NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » LA CONSTITUTION » Declaration des droits de l homme et du citoyen Préambule de la constitution de i946
(1) Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d'asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple franA§ais proclame A nouveau que tout AStre humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. On sait que c'est en recourant A cette notion que le Conseil constitutionnel a, pour la première fois, censuré une loi prise en violation des principes contenus dans le préambule de la Constitution (71-44 DC, supra, 367). Aussitôt s'est manifestée la crainte de voir le juge constitutionnel inventer, au gré de ses besoins, voire de ses lubies, des principes qu'il imposerait au législateur. Le Conseil est trop avisé pour alimenter ce procès. Aussi a-t-il lui-mASme défini, discrètement (88-244 DC), les conditions que devait réunir un principe pour AStre considéré comme appartenant A cette catégorie. Il faut qu'il ait été mis en ouvre, premièrement, sans discontinuité, deuxièmement, par des dispositions législatives, troisièmement, adoptées par un Parlement républicain, quatrièmement, avant 1946. Dès lors que fait défaut n'importe lequel de ces quatre éléments, il ne s'agit pas d'un principe fondamental reconnu par les lois de la République. Mais cela ne signifie pas que la présence simultanée des quatre suffise, aux yeux du Conseil constitutionnel, A faire entrer de plain-pied un principe dans la catégorie. En effet, confronté A la question du droit du sol, selon lequel tout enfant né en France a droit, de ce fait, A acquérir la nationalité franA§aise, le juge, tout en constatant implicitement que les quatre conditions étaient réunies (il n'y a eu discontinuité que sous le régime de Vichy, que le Conseil ne pouvait songer A invoquer), la décision relève que cette disposition, instituée par la loi du 26 juin 1889, confirmée par celle du 10 août 1927, l'a été - pour des motifs tenant notamment A la conscription - (93-321 DC). Le Conseil se livre ainsi A un contrôle rétrospectif, pour faire le départ entre ce qui résultait de la vérile volonté d'ériger un principe et ce qui n'était que le fruit de contingences, accidentellement répétitives. 508. C'est ce qui permet de faire la distinction entre les traditions, coutumes ou simples habitudes du droit positif et les principes auxquels le préambule de 1946 a entendu donner valeur constitutionnelle. Comme le souligne explicitement le Conseil, - la tradition républicaine ne saurait AStre utilement invoquée pour soutenir qu'un texte législatif qui la contredit serait contraire A la Constitution qu'autant que cette tradition aurait donné naissance A un principe fondamental reconnu par les lois de la République - (88-244 DC). A ce jour, le Conseil a considéré notamment qu'entraient dans cette catégorie la liberté d'association (71-44 DC), la liberté de l'enseignement (77-87 DC), l'indépendance des professeurs de l'enseignement supérieur - merci pour eux -(83-l65 DC), l'indépendance (80-l19 DC) et la préservation des compétences (86-224 DC) des juridictions administratives, et mASme, curieusement car cela semblait pouvoir reposer sur des fondements plus explicites, la liberté individuelle (76-75 DC) et les droits de la défense (76-70 DC). (2) Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires A notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après : 509. Comme on le verra, les principes annoncés ici varient beaucoup dans leur nature - tantôt ils consacrent un droit, tantôt ils affirment un objectif'et dans leur champ -politique, économique ou social. Mais leur mention dans le préambule, quelque forme qu'elle prenne, suffit aux yeux du juge A leur donner valeur constitutionnelle, une valeur, toutefois, qui ne produira pas les mASmes effets selon qu'il s'agit de principes, droits et libertés, d'une part, ou d'objectifs, d'autre part. (3) La loi garantit A la femme, dans tous les domaines, des droits égaux A ceux de l'homme. 