La première logique de l'intervention publique sur le
marché du trail consiste à assurer une libre circulation des trailleurs. Selon une conception qui s'inscrit dans le cadre de la statique concurrentielle, la priorité doit être
donnée à la libre circulation des trailleurs, à la réalisation d'un vérile « marché commun », qui englobe, non seulement le marché unique des biens et des services, mais aussi le marché des capitaux et le marché du trail. C'est J. Meade (1955), qui a, le premier, analysé les effets des mouvements de facteurs et qui a conclu que la libre circulation des facteurs accroit le gain obtenu dans l'Union en réduisant les raretés relatives des facteurs de production. De même que la libre circulation des produits doit permettre une meilleure allocation des richesses et une stimulation de la concurrence, de même la mobilité du trail est censée inciter les individus à se déplacer des zones à fort taux de
chômage et à faibles salaires vers les zones où les emplois sont plus nombreux et mieux rémunérés (ceux dont la
productivité marginale est la plus élevée), d'où doivent résulter une meilleure allocation des ressources, une amélioration de la situation des trailleurs et une baisse du chômage '. Le
volontarisme étatique en matière sociale, dans cette perspective, engendre des entraves au jeu du marché et ne peut qu'en affecter la flexibilité et donc l'efficacité.
Le soubassement théorique et idéologique d'une telle problématique est discule. Le concept de « marché commun » met sur un même pied la libre circulation des biens et des services et celle des « facteurs de production », trail et capital. D'où résulte une vision idéalisée d'un marché du trail assimilable au marché des produits et au marché du capital. Non seulement cette conception du trail homogène renvoie à la conception d'une
économie pure qui fait l'impasse sur les différences institutionnelles et historiques des
marchés du trail nationaux, mais elle tend à réduire le contrat de trail à un simple échange entre une certaine somme de monnaie et le résultat prévisible d'une intervention humaine. Or, les analyses récentes du marché du trail s'intéressent aujourd'hui à la manière dont le contrat de trail et les règles salariales tentent de pallier l'imprévisibilité de l'activité humaine (Perrot, Reynaud et Morin, 1990 ; Reynaud, 1992). Dans cette perspective, la rigidité des salaires réels à la baisse et les institutions telles que les syndicats ne sont pas les scories de facteurs sociaux et politiques qui viendraient, de l'extérieur, troubler le bon fonctionnement de l'économie, mais résultent de comportements rationnels des agents dans un environnement économique
marqué par l'incertitude. Dès lors, l'organisation du trail s'inscrit dans des contextes (l'entreprise, la branche, le marché du trail local ou national) que l'analyse économique ne peut éliminer, sous couvert d'une conception du trail homogène.