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ECONOMIE

L’économie, ou l’activité économique (du grec ancien οἰκονομία / oikonomía : « administration d'un foyer », créé à partir de οἶκος / oîkos : « maison », dans le sens de patrimoine et νόμος / nómos : « loi, coutume ») est l'activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l'échange et la consommation de biens et de services. L'économie au sens moderne du terme commence à s'imposer à partir des mercantilistes et développe à partir d'Adam Smith un important corpus analytique qui est généralement scindé en deux grandes branches : la microéconomie ou étude des comportements individuels et la macroéconomie qui émerge dans l'entre-deux-guerres. De nos jours l'économie applique ce corpus à l'analyse et à la gestion de nombreuses organisations humaines (puissance publique, entreprises privées, coopératives etc.) et de certains domaines : international, finance, développement des pays, environnement, marché du travail, culture, agriculture, etc.


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Liberté et déterminisme : la question de la troisième antinomie et le problème de la reconnaissance d'autrui

Se fondant sur une reprise systématique du projet de la Dialectique transcendantale de Kant, la philosophie de l'histoire du jeune Fichte ne s'inscrit donc pas, comme le ut une légende tenace, dans un retour extravagant à la métaphysique idéaliste : le moument qui conduit de la déconstruction du dogmatisme (dont le corrélat inévile est une théorie de la ruse de la raison) à une pensée de l'histoire comme effet de la liberté est déjà présent au cœur de la structure même des Principes de 1794. En ruinant l'illusion d'un moi absolu — illusion théorique d'un substrat antérieur à l'apparition du monde, de la temporalité et de l'intersubjectivité — les Principes transforment ce moi absolu en une simple Idée pratique ouvrant l'humanité à son anir, et Fichte retrou assurément ici l'inspiration qui était celle de la Critique de la raison pratique1.
Fichte déloppe, ac une rigueur inégalée dans la postérité kantienne, les conditions de possibilité ultimes d'une vision morale du monde, c'est-à-dire, ne l'oublions pas, de la seule philosophie de l'histoire en laquelle l'événement historique soit vérilement pensé comme un effet de la volonté libre de l'homme. On conviendra qu'il est fort difficile, dans ces conditions, de ne pas éprour quelque admiration, voire quelque sympathie, pour ce projet philosophique, dont il est par ailleurs permis de redouter les conséquences « révolutionnaires » : qui pourrait prétendre en effet avoir extirpé jusqu'en ses racines les plus profondes le sentiment que nos actions sont, au moins dans certains cas, bel et bien l'effet de notre libre volonté ? La critique rationaliste ou « phénoménologique » de l'idée de volonté parvient peut-être à convaincre théoriquement celui qui s'y livre ; elle ne pourra jamais supprimer ce moment d'autoréflexion en lequel « l'illusion » qu'on prétendait pourchasser reprend ses droits. Comme le remarque R. Aron, commentant Max Weber, « il n'y a aucun homme d'action qui agisse en se disant que, de toute façon, « cela reviendra au même » », ce qu'il devrait pourtant faire, ajouterai-je, s'il pensait vraiment que l'événement historique est « l'effet » d'une nécessité ou d'un « miracle de l'être ». L'argument est peut-être banal, il est pourtant irréfule.
Reste toutefois à dépasser le « sentiment ». Comme je l'ai suggéré en avant-propos2, la première et principale difficulté à laquelle se heurte la vision morale du monde — et Fichte lui-même ne s'y est pas trompé — est liée à la question de sa compatibilité ac le mécanisme, ac la loi naturelle du principe de causalité. Nous touchons ici le redoule problème posé par la troisième antinomie de la Critique de la raison pure : nous avons certes le sentiment, au moins dans certains cas, d'agir librement (c'est-à-dire, volontairement), mais comment ce sentiment pourrait-il être autre chose qu'une pure illusion au regard du mécanisme, ou, si l'on ut, du déterminisme qui affirme la nécessité absolue de l'enchainement des événements dans le monde ?
