Les options philosophiques sont déterminantes. ' La plupart des problèmes qui vont AStre abordés n'ont pas, aujourd'hui, reA§u de solution
juridique satisfaisante. Les progrès continuels de la biologie offrent des possibilités de plus en plus nombreuses d'agir sur la vie. L'absence de consensus sur une croyance ou une éthique, dans les sociétés libérales contemporaines, ne permet pas d'élaborer une théorie juridique du droit A la vie susceptible d'AStre acceptée par une majorité de nos concitoyens.
Les théories du
droit naturel objectif. ' En effet, dans cette matière, plus que dans toute autre, les options philosophiques
sont déterminantes. Il est quasiment impossible de comprendre les
données du débat sans les rappeler très schématiquement au préalable. Pour les tenants des théories du droit naturel objectif, il existe un ordre naturel. La vie humaine y tient une place essentielle. La relation d'amour physiques mais aussi spirituelle dans un couple aura, entré autres, pour finalité la procréation. La vie humaine est sacrée dès la conception. L'embryon est appelé A denir un enfant puis un adulte dont la famille et la société devront assurer la vie matérielle mais aussi le plein épanouissement intellectuel et spirituel. Cette vie conser toute sa valeur A trars les handicaps jusqu'A la mort. La souffrance est un mal, mais, librement acceptée, elle peut prendre un sens. Ces positions sont, plus ou moins, celles des grandes religions monothéistes.
Les théories du droit naturel subjectif. ' La plupart des juristes contemporains présentent, cependant, le droit naturel sous sa forme subjecti, ce qui n'interdit pas d'aboutir éntuellement A un résultat similaire33. On proclame alors le droit A la vie dont ils détaillent les dirs aspects : droit de l'enfant A naitre, A avoir une famille, A l'éducation, puis droit au travail, A la nourriture, A la
santé Mais la formulation subjecti permet aussi de défendre des options opposées en s'attachant prioritairement aux droits de l'individu déjA né, et en récusant la notion d'ordre naturel. On proclamera, alors, le droit A avoir des enfants ou A ne pas en avoir, le droit A la paternité et A la maternité, A l'avortement, au libre choix de sa mort Comme on peut s'en rendre compte, les formulations se ressemblent, en apparence, mais reposent sur des visions du monde très différentes, pour ne pas dire inconciliables.
Les théories positivistes. ' La conciliation de ces - droits - opposés est pourtant le but que se fixent les positivistes. Les règles de droit doint, selon la majorité d'entre eux, traduire le système de valeurs dominant. Elles auront pour base l'éthique minimum admise dans la société et tenteront, pour le reste, de concilier les points de vue opposés. Pourtant, ce raisonnement, indispensable pour définir un système de
libertés publiques, trou ici ses limites. Les enjeux sont trop fondamentaux pour se contenter de compromis. De plus, les sujets de droits ne sont pas seulement des adultes, auxquels la société peut laisser la responsabilité de leurs actes, mais des enfants, voire des embyons ou fœtus qu'elle devra soit protéger contre leurs parents naturels ou adop-tifs, des médecins ou des scientifiques, soit abandonner A leur sort. Ceux qui croient au caractère sacré de la vie n'accepteront jamais l'avortement considéré comme la suppression d'une vie innocente. Les autres n'acceptent pas de se le voir interdire au nom d'un principe auquel ils n'adhèrent pas. Aussi conviendra-t-il de mesurer en quoi les droits en cause sont des droits fondamentaux avant d'envisager les solutions juridiques.
1 Des droits fondamentaux
Il est possible de les situer par rapport aux étapes de la vie humaine, de la naissance A la mort. Conformément aux conceptions dominantes A notre époque, on raisonnera en termes de droits subjectifs.
A - La naissance
La stérilisation. ' Deux problèmes majeurs et opposés se posent : peut-on admettre la stérilisation et l'insémination artificielle"? La stérilisation volontaire pourrait AStre laissée au libre arbitre de chacun36. Mais elle nécessite une interntion chirurgicale et le praticien se rra imposer le principe du respect de l'intégrité physique du patient". En effet, dans le but de protéger les individus, notre droit interdit de pratiquer une mutilation sur un AStre humain, dans un but autre que thérapeutique. Toujours pour respecter la dignité humaine, l'on a refusé d'admettre que certains condamnés (maniaques sexuels) soient stérilisés, mASme ac leur consentement.
