NAVIGATION RAPIDE : » Index » DROIT » DROIT CIVIL » De la conquÊte du pouvoir par les peuples La voie pacifiqueLa conquête du pouvoir peut faire l'économie de la lutte armée grace à la mise en ouvre de deux techniques essentielles : la voie légale et la non-violence. Les peuples du Tiers Monde continuent d'avoir recours à l'une et à l'autre. 1. La voie légale. - Pour certains, la violence doit être condamnée. Pour d'autres, elle doit être maniée ac précaution. A) Le rejet de la violence. - Parmi les partisans de ce rejet, urent la majorité des socialistes français, de nombreux dirigeants africains et certains membres de la hiérarchie catholique. De 1900 à 1920, plusieurs tendances existent chez les socialistes français, en matière coloniale. Pour l'une d'elles, le colonialisme répond à une certaine fatalité. D'où l'impossibilité d'arrêter son élan « engendré spontanement par le régime capitaliste ». D'où la tentation d'accepter passiment le fait colonial et d'attendre la libération des colonies, jusqu'à ce que soient réunies les « conditions objectis » permettant d'y accéder. La violence, comme moyen d'accession à l'indépendance, est rejetée. Certes, Jaurès proclame que le « socialisme ne ut pas de nations mutilées, asservies ou même humiliées et mortifiées », mais il considère que la libération des territoires coloniaux doit se faire progressiment et par le droit. Du Congrès de Tours à 1939, la sfio est incertaine. Les tendances précédentes se maintiennent au sein du parti. Cependant, face aux hérauts de l'idée coloniale, une minorité appuie les nationalismes naissants outre-mer. Daniel Cuérin et Marceau Pirt sont de ceux-là. Comme Léon Blum, la majorité des socialistes continuent d'adopter une position plus souple. En 1927, leur dirigeant condamne les luttes menées dans les colonies. Plu» tard, de nombreux Africains donneront leur préférence aux méthodes pacifiques de conquête du pouvoir : mécanismes représentatifs, action syndicale, éducation politique- des masses Pour les catholiques, la violence n'est légitime qu'exercée contre le tyran gournant pour son utilité propre au détriment du bien commun. Jean XXIII, par exemple, estime que la paix vérile « ne s'obtient pas ac la violence ». Elle doit résulter » d'accords conclus ac loyauté et sincérité ». En 1968, Paul VI déclare aux paysans d'Amérique latine : « Ne mettez pas votre confiance dans la violence et la révolution, contraires à l'esprit chrétien » et préjudiciables à « l'élévation sociale à laquelle vous aspirez légitimement ». « La violence - conclut-il - n'est pas évangélique. » Dans une lettre au président A. Barrère, à l'occasion de la cinquante-cinquième session des Semaines sociales de France, il estime que « la révolution de l'Evangile n'est pas celle de la force et de la violence mais celle de l'amour, à l'exemple et à la suite du Christ ». B) La violence suspectée. - Cette attitude de méfiance à l'égard de la violence a valu à certains communistes d'être qualifiés de « révisionnistes ». A la suite de l'arrivée au pouvoir, en URSS, de N. Khrouchtchev, les partis communistes « orthodoxes » ont, en effet, rejeté, dans ce domaine, une partie de l'acquis marxiste. En février 1956, à l'occasion de son XXe Congrès, le pcus a avancé deux thèses qui alimenteront le conflit sino-soviétique : la guerre n'est pas inélucle, en dépit de l'agressivité de l'impérialisme ; il est possible, dans de nombreux pays capitalistes, d'instaurer le socialisme sans révolution violente. Les positions prises par certains représentants de l'Unité populaire chilienne, rendiquant la qualité de « marxistes », sont, elles aussi, très significatis. Luis Corvalan, secrétaire général du Parti communiste chilien, avait, en 1970, réfuté le caractère « inélucle » de l'affrontement armé. Salvador Allende affirmait volontiers : « Il ne faut pas oublier que ce que nous sommes en train de faire au Chili, nous le faisons dans le cadre légal d'une législation bourgeoise, d'un régime démocratique bourgeois. Nous nous sommes engagés à procéder ainsi et nous devons respecter cet engagement. » Il considérait que son pays pouvait prendre « une voie authentiquement chilienne », « ac des méthodes chiliennes ». A la question : « Pensez-vous