510. Cela devait aller sans dire, mais le long refus du droit de vote aux femmes, dans un cadre républicain qui pourtant affirmait déjA sa volonté d'égalité, imposait que cela fût écrit. Si, schématiquement, on peut désormais considérer que cette égalité est respectée en droit, on sait que le constat des faits exige un jugement sensiblement plus nuancé. Il reste que le droit ne peut donner que ce qu'il a, l'égalité de droit. Il peut mASme se produire que cela fasse échec A un progrès vers l'égalité de fait dans la mesure où c'est, indirectement il est vrai, l'impossibilité juridique de l'affirmative action (supra, 11) qui a conduit le Conseil constitutionnel A refuser l'imposition d'un quota minimal de 25 % de femmes sur les listes de candidature aux élections municipales (82-l46 DC), rendant ainsi nécessaire la révision des articles 3 et 4 (supra, 17). 511. Cet alinéa a été implicitement modifié par la révision constitutionnelle du 25 novembre 1993 (supra, article 53-l), et il n'y a pas lieu d'en AStre fier. (5) Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. Nul ne peut AStre lésé, dans son travail ou dans son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. 512. La première phrase impose une obligation de moyens, la seconde une obligation de résultats. Le devoir de travailler est avant tout moral et, par exemple, le revenu minimum d'insertion peut parfaitement AStre versé sans contrepartie. Quant au droit d'obtenir un emploi, il se traduit par deux exigences pesant sur le législateur : d'une part, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il - lui appartient de poser les règles propres A assurer au mieux le droit pour chacun d'obtenir un emploi en vue de permettre l'exercice de ce droit au plus grand nombre d'intéressés - (83-l56 DC); d'autre part, vu l'impossibilité persistante de réaliser le plein-emploi, et faute de celui-ci, la seconde phrase du onzième alinéa du préambule crée l'obligation constitutionnelle d'une assistance aux chômeurs. Dans la mesure où elles sont détecles, et ceux qui s'y livrent ont généralement l'astuce minimale de les dissimuler, les discriminations prohibées par la fin du présent alinéa détaillent, plus qu'elles n'enrichissent vraiment, des principes déjA consacrés par la Déclaration de 1789. (6) Tout homme peut défendre ses droits et ses intérASts par l'action syndicale et adhérer au syndicat de son choix. 513. La liberté syndicale est consacrée en des termes très généraux. Elle n'exclut personne, ni les étrangers, ni les employeurs, ni les non-salariés. Constitutionnellement, n'importe quel droit ou intérASt peut AStre défendu par l'action syndicale, et c'est plutôt la loi qui privilégie, pour cette forme d'action, le domaine des relations du travail. La liberté d'adhérer au syndicat de son choix suppose celle de ne pas adhérer, massivement exercée en France, où le taux de syndicalisation est des plus bas en Europe. De celte proclamation constitutionnelle le législateur a tiré des conséquences nombreuses, A la fois pour associer les organisations représentatives A la gestion des organismes sociaux ou de certaines structures internes aux entreprises et en vue de donner un statut protégé aux représentants syndicaux, plus exposés, du fait de cette fonction mASme, A certaine inimitié patronale. L'action syndicale n'affranchit cependant pas du respect des lois, ou du moins pas toujours - sauf, peut-AStre, si elle est corse ou agricole -, et, ainsi, le droit A réintégration résultant d'une amnistie - ne saurait AStre étendu aux représentants du personnel ou responsables syndicaux licenciés A raison de fautes lourdes [] en effet, dans cette hypothèse, on est en présence d'un abus certain de fonctions ou mandats protégés - (88-244 DC). (7) Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent. 514. La formule symbolise parfaitement l'exigence de conciliation sur laquelle reposent souvent les droits et principes de valeur constitutionnelle. Le droit de grève a valeur constitutionnelle, tout comme a valeur constituRépublique -, au nombre desquels ure - le droit de mener une vie familiale normale - (93-325 DC), étant évidemment entendu que - les conditions d'une vie familiale normale sont celles qui prévalent en France, pays d'accueil, lesquelles excluent la polygamie - (ibid.). Ainsi les droits que la France affirme ne se limitent-ils pas A ses seuls ressortissants, mais profitent, selon leur contenu, soit au citoyen seul lorsqu'ils sont lies A la nationalité, soit, le plus souvent, A l'homme par cela seul qu'il est homme. Ce qui interdit la régression ne se dresse pas contre le progrès. Ainsi ce mASme alinéa ne s'oppose-t-il nullement A ce que -les conditions du développement de la famille soient assurées par des dons de gamètes ou d'embryons dans les conditions prévues par la loi - (94-343-344 DC). 