L'insémination artificielle.' Les possibilités offertes par les techniques de l'insémination artificielle sont encore loin d'AStre
explorées. Elles posent des problèmes psychologiques et moraux plus que juridiques, lorsqu'elles sont pratiquées au sein d'un couple, le donneur étant le mari. Il n'en va plus du tout de mASme lorsque l'on utilise les - services - d'un donneur étranger. Psychologiquement et moralement, cette situation présente des aspects adultérins. La mère risque de considérer que l'enfant est exclusiment le sien. A l'inrse, le père risque de le rejeter. Juridiquement, en l'absence de réglementation, l'insémination relè des seules initiatis privées. Le donneur peut AStre choisi par le couple. Il peut aussi rester anonyme. C'est le choix qui a été effectué par les cecos38. Quant A l'enfant, il sera réputé légitime puisque né d'un couple marié. Cependant, rien n'empASchera le mari d'intenter une action en désau de paternité. Certaines propositions de loi prévoyaient d'interdire cette action lorsque le consentement a été donné en temps utile. Elles ne résoudraient pas tous les problèmes3'. On a, en effet, pu envisager de pratiquer un certain eugénisme en choisissant des donneurs sélectionnés (n'a-t-on pas parlé d'une banque de sperme
des prix Nobel?!!!). On pourrait également remettre en cause l'ordre des générations dans la mesure où le sperme peut AStre conservé après congélation. Ceci permettrait techniquement A une femme d'AStre inséminée par le sperme du mari déjA mort, de son ami, voire d'un individu mort depuis longtemps! La congélation peut, d'ailleurs, AStre pratiquée au stade suivant, celui de l'embryon.
L'embryon et le fœtus. ' L'embryon et le fœtus sont-ils sujets de droit? Cette question reA§oit des solutions contradictoires. Depuis fort longtemps, le Code civil voit en eux des sujets de droit puisqu'il est possible de tester en faur d'un enfant dès sa conception. Dès lors, comment admettre la légalisation de l'avortement ? A quel moment commence la vie humaine? Le critère de la viabilité n'est pas un bon critère. Il est fonction de l'état des techniques médicales existantes. Inrsement, le petit enfant ne serait pas viable s'il était privé d'assistance, et quel individu, mASme adulte, pourrait se passer d'un environnement humain?
Dans la mesure où, pourtant, le fœtus n'est pas plus expressément reconnu comme sujet de droit, comment empAScher qu'il ne soit utilisé comme objet de laboratoire41? 11 peut l'AStre A de simples fins d'expérimentalion. Les progrès techniques en matière d'insémination artificielle risquent fort d'aggrar ces phénomènes. Ils permettent, comme on l'a vu, d'assurer le déloppement d'un embryon dans un - milieu naturel -, mais également in vitro. Dès lors, peut-on considérer un tel embryon conA§u A partir de l'ovule et d'un spermatozoïde de - donneurs inconnus - comme une chose susceptible d'appropriation? Il est indispensable que des solutions juridiques précises soient prévues car, compte tenu des probabilités d'échecs lors de la fécondation artificielle, on a tendance A faire procéder A plusieurs ovulations en mASme temps. Les embryons non utilisés pourront AStre détruits (avortements), AStre congelés ou servir A des expériences dirses. La fécondation artificielle facilite ces dernières dont les manipulations génétiques.
Les manipulations génétiques. ' Celles-ci présentent pour particularité d'affecter le patrimoine génétique du futur adulte qui les
transmettra A sa descendance. Si les manipulations génétiques pratiquées A des fins thérapeutiques ne posent guère de problèmes**, que penser des autres ? Il est déjA envisageable de modifier par avance les caractères physiques, voire intellectuels, d'un AStre humain et ce qui, aujourd'hui, relè encore de la fiction pourra denir réalité dans un délai plus rapproché qu'on ne le pense. Les expériences menées sur des animaux montrent qu'il sera possible, par division de l'œuf après fécondation, d'obtenir une pluralité d'AStres semblables ou, par clonage, des AStres identiques A un tiers". Ne serait-ce pas porter atteinte, entre autres, aux droits du nouau-né?
