NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » La sanction des atteintes aux libertÉs publiques La garantie des libertÉs dans le cadre europÉenLa Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue le 4 novembre 1950 entre les Etats membres originaires du Conseil de l'Europe, entrée en vigueur en 1953, complétée depuis par neuf protocoles additionnels, a réussi à organiser une procédure efficace, qui peut déboucher sur un recours juridictionnel, pour la garantie des droits fondamentaux énoncés dans son Titre 1er. La Commission peut être saisie par tout Etat membre, même lorsque les agissements dénoncés n'ont pas été commis à l'égard d'un ressortissant de l'Etat plaignant. Elle peut l'être aussi, et c'est le progrès essentiel, par le particulier qui en a été victime, après épuisement des recours offerts par le droit national, mais seulement si l'Etat contre lequel la plainte est formulée a signé, en ratifiant la convention, la clause facultative qui autorise ce mode de saisine. . La Commission statue sur la recevabilité de la plainte. L'irrecevabilité, si elle est évidente, peut être décidée par un comité de trois membres, qui vérifie que les voies de recours internes ont bien été utilisées, que le délai de six mois pour saisir la Commission est respecté et que la requête n'est pas, à l'évidence, dénuée de fondement. Si la Commission la déclare recevable, elle tente de procéder à un règlement amiable. S'il s'avère impossible, deux voies s'offrent à elle : la première est la transmission de l'affaire au Conseil des ministres, qui s'efforce de dégager une solution acceple par les intéressés. C'est la voie non juridictionnelle, ouverte sans aucune réserve. La seconde est la voie juridictionnelle, ouverte seulement contre ceux des Etats membres qui ont expressément accepté la clause correspondante. Dans ce cas, l'affaire est portée, soit par la Commission, soit par un Etat membre, devant la Cour européenne des droits de Vhomme, vérile juridiction internationale qui, après une instruction au cours de laquelle la personne physique ou morale qui est à l'origine de la plainte, sans être expressément partie au procès, y est représentée si elle le désire et peut se faire entendre, rend un arrêt ayant la pleine autorité des décisions juridictionnelles. Le protocole n° 9, signé par la France, mais non encore ratifié, permet la saisine de la Cour par le requérant lui-même si sa requête a été déclarée recevable par la Commission. La Cour est composée d'un nombre de juges égal à celui des membres du Conseil de l'Europe, élus pour neuf ans par l'Assemblée. Leur indépendance est fortement garantie par leur statut. Ils ne sont, à aucun titre, les représentants de leur Etat d'origine, et siègent « à titre individuel ». La Cour est divisée en plusieurs chambres de 7 membres, qui sont la formation normale de jugement, mais elle statue aussi, sur renvoi d'une des chambres, en formation plénière. 23 Etats, dont la France, ont accepté la clause de juridiction obligatoire. Si 90 % environ des très nombreuses réclamations adressées à la Commission ont été déclarées irrecevables par celle-ci, la Cour, de son entrée en fonction en 1959 au 31 décembre 1990, n'en a pas moins rendu 235 arrêts, dont la plupart portent sur des problèmes importants : législation linguistique belge, internement administratif, liberté syndicale, éducation sexuelle obligatoire, secret de la correspondance, détention préventive, torture, liberté de la presse, statut des enfants naturels, accès à la justice, droit à un procès équile s'achevant « dans un délai raisonnable », écoutes téléphoniques, etc. Sur les arrêts rendus, plus de la moitié l'ont été entre 1972 et 1990, car le nombre des saisines va croissant. Les décisions qui ont conclu à une violation de la Convention ont, dans l'ensemble, été exécutées correctement par l'Etat condamné. Surtout, elles ont permis à la Cour d'élaborer une jurisprudence que les autorités nationales peuvent difficilement éluder dans les décisions qu'elles prennent en matière de libertés. La crainte d'une condamnation par les instances de Strasbourg, toujours humiliante pour des Etats qui se veulent fidèles aux libertés, joue ainsi un rôle préventif et dissuasif dans