518. Garantir la protection de la santé -était un optimisme que chaque maladie dément au moins A titre temporaire et l'encombrement des cimetières A titre définitif-. L'observation de René de Lacharrière (Pouvoirs, nA° 13, p. 146) marque la distance nécessaire entre l'obligation de résultats et celle de moyens. Mais, quoique plus modeste, celle-ci reste une obligation. En effet, aux autorités législative et réglementaire il - appartient en particulier de fixer des règles appropriées tendant A la réalisation de l'objectif- défini par ce onzième alinéa (89-269 DC), dont, au demeurant, la diminution de certains honoraires pourra -permettre l'application effective - (ibid.). Le préambule n'est pas ennemi de la maitrise des dépenses de santé. D'une manière plus générale, le système de protection sociale, le droit aux congés payés, A la retraite, A l'assistance trouvent des garanties dans la législation existante. Le rôle du Conseil constitutionnel A leur égard n'est donc pas, et ne peut AStre, d'imposer la réalisation de l'objectif, mais, ce qui n'est pas négligeable, de veiller A ce que les dispositifs destinés A sa réalisation ne soient pas diminués ou supprimés sans AStre remplacés par d'autres offrant des garanties au moins équivalentes (supra, 376). (12) La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les FranA§ais devant les charges qui résultent des calamités nationales. 519. La solidarité, ici, relève moins de l'élan du cour que du droit budgétaire pour la dépense, du droit fiscal pour la recette. Toutes les calamités ne suscitent pas la mASme compassion, et leur prise en charge sur les fonds publics évite des sélections spontanées et malséantes. Aussi, au-delA des systèmes d'assurance, dont certains sont rendus obligatoires, le législateur prévoit ou décide l'indemnisation de toutes sortes de calamités, selon des règles et barèmes qui, parfois, doivent moins A l'objectivité des malheurs qu'au poids électoral des victimes. (13) La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte A l'instruction, A la formation professionnelle et A la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque A tous les degrés est un devoir de l'état. 520. Le droit A la formation et A la culture va ici de pair avec les moyens de l'exercer, l'enseignement gratuit. Ne pèse sur l'état que l'obligation de l'organiser, mais il peut, comme il l'a fait avec la décentralisation, déléguer aux collectivités locales des responsabilités importantes, notamment en matière de constructions scolaires. Le principe d'égal accès fait certainement du financement d'un système de bourses une exigence de valeur constitutionnelle. Quant A la laïcité, le Conseil constitutionnel la cite, sans vérilement s'y arrASter (93-329 DC), mais il est vrai que, A ce jour, ce n'est pas dans l'enseignement public qu'elle a posé des problèmes de caractère législatif. 521. Ce n'est pas de cet alinéa mais des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (supra, 507) que coule la source de la liberté constitutionnelle de l'enseignement. Le treizième alinéa, selon le Conseil, - ne saurait exclure l'existence de l'enseignement privé, non plus que l'octroi d'une aide de l'état A cet enseignement - (77-87 DC). En revanche, le principe de la liberté de l'enseignement - synonyme en France de légalité de l'enseignement privé et de son financement partiellement public -urait bien dans les lois de la République antérieures A 1946 et - a notamment été rappelé A l'article 91 de la loi de finances du 31 mars 1931 - (ibid.). Mais, s'il a ainsi préservé un statut protecteur A l'enseignement privé, le Conseil constitutionnel a néanmoins tenu A en fixer les limites. En premier