Les droits du nouau-né. ' L'infanticide est toujours considéré comme un crime. Néanmoins des - déraes - sont A
craindre dans la mesure où l'on peut passer de l'avortement tardif, A la suite de la décourte d'anomalies, A la suppression du nouau-né pour des raisons identiques ? Outre le droit A la vie, l'on pourrait songer pour l'enfant nouau-né A d'autres catégories de droits. Ainsi en est-il d'un droit A l'identité ; le droit d'AStre soi-mASme, que l'on peut également qualifier de droit A la différence, droit A une naissance naturelle, droit A la normalité se concevrait plus aisément dans un système de droits objectifs. Il est, néanmoins, tout A fait en accord ac de nombreux droits subjectifs couramment proclamés au xxe siècle tels que les droits économiques et sociaux, le droit au travail, le droit A la vie et A la santé, le droit au mariage et A la famille, voire le droit A l'environnement. Tous ces droits ne supposent-ils pas une certaine conception de la nature humaine et de son épanouissement? Comment, sans eux, faire respecter la dignité et cette dirsité de l'espèce humaine dont FranA§ois Jacob a rappelé, après beaucoup d'autres, qu'elle fait toute sa richesse14. Ainsi on énoncerait un principe, le droit A l'identité de la personne humaine, et une application qui en découle : - Aucune manipulation ne peut AStre effectuée dans un but autre que thérapeutique. -
Le droit A la famille. ' L'enfant se rrait, également, reconnaitre un droit A la famille. Celui-ci a été proclamé par la Constitution franA§aise de 1848 sous la double pression des idées socialistes et chrétiennes45, afin d'affirmer le droit des travailleurs A une vie de famille décente. Il a été solennellement proclamé A nouau dans les constitutions rédigées après la deuxième guerre4*. Il s'agissait, alors, d'affirmer la suprématie de la famille comme cadre de la vie individuelle et de l'éducation de l'enfant. On condamnait, par lA mASme, les sinistres tentatis faites pour enrégimenter la jeunesse au profit d'un Etat totalitaire ou d'une - Race -.
Les textes internationaux sont également très clairs A ce sujet. La Déclaration unirselle des Droits de l'Homme de 1948 pose dans son article 16 le principe suivant : - La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit A la protection de la société et de l'Etat. - La mASme formule est reprise par l'article 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966. Ce texte fait partie du
droit positif franA§ais4'. Ce droit doit, bien sûr, AStre interprété et appliqué. Ainsi, le Conseil d'Etat a
censuré des mesures gournementales limitant les possibilités de regroupement des familles des travailleurs immigrés, car ces mesures méconnaissaient un principe général du droit, celui de tout homme A mener une vie de famille normale48. Dans notre domaine, il conviendrait aussi de se livrer A une interprétation du principe général. On pourrait, certes, penser A un - droit A l'ascendance -, droit de tout individu A avoir un père et une mère et A AStre éduqué par eux. Ce serait tout A fait dans la logique de ce qu'ont voulu les rédacteurs des déclarations nationales ou internationales. Serait-ce très réaliste? On peut en douter dans la mesure où il a toujours existé des enfants sans père, bien que nés de faA§on tout A fait naturelle, des enfants abandonnés, ou des enfants qui n'ont pu bénéficier d'une vie de famille par suite du décès, de la séparation ou du divorce de leurs parents. Il serait, en revanche, envisageable d'interdire A des tiers (médecins) de contribuer A faire naitre un enfant sans père, voire sans père et mère, et de les sanctionner éntuellement. Le problème est moralement et psychologiquement tout différent". Certes, beaucoup d'arguments se contredisent A partir du moment où l'on admet l'utilisation de l'insémination artificielle ac donneur étranger. Ils devraient, en tout état de cause, faire réfléchir tous ceux, parents adoptifs, médecins, techniciens, mais aussi - donneurs - qui prennent la responsabilité de faire naitre un enfant dans de telles conditions au risque de compromettre, plus tard, son équilibre affectif, voire sa santé mentale.
B- La santé
Le droit A la santé. ' - La nation assure A l'individu et A la famille les conditions nécessaires A leur déloppement. Elle garantit A tous, notamment A l'enfant, A la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs -, est-il écrit dans le Préambule de la Constitution franA§aise de 1946. La France, comme beaucoup d'autres pays, proclame donc le - droit A la santé -. Ce droit, comme ceux qui lui sont ables, n'implique pas la possibilité pour les administrés d'exiger directement des prestations par les voies de droit. Il fixe plutôt des objectifs au législateur. Celui-ci a d'ailleurs mis en place une législation sociale complexe pour y parnir.
