NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » Les droits de l homme selon la dÉclaration de 1789 Un droit des libertés publiques ?
L'interrogation, au seuil de cette étude, est légitime, car l'existence, en France, d'un droit des libertés publiques constituant une discipline distincte n'est pas a priori évidente. Les disciplines juridiques traditionnelles - droit civil, droit administratif, droit pénal, par exemple - tirent leur unité de la spécificité des règles qu'elles regroupent : chacune d'elles correspond à un ensemble homogène de règles distinctes de celles qui composent les autres branches du droit, et autonomes. Le droit des libertés publiques, lui, ne doit son unité qu'à son objet : il étudie toutes les règles qui concourent à l'aménagement et à la protection des libertés. On comprend dès lors pourquoi aucun enseignement distinct n'a longtemps été consacré, en France, aux libertés publiques : du point de vue de la technique juridique, la matière peut paraitre dépourvue d'unité et de spécificité. On en étudiait les composantes dans le cadre de la discipline à laquelle chaque liberté se rattache. C'est en 1954 que leur regroupement a été décidé, et en 1962 que le cours de libertés publiques ainsi créé a été rendu obligatoire. A quelles préoccupations a répondu cette consécration ? Comment se justifie un enseignement distinct du droit des libertés publiques ? 1° La première réponse à cette question est toute pratique : certaines des réglementations propres aux libertés ne trouvaient guère de place dans les enseignements dont elles relènt normalement. Ainsi de la liberté de la presse, du régime des réunions et des associations, du statut des cultes, etc. Or, il eût été inconcevable qu'une formation juridique pût se passer d'une prise de contact ac des législations qui sont d'application quotidienne, et qui, de plus, sont des composantes essentielles de la vie politique et sociale. 2° Plus profondément, le regroupement se justifie, du point de vue de la formation juridique, par deux raisons. La nécessité d'études pluridisciplinaires est denue une doctrine officielle. Sans attendre cette consécration, le cours de libertés publiques a brisé les cloisons étanches qui, dans l'esprit de trop d'étudiants, séparent les dirses branches du droit. La pluridisciplinarité appliquée au domaine juridique, c'est d'abord la prise de conscience du fait que ces branches, qu'il faut, dans un premier temps, envisager isolément, sont les éléments d'un ensemble, et que cet ensemble - le système juridique national - est un. Non seulement le droit des libertés publiques, pluridisciplinaire par nature, implique cette prise de conscience, mais encore il permet de découvrir l'unité à son niau le plus profond. Tout système juridique est, en effet, l'expression d'un certain nombre de valeurs, d'une conception de l'homme et de la société, soit explicitées dans des documents officiels, soit moins nettement formulées. En droit français, les principales de ces valeurs continuent de se rattacher à la notion de droits de l'homme, et au système libéral issu de la révolution de 1789, dont l'étude est au cour du droit des libertés. Ainsi, ce droit, par-delà les connaissances pratiques qu'apporte son étude, constitue une discipline de synthèse, à la fois carrefour et explication de beaucoup de règles relevant d'autres disciplines. 3° L'enseignement des libertés publiques trou enfin une justification d'un autre ordre. Sur le destin des libertés dans les sociétés contemporaines, deux jugements opposés sont possibles. Certains, s'appuyant malheureusement sur trop de faits, dénoncent leur déclin, et les menaces que font peser sur elles tant bien des aspects de la civilisation industrielle et technique que la montée de la violence, qu'elle émane des représentants du pouvoir ou des groupes qui le contestent. Mais, en sens inrse, les droits de l'homme, depuis la seconde guerre mondiale, font l'objet d'affirmations solennelles et répétées, non seulement dans la quasi-totalité des constitutions, mais encore dans des documents à portée internationale aussi différents que la Déclaration unirselle élaborée en 1948 par les Nations Unies, et l'encyclique Pacem in Terris du pape Jean XXIII en 1963. Et jamais leurs violations n'ont suscité, dans l'opinion, des protestations aussi vis, qui témoignent, à tout le moins, d'une prise de conscience très large. Déclin ? Essor ? Adaptations nécessaires pour conserr 1 essentiel des libertés dans une société en mutation, qui n'est plus celle où elles furent proclamées ? Un point est certain : leur enseignement se situe au cour d'un des débats majeurs du temps présent. Les héritages du libéralisme, remis en cause par l'évolution des idéologies, des techniques, et des sociétés, ne trouront leur place dans la civilisation qui s'élabore que s'ils n'apparaissent pas comme des survivances du XIXe siècle, et si leur valeur permanente et leurs modes d'insertion dans le futur font l'objet d'une recherche et d'une réflexion approfondies. Une telle recherche ne peut être que personnelle. Cet ouvrage voudrait seulement la stimuler et l'aider, permettant ainsi à chacun des options plus lucides et des engagements mieux fondés. NOUVELLES TENDANCES DANS L'ÉVOLUTION DU DROIT DES LIBERTÉS. - Les précédentes éditions des deux volumes de cet ouvrage ont tenté, depuis 1974, de schématiser, au fil des années, les grandes tendances qui ont marqué l'évolution du droit des libertés en France. A l'analyse qu'en a donnée la 4e édition du tome II (juin 1989, p. 16 et s.), on n'a que peu de chose à ajouter, car les deux années qui se sont écoulées depuis ont connu, par rapport aux précédentes, une relati silité de la part du législateur. Les problèmes posés par les résultats de la recherche biologique, dont on a signalé la gravité, s'ils ont fait l'objet d'importants travaux, n'ont pas encore reçu de solutions législatis. D'autre part, la jurisprudence a confirmé la place prise dans le droit français des libertés par la Conntion européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Enfin, la célébration du bicentenaire de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 a souligné l'actualité du texte fondateur, son rayonnement et la place qu'il a prise dans le droit positif. Mais, au-delà de l'évolution du droit national, on ne peut passer sous silence l'événement majeur que constituent pour la théorie et la pratique des droits de l'homme et des libertés à l'échelle mondiale, les boulersements de l'Europe de l'Est, le démenti qu'ils impliquent à la mise en ouvre de la théorie marxiste-léniniste des droits de l'homme, et le besoin fondamental des libertés classiques qu'ils ont révélé chez des peuples qui en ignoraient tant les principes que la pratique depuis de longues décennies. Sur l'évolution antérieure à 1981 : J. RrVERO, Libertés publiques et institutions judiciaires, in La France en mai 1981, Commission du bilan, I, p. 294 et s. Sur l'évolution depuis 1981 : J. Riro, Libertés publiques 1981-l983, essai de bilan, AJDA, 1983, p. 635. |
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