qu'il soit possible d'éviter la dictature du prolétariat ? », il répondait : « Je crois que oui. C'est pour cela que nous travaillons. L'anir nous dira si nous avons tort ou raison. » Au cours d'un entretien ac Régis Debray, en 1971, le dirigeant de l'Unité populaire ne nie pourtant pas la nécessité de la lutte armée dans des circonstances données. « Pour certains pays - dit-il - il n'y a pas d'autres possibilités que la lutte armée. Là où il n'y a pas de parti, pas de syndicat, là où il y a dictature, qui va croire à une possibilité de lutte électorale ? » Autrement dit, dans la mesure où - au Chili - il existe des partis et des syndicats et où ce pays ne vit pas sous un régime dictatorial, la lutte armée n'est pas inélucle. « Nous n'attaquerons pas les premiers, mais nous sommes sur nos gardes - affirme S. Allende. Nous savons très bien que les classes minoritaires qui détiennent le pouvoir ne le lachent pas - je ne dis pas facilement -, elles se refusent à le lacher. » Enfin, le Président chilien envisage les conséquences de sa mort : « S'ils m'assassinent, le peuple suivra sa route, ac la différence que les choses seront plus dures, plus violentes, parce que, pour le peuple, ce sera une leçon très claire, très objecti, que ces gens-là ne reculent devant rien. » 2. La non-violence. - A la génération des pionniers succédera celle des héritiers. A) Les pionniers. - Le Mahatma Gandhi employa le non-recours à la lutte armée à l'échelle de l'Inde tout entière. Par la résistance passi, son pays obtiendra l'indépendance le 15 août 1947. Pour l'un de ses meilleurs biographes - Robert Payne -, Gandhi fut l'un des principaux génies politiques de la première moitié du xxe siècle. Né le 2 octobre 1869, il était le fils du Premier ministre de la principauté de Porbandar. Rabindranath Tagore lui donnera le nom de Mahatma, « la grande ame ». Après avoir fait son droit en Angleterre, il deviendra conseil juridique en Afrique du Sud. En juin 1893, sur la route de Pretoria, il reçoit l'ordre de rebrousser chemin en raison de sa nationalité. Il décide alors de vouer sa vie à une résistance non violente acti. Il fait d'abord camne en faur de la minorité hindoue en Afrique du Sud. En 1905, il milite pour la révision de la loi sur le cens électoral appliquée au Natal. En 1906, il exige le retrait d'un texte sur le recensement des Asiatiques. En 1908, il brûle des certificats d'immatriculation. En 1913, il condamne le jugement de la Cour suprême du Cap invalidant les mariages célébrés selon les rites islamiques. L'apôtre de la non-violence, ce « petit agitateur en chemise de nuit » -« selon le mot de W. Churchill - inntera une méthode de lutte. Elle combine principalement les réunions de masse, la grè générale et les marches. Gandhi paye de sa personne et fait de la prison et des travaux forcés. Le 18 juin 1914, il quitte l'Afrique du Sud et gagne l'Inde. Jusqu'à sa mort, les yeux de ses compatriotes resteront fixés sur lui. Gandhi jeûnera à la suite du massacre d'Amritsar, en 1919. fl présidera un feu de joie d'étoffes étrangères, à Bombay. Il revêtira le costume de deuil à Nadura en 1921. R jeûnera cinq jours en 1921, vingt et un en 1924. Mais, surtout, du 26 janvier au 12 mars 1930, il accomplira la Marche du sel. De Sabarmati à Dandi, un vieil homme accomné d'un char à bouf et d'une procession de plusieurs kilomètres violera la loi sur la taxation du sel. Il accuse la civilisation moderne d'être responsable du malheur dont souffre son pays. D'où ce mot d'ordre : « Le salut de l'Inde consiste à désapprendre ce qu'elle a appris au cours des cinquante dernières années. Les chemins de fer, les télégraphes, les hôpitaux, les hommes de loi, les médecins, et tout ce qui s'ensuit, devront disparaitre et les prétendues classes supérieures devront mener la vie simple des paysans, sachant que c'est là l'existence qui donne le vrai bonheur. » Pourquoi cela ? Gandhi répond : « C'est le vérile esprit de la résistance passi qui m'a amené à ces conclusions presque définitis. En tant que résistant passif, je ne cherche pas à savoir si une aussi gigantesque réforme (si l'on doit employer ce mot) peut être réalisée par des gens qui se satisfont de la folle agitation actuelle. Si