L'acceptation des soins. ' On peut A l'inrse s'interroger sur la nature de l'obligation qu'a un individu de se faire soigner. Celle-ci existe d'un point de vue moral. En revanche, les principes libéraux interdisent de procéder A des soins sur un individu conscient qui les refuse. Le Code de déontologie médicale actuellement en vigueur60 s'en fait l'écho : - La volonté du malade doit toujours AStre respectée dans toute la mesure du possible. Lorsque le malade est hors d'état d'exprimer sa volonté, ses proches doint, sauf urgence ou impossibilité, AStre prénus et informés -". Aussi général qu'il soit, ce principe doit s'accommoder de quelques exceptions. Nul ne peut refuser des soins si cela doit mettre en danger la santé de tierces personnes. Ainsi ne peut-on s'opposer aux vaccinations obligatoires dont l'efficacité est liée A leur généralité. De mASme, les mineurs sont-ils dans ce domaine, comme dans d'autres, soumis A l'autorité parentale. Celle-ci n'est pas sans limites, Elle ne saurait, par un refus de soins, compromettre la santé de l'intéressé".
Les intérASts de la collectivité permettent-ils d'exiger ou d'accepter plus de la part des individus ? Certes, il est toujours possible pour un individu de se dévouer aux autres, fût-ce A son détriment. Mais, en l'espèce, le problème juridique est différent. Dans quelle mesure un médecin ou la société peunt-ils accepter ce dévouement? En principe, l'on ne doit pas porter préjudice A l'intégrité physique ou A la santé d'une personne mASme si une autre est bénéficiaire de ce sacrifice. Il existe des exceptions. D'une part, lorsque le risque est minime en contrepartie de l'avantage escompté. Ainsi le don du sang est-il licite". C'est en utilisant cette argumentation que l'on a légalisé l'expérimentation du médicament sur l'homme sain, ce qui ne va pas sans poser de problème car le lien entre le risque et le profit n'est pas toujours évident. En revanche on admettra, dans des cas exceptionnels, qu'un individu prenne un risque plus sérieux lorsque celui-ci apparait comme étant le seul moyen d'en saur un autre. Il en sera ainsi A l'occasion d'un don d'organe64.
Est-il admissible que ces
risques soient courus dans un intérASt - non vital - pour celui qui en sera le bénéficiaire? On peut évoquer, ici, le cas des opérations réalisées dans un but esthétique. On évoquera également le cas des transexuels. Certains d'entre eux demandent des interntions chirurgicales leur donnant l'apparence du sexe qu'ils souhaiteraient posséder. Ces opérations tombent en droit franA§ais sous l'incrimination de castration ou de coups et blessures volontaires". Ils réclament aussi une conrsion juridique de leur état civil qui n'est pas acceptée par les juridictions franA§aises66.
C-La mort
La peine de mort. ' La mort est de plus en plus vécue dans nos sociétés comme l'échec suprASme. Récemment abrogée en France, la peine de mort a pratiquement disparu des pays d'Europe occidentale. Sa suppression résulte probablement de la conrgence de deux courants de pensée : la volonté de respect de la dignité humaine poussée dans ses extrémités, quels qu'aient été les actes de l'intéressé; le scepticisme devant la valeur de toute appréciation humaine et la crainte de commettre une erreur irréparable. La mort-sanction infligée par la société est ainsi apparue inacceple.
Suicide et euthanasie. ' En revanche, rien n'interdit, juridiquement, A l'individu de - se donner - la mort. Le suicide ou sa
tentati ne sont pas pénalement sanctionnés6'. Pour la mASme raison, la grè de la faim ne peut justifier aucune interntion par la contrainte tant que l'individu reste conscient, sauf peut-AStre dans le cas des prisonniers. Toutefois, si le droit libéral ne condamne pas le suicide sous toutes ses formes, par respect de la liberté individuelle, il n'admet, en aucun cas, l'aide au suicide, voire le fait de donner la mort A la demande de l'intéressé. Selon les circonstances l'acte reste un homicide ou une complicité d'homicide. Plusieurs arguments militent en ce sens, en dehors mASme de toute considération morale. Dans quelle mesure, une demande de mort ne correspond-elle pas A un appel A l'aide? Par ailleurs, il n'y a pas toujours de séparation très nette entre l'euthanasie passi consistant A laisser mourir, et l'euthanasie acti consistant A faciliter la mort, voire A tuer. Il n'est pas toujours aisé de distinguer le souhait conscient et permanent de mourir du souhait passager, voire de l'interprétation d'un souhait ou dans certains cas de l'horreur ressentie par l'entourage devant les souffrances du patient. Enfin, l'euthanasie risque toujours de déboucher sur l'eugénisme : suppression du vieillard incurable, puis du vieillard gASnant, du débile profond, puis du débile léger, et enfin de l'infirme. Aucun critère médical ne permet d'opposer l'AStre humain digne de soins et d'intérASt A celui qui ne le serait pas. Plusieurs propositions de lois ont échoué sur ce point.