Ce conflit prend chez Kant, comme on sait, la forme d'une antinomie, la thèse affirmant la nécessité d'admettre, en plus de la causalité naturelle, « une causalité libre pour l'explication des phénomènes », l'antithèse soutenant au contraire qu'il « n'y a pas de liberté » mais que « tout arri dans le monde selon des lois de la nature ». Comme dans toute antinomie1, la contradiction se présente comme absolue, comme relevant du tiers exclu de sorte qu'il semble (c'est là l'apparence, la « dialectique ») qu'il faille choisir entre l'une ou l'autre des deux propositions (selon qu'on tient à la liberté, c'est-à-dire à la possibilité de la moralité, ou au contraire, à la rationalité, c'est-à-dire à la possibilité de la science).
La « solution critique » de cette antinomie est bien connue. Je me bornerai à en rappeler brièment le principe : elle consiste à montrer comment ces jugements en apparence contradictoires sont en vérité conciliables puisqu'ils prennent chacun le sujet de leur énoncé en un sens différent (ce ne sont pas des « contradictoires », mais des « subcontraires ») : il sera donc finalement possible d'affirmer, ac l'antithèse, que le mécanisme vaut bien pour le monde en tant que phénomène, tandis que la liberté, comme le ut la thèse, reste pensable (sinon connaissable) dans le monde en tant que noumene.
Cette « solution » soulè à vrai dire autant de difficultés qu'elle en résout. Comme le montre J. Rilaygue2 — et c'est là un des enjeux principaux de la querelle qui opposa, à Davos, Heidegger et Cassirer — il est en premier lieu bien difficile de concilier l'idée même de liberté (de causalité intelligible, nouménale) ac la théorie kantienne de la signification qui exige qu'un concept soit tempo-ralisé (schématisé) pour recevoir un sens. Il est ensuite si malaisé de concevoir comment, dans un cas concret (l'événement historique), liberté et causalité se concilient qu'on ne saurait envisager d'exposer ici les dirses interprétations proposées par les commentateurs de Kant, tant leur nombre est élevé1. Qu'il me suffise d'indiquer dans quelle mesure la solution que Kant devait lui-même donner de cette antinomie dans la première Critique ne pouvait manquer de laisser le jeune Fichte insatisfait.
Comme l'a montré A. Philonenko — dont le lecteur doit avoir présent à l'esprit, pour une bonne compréhension de ce qui va suivre, les principaux essais sur la question2 — Fichte devait mettre à jour l'inconvénient fondamental, au regard d'une vision éthique de l'histoire, de la solution de cette troisième antinomie : la distinction du monde sensible (phénoménal, dominé, semble-t-il de part en part, par la causalité naturelle) et du monde intelligible (nouménal, en lequel la liberté reste possible,) parait bien impliquer en effet : 1) que les actions humaines sont, en tant que phénomènes, intégralement soumises au déterminisme, et 2) qu'il est rigoureusement impossible, au niau des phénomènes, de distinguer une action libre d'une action déterminée. De là le célèbre texte de Kant que A. Philonenko, après Cassirer, juge « dialectique » au mauvais sens du terme, et qui semble justifier intégralement, toujours au niau des phénomènes (mais l'objet de la science historique est-il autre que phénoménal ?) le spinozisme : « On peut accorder que s'il était possible pour nous d'avoir de la manière de penser d'un homme, telle qu'elle se montre par des actions internes aussi bien qu'externes, une connaissance assez profonde pour que chacun de ses mobiles, même le moindre, fût connu en même temps que toutes les actions extérieures qui agissent sur ces derniers, on pourrait calculer la conduite future d'un homme ac autant de certitude qu'une éclipse de lune ou de soleil »*.