je ressens la vérité de cet idéal de vie, je le suivrai ac joie et n'attendrai donc pas que la masse ait commencé à le faire. » A la même époque, dans une lettre à Lord Ampthill, il précise : « Le vrai remède réside, à mon humble avis, dans l'abandon de la civilisation moderne. Dominée par l'égoïsme et le matérialisme, elle est vaine et sans but. » Gandhi avait écrit : « Peut-être sera-ce le Noir qui transmettra au monde le pur message de la non-violence. » Précisément, un Noir américain, né le 15 janvier 1929 à Atlanta, reprendra le flambeau des mains du dirigeant indien assassiné. Martin Luther King découvre Gandhi et la non-violence en 1950. Après avoir entendu deux conférences prononcées par un chrétien non violent et le président de l'unirsité Howard, il estime que cette technique peut conduire à la résolution des conflits raciaux aux Etats-Unis. Les événements de Montgomery, en Alahama (1954-l956), lui permettent d'expérimenter cette méthode de lutte. A l'origine, un fait d'apparence banale. Dans un autobus, une Noire américaine, Rosa Parks, refuse de céder sa place à un Blanc. Elle est arrêtée pour infraction à la législation sur la ségrégation. Le boycott des autobus urbains répond à cette mesure. Décidé pour une journée, il se prolonge 382 jours. Le moument fait tache d'huile : magasins et sociétés ségrégationnistes sont progressiment touchés. Il aboutira, le 13 décembre 1956, à la condamnation, par la Cour suprême, de la ségrégation dans les autobus. Cette victoire accroitra la popularité de M. L. King dont le rôle avait été déterminant. Le pèlerinage de la prière du 17 mai 1957 lui assurera une stature nationale. Coorganisateur de la manifestation, il réunit 35 000 pèlerins devant le monument de Lincoln. C'est la plus grande manifestation jamais organisée en faur des droits civiques. L'activité du dirigeant noir se déloppera encore. A la fin de 1957, il aura prononcé un nombre considérable de discours et parcouru 1 250 000 kilomètres. Le 1er décembre 1959, M. L. King fait part de sa volonté d'employer de noulles méthodes de combat. C'est le temps des sit-in. La technique consiste à s'asseoir, jusqu'à sa fermeture, dans un restaurant réservé aux Blancs. Le moument lancé en Caroline du Nord gagne d'autres Etats. La Cour suprême doit, en nombre 1961, déclarer inconstitutionnelle la ségrégation pratiquée dans ces élissements. Le 28 août 1963, la Marche sur Washington en faur des droits civiques regroupe 250 000 personnes (dont 60 000 Blancs) devant le monument de Lincoln. M. L. King commence ainsi son discours : « Je rê que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas sur la couleur de leur peau, mais sur leur caractère. » A la suite de cette action, une loi sur les droits civiques est votée, le 2 juillet 1964. Mais peu de Noirs s'inscrint sur les listes électorales. Les ségrégationnistes ne désarment pas. Les violences et les assassinats se succèdent. Le 4 avril 1968, Martin Luther King tombe à son tour. Il était nu à Memphis (Tennessee) apporter son soutien à une grè des éboueurs. La non-violence a des prolongements en matière internationale. Dans La force d'aimer, King déclare avoir « essayé d'embrasser un pacifisme réaliste qui voit dans le pacifisme le moindre mal dans les circonstances actuelles ». Il considère que la « non-violence, après avoir été la réponse aux besoins des Noirs », peut répondre à l'attente de l'humanité tout entière. En cela, il s'éloignait d'autres courants, notamment des partisans du Pouvoir noir visant à partager immédiatement le pouvoir ac les Blancs. D'autres non-violents prendront néanmoins le relais. B) Les héritiers. - L'utilisation de la non-violence est ou a été préconisée par des nationalistes africains, des représentants de l'Eglise catholique et des minorités nationales. Cette méthode leur parait un moyen terme acceple à mi-chemin entre la voie légale et la lutte armée. Dans son autobiographie, publiée en 1956, l'ancien dirigeant du Ghana, Kirame N'Krumah, évoque ainsi son hostilité initiale à l'égard de la non-violence : « D'abord je ne compris pas comment la philosophiede non-violence que Gandhi préconisait pouvait aboutir. Elle me semblait complètement débile et dépourvue de toute chance