L'acharnement thérapeutique. ' Est-ce A dire que tout malade doi se voir appliquer une thérapeutique, mASme dans les cas
apparemment désespérés? Il convient de poser ici le problème dit de l'acharnement thérapeutique. Il vise les cas où des soins sont prodigués alors qu'il n'existe aucune chance raisonnable de succès. Par application du principe libéral que l'on a rappelé, nul n'est tenu juridiquement d'accepter des soins. Peut-on renoncer par avance A certains d'entre eux? C'est ce que pensent les auteurs des testaments de soin, parfois appelés improprement testaments de vie. Ils visent, en effet, A refuser par avance toute prolongation artificielle du processus de mourir. De tels documents écrits posent deux questions juridiques majeures. La première est liée A la psychologie de l'intéressé. La demande effectuée en toute lucidité mais alors que l'individu dispose de tous ses
moyens est-elle toujours valable alors qu'il se trou en danger de mort ? Il est, dans ces conditions, difficile d'admettre, a priori, la validité d'un document très ancien dont on ne peut savoir s'il représente toujours la volonté du sujet. En outre, il convient d'admettre une possibilité de révocation A tout moment, mASme si elle ne s'exprime pas par écrit".
La seconde question est plus strictement médicale, il n'est pas toujours aisé de définir ce que l'on doit entendre par - prolongation artificielle -. La grande majorité des médecins est opposée A un maintien en survie qui serait seulement motivé par des considérations scientifiques. En revanche, ils font valoir qu'il existe des cas de guérison qui étaient, normalement, imprévisibles et que, de plus, le maintien en survie peut AStre justifié par le souci d'attendre la décourte d'une noulle thérapeutique.
Au demeurant, de tels cas sont relatiment rares, ne serait-ce, entre autres, que pour des raisons financières. Ces prolongations artificielles de la vie humaine sont coûteuses par suite de l'immobilisation du matériel sophistiqué qu'elles supposent, sans mASme parler du personnel médical indispensable. Il semble, d'ailleurs, que l'attitude la plus courante dans les hôpitaux franA§ais consiste A utiliser toutes les thérapeutiques connues tant qu'elles ont scientifiquement une chance de succès, puis, lorsque l'échec technique parait certain, A essayer d'alléger A tout prix les souffrances physiques du malade, quitte A le faire sombrer dans l'inconscience et A hater sa mort'0. Ceci pose un problème plus déontologique que juridique. On a sount insisté sur le - droit de mourir A son heure -. N'est-il pas aussi important d'avoir
connaissance de son état et d'AStre en - droit de vivre sa mort -? Des efforts semblent aller dans ce sens.
2 Les solutions juridiques
Des solutions occidentales. ' Les solutions juridiques aux problèmes qui viennent d'AStre évoqués varient considérablement selon la
philosophie des droits A laquelle on se réfère. Cette réflexion reste apparemment un peu théorique, car, dans la plupart des pays concernés, on semble ne se référer A aucune philosophie très précise. En effet, et cette première remarque est essentielle, seule une toute petite partie de la population mondiale est concernée par les techniques médicales de pointe. Pour la très grande majorité des habitants du Tiers Monde, le droit A la vie a une tout autre consonance. Seule une infime minorité de ceux-ci pourrait partager les soucis des populations aisées des pays industrialisés. C'est précisément celle qui fréquente déjA certains de leurs élissements de soins. Dans les pays du monde socialiste, la plupart des questions les plus délicates ne se posent pas encore pour des raisons d'ordres dirs : raisons politiques dans la mesure où l'encadrement de la recherche sous toutes ses formes, par l'Etat, la maintient sous une étroite surillance; raisons historiques puisque les sciences médicales et biologiques y sont relatiment peu déloppées depuis Lyssenko : ce qui empASche d'en tirer les avantages évite d'avoir A leur fixer des limites; raisons financières enfin, car les techniques de pointe sont très coûteuses et ne peunt se diffuser dans des nations économiquement moins prospères que dans le monde occidental.
