mondialisation néo-libérale). Elle s'est accrue, par exemple, pour toutes les grandes puissances commerciales énumerées dans le leau ci-dessous (sauf le Japon) tout au long de la période d'après-guerre. Résultat : le taux moyen d'ourture est passé de 43,6% en 1913 A 48,3 % en 1996. De plus, suivant des données récentes, il a augmenté très rapidement durant les toutes dernières années, pour atteindre 53,4% en 1998. De toute évidence, lorsque Hirst et Thompson affirment que l'ourture internationale était plus grande en 1913 qu'aujourd'hui (en se fondant, curieusement, sur des chiffres qui s'arrAStent en 1973, c'est-A -dire avant le début de la mondialisation actuelle !), leur thèse n'est pas du tout confirmée par les faits. Enfin, l'actuelle internationalisation est qualitatiment différente de la précédente. Celle-ci était fondée sur les états-nations, et non, comme aujourd'hui, sur les firmes transnationales. Le degré d'ourture (officielle ou non) des marchés des biens et des capitaux était bien plus limité autrefois qu'aujourd'hui, et il a joué un rôle crucial pour déterminer l'- agent- de l'internationalisation dans chaque période. Il a été essentiel aussi pour fixer l'ampleur de la souraineté économique de l'état. Tant que le degré d'ourture des marchés est resté relatiment faible (jusqu'au milieu des années 1970), les états ont pu exercer un contrôle important sur le niau de l'activité économique, par leur politique monétaire, leur politique budgétaire et leur gestion du taux de change. Mais dès qu'il s'est mis A monter (en raison de l'expansion des FTN), les états-nations ont perdu une part importante de leur souraineté économique. Les politiques budgétaires offensis pour contrôler l'activité économique ne sont plus réalisables quand les marchés des biens et des capitaux sont ourts, et le degré actuel d'intégration des économies de marché rend tout aussi impossibles des politiques monétaires vraiment dirgentes. 2. Les firmes authentiquement transnationales semblent relatiment rares. La plupart ont une base nationale73. L'important ici n'est pas la proportion des firmes transnationales dans l'effectif total des entreprises, mais le pouvoir qu'elles exercent, et les données statistiques, sur ce point, sont concluantes. Dans les années 1990, les cinq cents premières firmes transnationales contrôlaient 70% du commerce mondial, 80% de l'instissement étranger et 30 % du PIB mondial74. De plus, il ne s'agit pas de se demander si les firmes transnationales ont ou non une base nationale, mais si leurs activités - en particulier le commerce, l'instissement et la production - s'étendent loin au-delA de leurs frontières nationales. Dans cette optique, une base nationale reste très utile aux FTN pour s'assurer des avantages sur leurs concurrents, et cette réalité est parfaitement compatible ac la marchéi-sation de l'économie qui aujourd'hui s'accélère. 3. Aujourd'hui, l'économie mondiale n'est pas authentiquement mondialisée, puisque le commerce, l'instissement direct étranger et les flux financiers sont concentrés dans les -pays de la Triade - - ceux des trois grandes régions économiques (Amérique du Nord, Union européenne et Japon)15. Il est vrai que le gros du commerce industriel des économies de marché avancées s'effectue entre elles, et que seule une petite fraction (environ 1,5 % si l'on exclut la Chine) a lieu entre elles et le Sud76. Mais cet argument n'infirme pas l'existence de la mondialisation, il critique le type de mondialisation qui est en cours. L'expansion de l'économie de marché a toujours été inégale, et son internationalisation aussi : c'est un effet de sa nature fondamentalement autorégulatrice. Il serait donc absurde d'attendre autre chose de l'internationalisation d'aujourd'hui, fondée sur le degré de marchéisation le plus élevé de l'histoire. Toute internationalisation de l'économie de marché sera forcément concentrée dans le Nord, qui a déjA acquis, au fil du processus de marchéisation, des avantages atifs bien ancrés en termes de productivité et d'efficacité, de technologie et de compétitivité77. Quel type de réglementations et de contrôles peut-on mettre en place dans une économie où les marchés sont ourts ? Telle est la question ici. Elle se pose d'autant plus que