de succès. La solution du problème colonial, telle que je l'envisageais à l'époque, se situait dans le cadre de la rébellion armée. » Mais, plus tard, K. N'Krumah se demande s'il ne serait pas possible « qu'une révolution réussisse sans armes et sans munitions ». « Après avoir étudié la politique de Gandhi et observé ses résultats, je commençais à m'apercevoir, écrit-il, qu'à condition d'être appuyé par une organisation politique solide, cette méthode pourrait fournir une solution au problème colonial. » Le 12 juin 1949, devant un public de quelque 60 000 personnes, K. N'Krumah annonce la création du Parti de la Conntion du peuple et préconise une « action positi » non violente pour chasser les Anglais de la Côte-de-l'Or. Cette doctrine, exposée dans une brochure intitulée Ce que j'entends par action positi, préconise l'emploi de tous les moyens légaux et constitutionnels permettant de combattre l'impérialisme : jeu des institutions, camnes de presse, éducation des masses, grès, boycott, non-coopération. Pour K. N'Krumah, l'accession à l'indépendance requiert deux étapes. La période de la tactical action, durant laquelle les colonisés tentent de marquer des points, est précédée de 1' « action positi ». Des méthodes non violentes se conjuguent alors ac l'action politique. C'est la phase des conflits ourts ac le régime colonial. La capacité du parti de mener le pays à l'indépendance est alors mise à l'épreu. Ces batailles n'utilisent pas d'armes meurtrières, les forces de répression se trouvant alors entre les mains du pouvoir colonial. On ne peut donc s'attendre à des succès éclatants durant cette période. K. N'Krumah a expérimenté ces techniques dans son pays. La pensée de certains non-violents a influencé des luttes menées par des minorités nationales. Le nom de Lama del Vaslo reste associé à 1' « affaire du Larzac ». En janvier 1973, les paysans du Larzac affirmaient à Orléans : « La non-violence est notre loi et notre force. » Ils en ont largement apporté la preu. La France n'a pas le monopole d'actions de ce type. Les Etats-Unis, grace à César Chaz, ont fait l'expérience de la non-violence. Chaz est un syndicaliste américain d'origine mexicaine, un Chicano. Les Chicanos constituent un réservoir de main-d'ouvre pour les propriétaires des vignobles californiens. Pour protester contre leurs conditions de travail, ces ouvriers lancent, en 1965, une grè de la cueillette du raisin. Mais des « jaunes » sont engagés. C. Chaz demande alors de soutenir la grè par un boycott de l'achat du raisin. Les militant» du moument Martin Luther King assurent le succès de l'entreprise. Dans les magasins qui ndeni du raisin, des shop-in sont organisés. Les clients embouteillent les caisses ac des chariots qu'ils abandonnent remplis de marchandises. Le gournement riposte en exportant le raisin, mais les dockers de Londres refusent de décharger les cargos. Après cinq ans de lutte, les propriétaires sont contraints de céder. Le 29 juillet 1970, vingt-six d'entre eux signent des accords ac Chaz. Leur récolte sera mise en nte ac le label de son syndicat. En décembre, Chaz organise le boycott de la laitue, au cours duquel il sera incarcéré. Pour lui, « une goutte de sang vaut plus que tous les accords ». Dans les vignobles, les piquets de grè sont d'abord destinés à faire progresser la prise de conscience chez les Chicanos. Parallèlement, Chaz jeûne vingt-cinq jours. Pour lui, « la non-violence est la seule arme compatible ac l'amour du prochain et qui reconnait la valeur de chaque homme ». Pourtant, lors de conflits majeurs, cette technique s'est, le plus sount, révélée inefficace. Certes, le boycott du café de l'Angola, organisé aux Pays-Bas, en 1972, eut des effets positifs. Il fit prendre conscience à l'opinion internationale que l'une des sources les plus substantielles pour le financement des guerres coloniales menées par le Portugal pronait d'impôts pesant sur les produits agricoles originaires des colonies. Mais cette action ne permit pas de faire l'économie de la violence. On peut le regretter, mais l'histoire enseigne que la lutte armée est, le plus sount, le seul moyen pour mettre fin à des situations de type colonial. |
||||
Privacy - Conditions d'utilisation |