L'attitude devant la science. ' Les questions noulles suscitées par les plus récentes décourtes biologiques et leur mise en
œuvre technique ou médicale se posent donc presque exclusiment en Amérique du Nord, Europe de l'Ouest, Japon, Australie. Elles s'y discutent dans un climat de liberté politique qui n'exclut cependant pas un certain conformisme. Celui-ci ne joue pas tellement par rapport aux valeurs mais peut-AStre plutôt par rapport A une certaine idée de la science. Les nations libérales sont fières, A juste titre, de leurs succès scientifiques, auxquels elles attribuent, non sans raisons, leur prospérité. Ne sont-ils pas, par ailleurs, la preu de la valeur de la liberté? La liberté de la recherche procure des avantages tangibles dont toute la population bénéficie. Il n'est pas question de dénoncer ou de critiquer de telles propositions. Il convient de ne pas oublier que la science est par elle-mASme neutre dans la plupart des cas. Presque toutes les grandes décourtes sont susceptibles d'application soit positis, soit négatis. Ce qui est scientifiquement ou techniquement possible n'est pas nécessairement moralement ou socialement bon. Toute l'histoire humaine est lA pour le prour, ce qui n'empASche pas nos sociétés d'éprour une crainte superstitieuse lorsqu'il s'agit de légiférer sur ce qui est présenté comme un - progrès -.
Des choix de civilisations. ' Les problèmes bio-médicaux divisent toutes les communautés nationales selon des critères
autres que politiques. Parmi les pays où se posent ces questions, c'est-A -dire le monde occidental, on a sount signalé une opposition entre le monde anglo-saxon et les pays latins. En réalité, il s'agit beaucoup plus d'une opposition entre les pays A tradition protestante et les pays A tradition catholique, les premiers admettant plus facilement le primat des droits subjectifs de l'adulte conscient, les seconds se référant implicitement A la vision d'un ordre naturel. Prenons l'exemple le plus simple, celui de l'avortement. Sa légalisation a été très large et plus précoce en Angleterre, en Suisse, dans les pays Scandinas, en Hollande et aux Etats-Unis'3. Elle a été et reste plus lente et surtout beaucoup plus restricti en Italie, en Esne, au Portugal et surtout en Irlande.
La France et l'Allemagne se trount A cet égard dans une zone intermédiaire.
Au philosophique aussi les points de vue s'opposent. Pour les uns, il convient surtout de promouvoir la liberté individuelle. MASme si l'on tente de concilier les droits opposés, la logique intrinsèque du système fera presque inéluclement prévaloir la volonté de celui qui est le plus apte A la manifester : l'adulte conscient en bonne santé. Pour les autres, le respect de la dignité humaine doit AStre mesuré A la faA§on dont sont protégés les plus faibles, les plus démunis, les plus méprisés des AStres humains (fœtus, nouau-nés, débiles, grabataires). C'est par la place qu'elle leur fait qu'une société se révèle pleinement humaine. Ainsi le débat philosophique est loin d'AStre purement abstrait.