les auteurs eux-mASmes admettent implicitement l'impossibilité de prendre des mesures efficaces pour assurer le plein emploi, quand ils baptisent - radicale - mASme cette visée-lA 79 - qui a été le but principal de la social-démocratie tout au long de la période du consensus social-démocrate ! Remarquons aussi que, lorsqu'ils envisagent la possibilité d'une - noulle rsion polycentrique de l'économie mixte - se donnant des objectifs - ambitieux -, ils ne mentionnent qu'une seule condition : - une politique extrASmement coordonnée des membres de la Triade80 -. Mais ce qu'ils n'expliquent pas, c'est ce qui pourrait inciter les élites qui dominent la Triade A créer une noulle économie mixte mondialisée. Ils n'avancent A l'appui d'une telle hypothèse qu'un seul argument, la vieille théorie de la sous-consommation : la reproduction de l'économie de croissance ne serait pas assurée dans un contexte d'inégalités fortes qui entraineraient inévilement une demande faible81. Mais ce raisonnement ignore un fait patent : l'économie de croissance n'a eu jusqu'A présent aucune difficulté A se reproduire - et elle n'en aura pas tant que la - société des deux tiers - augmentera sa consommation. Si la gauche réformiste aboutit A cette conclusion absurde, c'est qu'elle est partie soit d'une analyse marxiste grossière qui ne voit aucune différence entre l'internationalisation en cours et celle de la fin du xixe et du début du xxe siècle (voire avant, suggère Waller-stein), soit - c'est le cas de Hirst et Thompson - d'une analyse anhistorique de l'économie mondiale actuelle qui ne voit dans son internationalisation qu'un phénomène conjoncturel et non un changement structurel82. Ces deux démarches conduisent A la mASme conclusion : l'économie - mondialisée - d'aujourd'hui reste - gournable -, et, pour lui imposer un système directeur efficace, il n'est besoin que d'une efficace pression du -moument- antimondialisation. Mais pourquoi les contrôles sociaux efficaces sur l'économie de marché internationalisée sont-ils irréalisables? Voyons d'abord ce que peut faire l'état. Si nous pensons A l'ampleur de la pénétration étrangère sur les Bourses et les marchés obligataires depuis un quart de siècle, nous voyons bien qu'aujourd'hui aucun gournement national ne peut suivre une politique économique désapprouvée par les marchés des capitaux : ils ont les moyens d'exercer une pression économique intolérable sur la capacité d'emprunt, le taux de change et les flux d'instissement du pays. Supposons qu'un parti social-démocrate, s'orientant résolument A contre-courant, décide de renir sur la flexibilité des marchés du travail ou prenne des mesures énergiques pour ralentir l'effet de serre : on pourrait aisément montrer que, dans un contexte où les capitaux circulent librement, ils vont fuir ce pays, ce qui mettra A rude épreu sa devise et les cours de sa Bourse, événements qui risquent fort d'entrainer une récession, voire une crise économique extrASmement gra. C'est pour cela que Mitterrand et Jospin ont dû abandonner toute idée de recours aux anciennes politiques social-démocrates, et que Lafontaine a été éjecté du gournement quand il a tenté d'accroitre la ponction fiscale sur les firmes allemandes83. Pour les blocs économiques, la situation n'est guère différente. Si l'Union européenne, par exemple, tentait de suivre le type de politique qui dominait au temps du consensus social-démocrate -prendre des mesures d'extension de l'état-providence sans souci de leur impact sur l'inflation - ou d'introduire des contrôles environnementaux stricts sans souci de leur impact sur la renilité, elle serait aussitôt confrontée au risque d'une fuite des capitaux de grande ampleur rs les autres blocs, qui aurait de gras répercussions sur le taux de change de sa monnaie, l'euro, ac les devises de ces autres blocs - d'autant plus que la faiblesse chronique de l'euro vis-A -vis du dollar parait déjA refléter la persistance en Europe de stiges de l'état-providence plus importants qu'aux états-Unis. Le processus d'internationalisation en cours et le degré d'ourture atteint imposent une homogénéisation des contrôles sociaux sur les grandes économies de marché. Puisque, dans un cadre concurrentiel, cette homogénéisation est fondée sur le