lieu, - les dispositions que le législateur édicté ne sauraient conduire A ce que les conditions essentielles d'application d'une loi relative A l'exercice de la liberté de l'enseignement dépendent de décisions des collectivités locales et, ainsi, puissent ne pas AStre les mASmes sur l'ensemble du territoire - (93-329 DC). MASme le principe de libre administration des collectivités locales, donc, ne peut autoriser une prise en charge totale des investissements de l'enseignement privé. En second lieu, le Conseil reste attentif au fait que, justement parce qu'il est gratuit et doit, de plus, AStre en mesure d'accueillir tous les enfants, l'enseignement public est soumis A des obligations particulières qui ne pèsent pas sur son concurrent privé. Consentir un effort identique en faveur de l'un et de l'autre signifierait, en fait, aider le privé davantage. Aussi le législateur doit-il - prévoir les garanties nécessaires pour prémunir les élissements publics contre des ruptures d'égalité A leur détriment au regard des obligations particulières que ces élissements assument - (ibid.). En conciliant ainsi le principe particulièrement nécessaire A notre temps - l'existence de l'enseignement public, gratuit et laïque - et le principe fondamental reconnu par les lois de la République - l'existence de l'enseignement privé et son subventionnement -, le juge a fixé un plafond : non seulement les aides A l'enseignement privé ne sauraient AStre supérieures, par élève, et les placer - dans une situation plus favorable que celle des élissements d'enseignement public -, mais elles doivent mASme AStre inférieures, - compte tenu des charges et des obligations de ces derniers - (ibid.). (15) Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires A l'organisation et A la défense de la paix. 522. La construction européenne, entamée sous et par la I République, n'est pas concernée par ces deux alinéas. De fait, elle était A ce point peu concevable en 1946, au-delA de quelques cercles visionnaires, qu'il n'est pas surprenant de ne point la trouver parmi les motifs pouvant justifier des limitations de souveraineté. C'est pourtant elle principalement qui a donné A ces alinéas, dont le premier est cité dans la décision 92-308 DC rendue A propos du traité de l'Union européenne, un regain d'actualité constitutionnelle. Mais, dans ce domaine, les titres VI (supra, articles 52 A 55) et XV (supra, articles 88-l A 88-4) de la Constitution sont plus précis et circonstanciés que le préambule de 1946, auquel ils se substituent donc, pour l'essentiel. Seule demeure vérilement, faute d'avoir été expressément reprise dans le texte de 1958. l'affirmation du respect, par la République franA§aise, des règles du droit public international. (16) La France forme avec les peuples d'outre-mer une Union fondée sur l'égalité des droits et des devoirs, sans distinction de race ni de religion. (17) L'Union franA§aise est composée de nations et de peuples qui mettent en commun ou coordonnent leurs ressources et leurs efforts pour développer leurs civilisations respectives, accroitre leur bien-AStre et assurer leur sécurité. (18) Fidèle A sa mission traditionnelle, la France entend conduire les peuples dont elle a pris la charge A la liberté de s'administrer eux-mASmes et de gérer démocratiquement leurs propres affaires; écartant tout système de colonisation fondé sur l'arbitraire, elle garantit A tous l'égal accès aux fonctions publiques et l'exercice individuel ou collectif des droits et libertés proclamés ou confirmés ci-dessus. 523. Oublions-les ! Ces trois derniers alinéas sont morts avec l'Union franA§aise de la I République, et mASme avant elle, qui les a tous trois outrageusement, et violemment, méconnus. Si le dernier alinéa ne fait pas de référence explicite A cette Union défunte, il serait faux d'en déduire sa survie : il s'applique en effet aux peuples que la France a pris en charge. La notion a perdu sa substance, l'alinéa avec elle, puisque, en matière de peuple, la République {supra, 11) n'en connait qu'un seul - et unique? -, le peuple franA§ais, désormais doté d'une robuste Constitution. |
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