A. Philonenko (avant de nuancer par la suite son jugement — comme il convient dans toute analyse de Kant) n'hésitera pas à écrire que : « Ce texte contesle est terrifiant pour la doctrine kantienne de la liberté : j'ignore une chose et c'est que je suis transcendantalement libre () et je sais aussi une chose, et c'est qu'en le monde sensible tous mes actes peunt être justement calculés aussi bien qu'une éclipse de Lune ou de Soleil. S'il faut exister ainsi, c'est affreux ! Ah ! sans doute les lois de la nature sont préservées, mais la liberté ? »*. Contesle, terrifiant et affreux, peut-être, mais, comme l'avait vu Fichte, conséquence inévile de l'affirmation de la validité absolue du mécanisme au niau des phénomènes : « Où se trou la limite des êtres raisonnables ? En effet les objets de mes actions ne sont jamais que des phénomènes dans le monde sensible; quels seront parmi les phénomènes ceux auxquels j'appliquerai le concept d'être raisonnable et ceux auxquels je ne l'appliquerai pas ? Tu le sais fort bien toi-même ! devrait répondre Kant. Mais si cette réponse est très juste, elle est toutefois rien moins que philosophique. Je monte sur un cheval, sans lui demander la permission et sans vouloir à mon tour lui servir de monture : mais pourquoi ai-je plus de scrupules enrs le loueur de chevaux ? »2. Ce texte, comme ceux qui précèdent, fera (on l'espère) sourire. Et pourtant, à partir de la solution de la troisième antinomie, c'est bien, ajoute Fichte, « une question très sérieuse que celle de savoir si, appuyé sur l'opinion générale, je ne monte pas ni ne chevauche sur un cheval aussi injustement que le seigneur russe qui, lui aussi appuyé sur l'opinion générale, chasse, nd et par plaisanterie fouette ses serfs »3. Et comment, dans la perspecti qui semble être celle de Kant (que l'on songe à la démonstration, dans la « deuxième analogie », de la validité du principe de causalité comme jugement déterminant constitutif de l'expérience), répondre à ces questions ?
Fichte, sans doute, a jugé que cela était impossible. « A ma connaissance », écrit-il au deuxième chapitre de la Grundlage des Naturrechts en un texte qu'il faut citer presque intégralement, « la question de savoir comment nous en nons à transposer sur certains objets du monde sensible le concept du raisonnable et à d'autres non () n'a jamais nulle part été résolue (). Kant dit : agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse être le principe d'une législation unirselle. Mais qui doit être compté comme appartenant au royaume régi par cette législation () ? J'agis pourtant tous les jours sur des animaux ou des objets inanimés sans jamais prendre en quelque façon au sérieux la question posée. Certes on me dit : il va de soi que la formule kantienne ne vaut que pour des êtres capables d'avoir la représentation de lois, donc des êtres raisonnables, et j'ai bien, c'est vrai, au Heu d'un concept indéterminé, un autre concept. Mais cela ne répond pour autant en aucune façon à ma question. Car d'où sais-je qu'un objet déterminé est un être raisonnable ? Appliquera-t-on par exemple ce concept seulement à l'Européen blanc ou aussi au Nègre, à l'adulte seul ou aussi à l'enfant, et pourquoi pas non plus au fidèle animal domestique ? »*.
Fichte ne voulait pas dire, on s'en doute, que cette question avait une importance autre que purement philosophique2, confiant qu'il était (peut-être à tort !) qu'il ne viendrait à l'esprit d'aucun homme de douter que son semblable fût son semblable3. Mais il voulait souligner — et ac quelle perspicacité — qu'à défaut d'une réponse à cette question, le principe suprême de la vision morale de l'histoire, l'impératif catégorique lui-même, « n'avait ni applicabilité ni réalité » dans un monde phénoménal à jamais dominé par le déterminisme mécaniste. Exigeant « que la liberté se présente dans le monde sensible »4, refusant de se satisfaire du discours de « ces pitoyables bavards » qu'étaient à ses yeux les kantiens « orthodoxes » — lesquels ont toujours eu tendance à suivre la lettre du kantisme au mépris de leur propre intelligence —, Fichte n'a-t-il pas été contraint de franchir les limites du criticisme, c'est-à-dire, les limites de la finitude humaine ? N'a-t-il pas encouru le risque d'échafauder une philosophie morale qui soit — pour utiliser une analogie dont le sens devrait maintenant être clair — à l'ontologie pratique ce que Phégélianisme est à l'ontologie théorique, bref, le risque de confondre le sens et la vérité, la méthode et l'être ? Difficile question qui exigerait à vrai dire une interprétation exhausti de l'évolution de la philosophie fichtéenne. A. Philonenko lui-même a pu écrire qu'en cette voie Fichte s'était vu « contraint de franchir les limites de la phénoménologie kantienne », ici résidant le « grand défaut de sa philosophie, défaut lui aussi partiellement responsable du déloppement onto-théologique de la Doctrine de la science après 1801 ».



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