prin-cipe du - plus petit dénominateur commun -, et qu'il y a aujourd'hui disparité des contrôles sociaux dans les pays de la Triade, s'imaginer que des contrôles sociaux efficaces peunt encore AStre introduits (A l'initiati de l'état ou de la - société civile -) devient absurde. Les idées avancées actuellement par certains membres de la gauche réformiste, qui interprètent la mondialisation comme une tentati des états-Unis d'imposer leur propre rsion du capitalisme de libre marché, A laquelle pourrait résister une Union européenne optant pour le marché social84 ou, pire encore, pour un nouau type de - bon - nationalisme85, ne font donc que refléter l'actuelle démoralisation de la gauche et son inclination A croire A des mythes utopiques. A€ ce stade du raisonnement, on pourrait encore demander : ne pourrait-il pas y avoir un accord international de tous les pays de la Triade (le G7 + 1, par exemple) pour imposer ce type de contrôles efficaces? Mais cette idée n'est qu'une hypothèse d'école : quiconque a la moindre connaissance de la dynamique historique de l'économie de marché, et des structures de pouvoir politiques et économiques qui en ont résulté, peut l'assurer. Pour une raison simple : ces contrôles contrediraient radicalement la logique et la dynamique de l'économie de marché internationalisée, et seraient donc la cible d'une offensi directe et indirecte des firmes transnationales superpuissantes qui contrôlent non seulement les économies de marché mais aussi les mass média (d'une importance cruciale pour la promotion des professionnels de la politique), et, bien sûr, les sources de financement des camnes électorales, immensément coûteuses. Demander aujourd'hui que des dispositifs sociaux soient imposés aux élites économiques pour protéger efficacement le travail et l'environnement (au-delA de contrôles purement réglementaires ou relatiment indolores sur leurs activités), c'est demander que l'on entra la dynamique mASme du système de l'économie de marché, car elle dépend étroitement de la santé économique de ces élites et en particulier de celle des firmes transnationales. Sur ce point, les économistes libéraux, néo-libéraux et sociaux-libéraux ont toujours eu raison : tout contrôle social efficace sur les marchés pour protéger le travail et l'environnement amoindrirait nécessairement l'efficacité économique (telle qu'elle est actuellement définie), donc les profits, et par conséquent les renus et la fortune des élites économiques. De toute évidence, le virage A droite général qui caractérise la forme néo-libérale de la modernité a porté beaucoup de militants de gauche sur les anciennes positions des sociaux-démocrates, qui sont passés, eux, au social-libéralisme et ont accepté, en réalistes, l'irrérsibilité de la mondialisation actuelle. Ce n'est pas surprenant : reconnaitre A l'actuelle mondialisation une nature systé-mique aurait de sérieuses conséquences politiques. Si la gauche le faisait, elle serait aussitôt confrontée A un gra dilemme : soit se rallier A la mondialisation ac quelques résers (comme le font les sociaux-libéraux), soit la rejeter totalement et attaquer de front l'institution fondamentale qui y a conduit : le système de l'économie de marché. Il est clair que la gauche d'aujourd'hui, démoralisée et en général conformiste (sount via le postmodernisme), a choisi une voie intermédiaire entre ces deux - extrASmes - : rendiquer d'importantes réformes dans l'économie mondialisée. Mais elles sont fort improbables au sein du système de l'économie de marché. La mondialisation comme - empire - Outre la théorie de la classe capitaliste transnationale dont j'ai fait état, une autre conception marxiste est apparue tout récemment : elle perA§oit la mondialisation comme un - empire -. Il s'agit d'une rsion plus raffinée de la thèse du complot capitaliste. Le capital, confronté A une crise de son aptitude A - maitriser sa relation conflictuelle ac le travail par une dialectique sociale et politique -, s'est livré A une double agression contre lui : d'abord une camne frontale contre le - corporatisme - et les conntions collectis, puis un réaménagement du lieu de travail par l'automation et l'informatisation, qui lui a permis d'exclure de la production le moument ouvrier