Des solutions indispensables. ' Une crainte est évidente et omniprésente pour le juriste : celle de l'apparition ou du déloppement de zones de non-droit ou de zones où la portée des règles de droit n'est pas admise par tous. Par ailleurs, le droit a tendance A suivre les décourtes techniques ou les mœurs. On recourt parfois A la théorie erronée de l'abrogation tacite. Aucune définition légale de la vie n'est donnée. En fait, l'heure de la mort d'un individu est déterminée A partir des critères techniques qui apparaissent les plus sérieux en l'état actuel des
connaissances médicales. Le législateur ne s'est pas non plus préoccupé d'un certain nombre de situations en étroite relation ac la vie et la mort (insémination artificielle, situation du fœtus). Lorsque des textes interviennent, ils se situent, le plus sount, au bas de la hiérarchie des normes, circulaires, arrAStés ministériels, parfois décrets, ce qui leur permet, notamment dans le premier cas, de conserr un caractère confidentiel", mais ne leur confère qu'une valeur juridique très discule. On ne peut - légiférer - par circulaire sur le droit de la vie et de la mort
Cette situation n'est pas saine, juridiquement, car, en l'absence de règle précise, on doit se référer A des principes généraux qui ont été conA§us sans tenir compte des données actuelles. Ce ne serait pas gASnant s'ils avaient une portée bien précise. Il suffirait de les interpréter en fonction de la noulle situation. Mais, en l'occurrence, ce n'est pas le cas de la majorité d'entre eux. Ainsi, aucun texte constitutionnel franA§ais ne proclame le droit A la vie. Le Préambule de 1946 précise seulement que la - Nation assure A l'individu et A la famille les conditions de leur déloppement - et - garantit A tous, notamment A l'enfant la protection de la santé -. Evidemment, ce texte a été rédigé A une époque où l'on n'envisageait ni la légalisation de l'avortement, ni l'insémination artificielle et encore moins les manipulations génétiques. Il est difficilement applicable dans ces domaines et le Conseil constitutionnel l'a constaté sans se prononcer réellement sur le fond. De mASme, l'intention du constituant était manifestement de protéger la famille, mais il comptait pour cela sur une législation sociale appropriée, sans imaginer que d'autres menaces pouvaient exister. Le Conseil d'Etat a été très audacieux en élevant le - droit de mener une vie familiale normale - au rang de principe général du droit et en tirant certaines conséquences'8. Le Conseil constitutionnel pourrait y voir un principe fondamental reconnu par les lois de la République, mais, pour cela, il faudrait qu'il soit saisi. Par ailleurs, il est toujours plus difficile pour les juges de se prononcer dans des matières controrsées lorsque les textes sont imprécis, car ils courent le risque de voir dénoncer un gournement des juges. Sans nul doute, la meilleure solution consisterait A poser des principes constitutionnels clairs et A élaborer ensuite des lois d'application. Mais cela supposerait l'existence d'un consensus éthique qui est loin d'AStre réalisé dans la société franA§aise. C'est probablement la cause principale de la persistance et du déloppement de zones de non-droit.
Les comités d'éthique. ' C'est également une des raisons pour lesquelles nos sociétés ont tendance A se décharger de la solution des questions gASnantes sur les - spécialistes -. On a assisté, depuis une décennie, A la multiplication des comités d'éthique. Certains ont été créés au niau d'élissements de soins et jouent un rôle de conseil sur ce qui parait admissible en matière de traitements, d'opérations et de comportements vis-A -vis des patients. Les autres siègent au sein d'organismes de recherche et rendent des avis sur les projets qui leur sont soumis tant au niau des
risques possibles qu'au niau de l'éthique proprement dite. Ils présentent presque tous la particularité d'avoir été créés par les milieux professionnels eux-mASmes et d'AStre composés de spécialistes. Leur utilité n'est pas niable, pas plus que la valeur de beaucoup d'avis rendus, mais ils n'ont, en tout état de cause, d'autorité que celle que leur confèrent leurs membres. Organismes privés, ils ne peunt contraindre. Décentralisés, ils risquent de dirger sur certains points fondamentaux. Enfin, ils sont peu - représentatifs - et correspondent plutôt A une sorte d'institutionnalisation morale du - pouvoir médical - ou du - pouvoir scientifique -.
Afin de parer A ces critiques, les pouvoirs publics ont créé un Comité consultatif national d'éthique par décret du 23 février 1983. La liste des 35 membres le composant a été publiée plus de sept mois après. Ceux-ci se répartissent en trois catégories : cinq personnalités désignées par le Président de la République et appartenant - aux principales familles philosophiques et spirituelles -, quinze personnalités - choisies en raison de leur
compétence et de leur intérASt pour les problèmes d'éthique -, quinze personnalités - appartenant au secteur de la recherche -. Cette dirsité est indispensable si l'on ut que le Comité remplisse sa mission : - Donner son avis sur les problèmes moraux qui sont soulevés par la recherche dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé, que ces problèmes concernent l'homme, les groupes sociaux ou la société tout entière. - Parmi les premiers dossiers qu'a eu A connaitre le Comité, les difficultés n'ont pas manqué, qu'il s'agisse des prélèments de tissus d'embryon ou de fœtus humains morts A des fins thérapeutiques, diagnostiques et scientifiques, des problèmes d'éthique posés par les essais de nouaux traitements chez l'homme, les avis sur les problèmes éthiques nés des techniques de reproduction artificielle ou des problèmes éthiques posés par l'appréciation des
risques du sida par la recherche d'anticorps spécifiques chez les donneurs de sang, etc.