l'élaboration des textes et dans les jugements nationaux. Aucune de ces raisons ne justifiait une attitude qui, de la part du pays que l'opinion internationale crédite, en matière de droits de l'homme, d'une certaine primauté, devenait scandaleuse. Encore la France était-elle jusqu'au 2 octobre 1982, où le gouvernement a mis fin par décret à cette inconséquence, un des rares pays européens à n'avoir pas accepté la clause facultative autorisant les recours des particuliers. La ratification a une importance primordiale : elle incorpore la Convention au droit interne français, et les victimes d'atteintes aux droits qu'elle consacre peuvent s'en prévaloir devant les juridictions nationales, qui doivent l'appliquer, et même, le cas échéant, la préférer à la loi nationale contraire, puisque la Constitution lui confère « une autorité supérieure à celle des lois ». Depuis la ratification, et jusqu'à la fin de 1990, le Conseil d'Etat a été appelé à statuer plus d'une centaine de fois sur des moyens tirés de la Convention, et ce nombre n'a cessé de croitre. Pour ce faire, il est amené à interpréter lui-même la disposition invoquée, sans obligation de renvoi devant la Cour de Strasbourg. La jurisprudence récente par laquelle il a abandonné le renvoi pour l'interprétation des traités au ministre des Affaires étrangères s'applique à la Convention (ce, 29 juin 1990, CISTI, AJDA, 1990, p. 621). Plus importante encore, en pratique, est l'acceptation par la France du recours individuel : elle permet aux personnes qui s'estiment victimes d'une atteinte à leur liberté que les voies de recours internes n'ont pas réparée de chercher une protection auprès d'une instance internationale dont les décisions, compte tenu de l'autorité qu'elle a déjà acquise, peuvent difficilement être récusées par les autorités étatiques. D'octobre 1981 à septembre 1990, la Commission a déclaré recevables 54 requêtes formées contre la France. Certaines ont fait l'objet d'un règlement amiable, mais 15 ont été portées devant la Cour, et avaient entrainé, au 30 septembre 1990, 8 jugements dont 3 condamnations, notamment pour transgression de la règle du « délai raisonnable » en matière de procédure. . La Convention européenne des droits de l'homme et les institutions qu'elle consacre relèvent du Conseil de l'Europe, dont le siège est à Strasbourg, et qui réunit vingt-trois Etats. Mais douze d'entre eux, qui l'ont ratifiée, font partie de la Communauté économique européenne. Aussi la Cour de justice des Communautés qui siège à Luxembourg (à ne pas confondre avec la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg), considère-t-elle que chacun des douze, dans ses rapports avec les ressortissants des autres Etats de la Communauté, notamment les travailleurs, est lié par les dispositions de la Convention, et doit leur en faire application. La jurisprudence de la Cour des Communautés, en dehors même de ses références à la Convention, s'inspire largement des « droits fondamentaux reconnus par les Constitutions des Etats membres », qu'elle intègre au droit communautaire. La référence à la Convention européenne a été faite pour la première fois par la Cour, saisie par le Tribunal administratif de Paris d'un recours en interprétation d'une disposition du Traité de Rome, dans l'affaire Rutili, relative à une mesure d'interdiction de séjour prise à l'encontre d'un travailleur italien par la police française. Le tribunal, saisi par l'intéressé d'un recours pour excès de pouvoir contre cette mesure sur la base du traité, avait demandé à la Cour de préciser la portée du texte invoqué ; l'arrêt conclut implicitement à l'incompatibilité de la mesure prise avec les règles communautaires (Affaire 36/75, 28 octobre 1975, Recueil des arrêts de la Cour, 1975, p. 1219). Sur cette affaire : D. Loschas. Les ressortissants de la CEE, DS, 1976, numéro spécial Les travailleurs immigrés, p. 83 ; G. Druesne, La réserve d'ordre public de l'article 48 du Traité de Rome, Ree trimestrielle de droit européen, 1976, p. 229. Sur la jurisprudence de la Cour de Luxembourg : G Cohen-Jonathan, La Cour des Communautés européennes et les droits de l'homme, Ree du Marché commun, 1978, p. 74. |
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