lui-mASme87. Selon l'hypothèse avancée par Hardt et Negri, - le néo-libéralisme des années 1980 a constitué une révolution par en haut -. Cette - révolution -, soulignent-ils dans leur dernier livre88, a été motivée par la montée des luttes du prolétariat, qui ont été le - moteur de la crise - des années 1970, elle-mASme inscrite dans les cycles objectifs et inéviles de l'accumulation capitaliste. La conclusion que tirent Hardt et Negri - et qui constitue la thèse centrale d'Empire - est la suivante : la mondialisation actuelle n'élit aucun centre territorial de pouvoir, et ne s'appuie pas sur des frontières et des barrières fixes ; c'est un appareil de domination décentré et déterritorialisé qui intègre progressiment l'ensemble de l'espace mondial au sein de ses frontières ourtes, en expansion ; il faut donc lui faire bon accueil, puisqu'elle est la dernière en date des concessions du capital A la force de la subjectivité rebelle et qu'elle sème les germes d'une tout autre mondialisation (communiste) ; notre tache politique, affirment ces auteurs, n'est pas de résister simplement A ces évolutions, mais de les réorganiser et de les réorienter A de noulles fins. Ce qu'il importe de noter au sujet de cette analyse - essentiellement fondée sur des postulats erronés quant A la nature de l'état-providence (qui, selon les auteurs A 'Empire, existe toujours dans la modernité néo-libérale, alors qu'en réalité on le remplace partout par des - filets de sécurité -) et sur une analyse confuse et contradictoire de la mondialisation néo-libérale ', c'est que, comme les théories de la gauche réformiste, elle débouche sur des rendications réformistes et ne donne aucune vision claire d'une société future. Cela dit, si la mondialisation néo-libérale n'est pas un complot et n'est pas rérsible au sein du système de l'économie de marché, il n'en découle évidemment pas qu'il faut l'accueillir A bras ourts, comme le proposent Hardt et Negri, parce qu'elle offrirait une base - objecti - sur laquelle on pourrait batir une autre mondialisation. Ce raisonnement rappelle le type d'analyse - objecti-viste - bien connu sur les - maux nécessaires - que créerait le Progrès. Comme je l'ai souligné ailleurs89, adopter l'idée de Progrès (que très peu de gens partagent aujourd'hui) oblige A admettre des conclusions aussi - progressistes - que la thèse marxiste sur le rôle - progressiste - du colonialisme90 ou la thèse anarchiste qui fait de l'état un - mal socialement nécessaire -91. Mais, si nous considérons qu'aucun processus de progrès, linéaire ou dialectique, n'est A l'œuvre, donc aucun - évolutionnisme - rs des formes d'organisation sociale ancrées dans l'autonomie, si nous postulons au contraire que les tentatis historiques d'autonomie/démocratie représentent une rupture ac le passé, nous pourrons voir dans des formes de changement social comme le colonialisme et l'institution de l'état des - maux sociaux -, tout simplement, qui n'ont absolument rien de nécessaire, ni dans leur émergence historique, ni pour la forme que le changement social a prise depuis ou prendra A l'anir. Il en va de mASme de la mondialisation néo-libérale. Intrinsèquement, elle n'a rien de - nécessaire -. Elle est simplement l'aboutissement inévile d'un choix initial qui a été imposé A la société par les élites économiques et politiques : le choix de l'économie de marché et de la - démocratie - représentati92. De plus, la mondialisation néo-libérale ne peut absolument pas servir de - base objecti - A une noulle société démocratique. Bien au contraire : cette société devra défaire ce qui passe actuellement pour de la démocratie politique et économique, et créer des institutions réellement démocratiques, qui n'auront pratiquement aucun rapport ac celles que l'on prétend telles aujourd'hui. Si, par - société démocratique - nous entendons une société noulle fondée sur la répartition égale du pouvoir (et le terme ne peut avoir aucun autre sens) - par exemple celle qu'envisage le projet de démocratie générale -, nous n'y accéderons que par une rupture ac le passé et non par une évolution. L'actuelle mondialisation néo-libérale est bien loin de constituer la base objecti d'une telle société ! |
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