En dépit d'une très forte représentation, en son sein, de scientifiques et d'un mode de nomination de ses membres contesle, le comité a sount permis d'aller dans le sens de la recherche d'un consensus au-delA de la bipolarisation politique que connaissent les assemblées parlementaires. Dans une importante étude, de sa section du rapport et des études, intitulée - De l'éthique au droit -, le Conseil d'Etat s'est inspiré des travaux déjA réalisés'1. Sur deux points au moins, ces propositions ont abouti ou sont sur le point d'aboutir.
L'interntion législati. ' La loi du 20 décembre 1988, relati A la protection des personnes qui se prAStent A des recherches biomédicales, admet, A la différence du droit positif actuel, la licéité, dans certains cas, d'essais de médicaments sur l'homme". Elle distingue les essais A finalité thérapeutique directe et les essais sans finalité thérapeutique directe (dits sur - volontaires sains -). En toute hypothèse, cette phase expérimentale, menée par un médecin qualifié, dans des conditions matérielles et techniques adaptées, doit AStre précédée d'un certain nombre d'études théoriques et pratiques en laboratoire. Le consentement écrit des intéressés est en principe requis, et certaines catégories de personnes ne peunt, sauf exception, AStre utilisées comme - volontaires sains -. Le promoteur de l'expérience, qui doit souscrire une assurance, engage sa responsabilité. En outre, un ou plusieurs - comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale - siègent dans chaque région. Ils donnent un avis sur tous les projets qui leur sont obligatoirement soumis. Mais c'est au ministre, assisté de ses services, que revient le rôle juridique déterminant, puisqu'il lui appartient de suspendre ou d'interdire A tout moment une recherche biomédicale. On peut regretter le caractère un peu flou de certaines dispositions de cette loi, votée sans opposition au Parlement. Il est peu probable qu'un tel consensus se réalise, s'agis-sant du deuxième projet en préparation.
Il s'agit, pour l'instant, d'un avant-projet de loi destiné A s'inscrire dans le dispositif légal existant. Il a notamment pour but de réglementer la procréation médicalement assistée. Celle-ci ne serait admise qu'en faur de personnes mariées ou vivant maritalement. Le don de sperme pronant d'un tiers (anonyme et bénévole) serait admis. Dans ce cas, le désau de paternité serait impossible. Quant aux embryons obtenus in vitro et non utilisés, ils pourraient AStre conservés (congelés) pendant cinq ans, pour la réalisation d'un autre - projet parental - du mASme couple, pour AStre donnés A un autre couple et exceptionnellement pour AStre utilisés, durant les sept premiers jours de leur vie, A des fins scientifiques. Au bout de cinq ans, ils seraient obligatoirement détruits.
Ce projet tente de définir, en tenant compte de l'état de l'opinion, un moyen terme entre des options philosophiques opposées. Ici, comme ailleurs, il n'évite pas les risques d'incohérence.
Les risques d'incohérence. ' Dans le vaste domaine qui vient d'AStre présenté, on risque en effet, plus qu'ailleurs d'aboutir A des solutions fluctuantes, élaborées au coup par coup, au gré des variations imprévisibles d'une opinion publique forgée plus ou moins artificiellement par les médias. On déboucherait sur un système juridique parfaitement incohérent parce que construit A partir de règles disparates. Donnons-en simplement quelques illustrations. Peut-on proclamer, d'une part, l'égalité des sexes et vouloir la traduire au professionnel,
économique et politique, et, d'autre part, donner A la femme une maitrise absolue sur la reproduction au besoin contre la volonté expresse de son mari? Peut-on abolir la peine de mort au nom du respect dû A la vie tout en banalisant Favortement et en justifiant, plus ou moins, certaines formes d'euthanasie? Peut-on proclamer le droit A la famille, prendre des mesures sociales pour le favoriser, tout en facilitant la naissance d'enfants sans famille? Peut-on s'indigner devant la traite des esclas et admettre, au nom du progrès scientifique, un droit de vie et de mort sur les embryons et les fœtus, voire sur les débiles profonds, ou laisser se délopper des trafics dirs? Un système de droit, quel qu'il soit, doit AStre cohérent. Lorsqu'un principe de droit est affirmé, il convient, si l'on introduit des exceptions, de les justifier par rapport A lui, faute de quoi c'est le principe lui-mASme qui est atteint. Ce qui est vrai, en matière de libertés individuelles, l'est aussi en matière de libertés collectis.